Arras 2017 : Handle with care

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Handle with care

Norvège, 2017
Titre original : Hjertestart
Réalisateur : Arild Andresen
Scénario : Hilde Susan Jaegtnes, Arild Andresen et Jorge Camacho
Acteurs : Kristoffer Joner, Kristoffer Bech, Marlon Moreno, Ellen Dorrit Petersen
Distribution : –
Durée : 1h42
Genre : Drame
Date de sortie : –

Note : 3/5

D’habitude, cinéma et enfance font bon ménage, dans un souci de représentation qui s’appuie autant sur l’innocence de nos chers bambins que sur leur côté obscur, décidément plus diabolique. Nombreux sont les films à prendre parti pour les gamins, aussi incorrigibles soient-ils, quitte à en faire les victimes de sévices plus ou moins graves de la part d’adultes, qui n’ont pas la pédagogie infuse. Ou bien, ces premières années si importantes de la vie sont mises en péril par des circonstances sociales précaires, faisant du coup de l’enfance un ressort de choix pour toutes sortes de tragédies édifiantes. Au sein de cette panoplie plutôt vaste d’approches pour donner une parole et une image à la jeune génération, la réalité crue – pas dans le sens d’une maltraitance éventuelle, mais dans celui du rapport parfois tendu entre parents et enfants – est souvent contournée, probablement à cause du besoin d’évasion du quotidien terne et éreintant auquel le cinéma répond malgré lui par son aspect divertissant. Ce film norvégien, présenté en compétition à l’Arras Film Festival, nous a touchés par l’immense justesse avec laquelle il a su faire sien un sujet épineux : les aléas de l’adoption et le difficile établissement d’un élan paternel, alors que la raison et le hasard aménagent moult prétextes pour admettre son impuissance. Handle with care est donc un drame poignant, particulièrement avare en manipulations sentimentales, au profit d’une authenticité affective qui fend d’autant plus durablement le cœur.

Synopsis : Kjetil et sa femme Camilla ont adopté le jeune orphelin colombien Daniel. Alors que son travail sur des plate-formes de forage pétrolier éloigne souvent Kjetil du domicile familial, Camilla est une mère épanouie auprès de son fils adoptif. Quand elle meurt soudainement dans un accident de la route, son mari éprouve un sentiment de deuil insurmontable. Désormais, il est le seul responsable de Daniel, lui aussi traumatisé par la disparition brutale de sa mère adoptive. Puisqu’il se sent incapable d’assumer ce rôle de père dans une famille monoparentale, Kjetil décide de partir avec son fils de six ans dans son pays d’origine, dans l’espoir d’y retrouver la trace de sa mère biologique.

Pas la bonne personne pour être père

C’est formidable d’avoir des enfants, n’est-ce pas ? Dans la culture européenne qui est la nôtre, le fait d’avoir une progéniture est plus ou moins vigoureusement valorisé. En fonction du milieu et des circonstances personnelles, cela passe même plutôt mal de se refuser catégoriquement à l’éventualité d’élever des enfants. Le cinéma joue certainement son rôle dans cette optique promotionnelle du contrat de transmission entre les générations, en donnant l’impression que la vie de père ou de mère n’est au fond qu’une partie de plaisir, même pendant les périodes compliquées de la grossesse, de la petite enfance ou, plus tard, de l’adolescence. Dans son troisième long-métrage, le réalisateur Arild Andresen tord subtilement le cou à cette opinion fausse de chez fausse, selon laquelle l’amour entre un père et son fils serait facile à mettre en pratique jour après jour, parce qu’il est inné. Car la volonté y est certes chez ce veuf, abasourdi par la mort brutale de sa femme, de faire fonctionner sa famille tronquée. Son fils adoptif n’est, quant à lui, pas moins prédisposé à recevoir et à donner de l’amour que ne le serait un fils biologique. Sauf que ses origines lointaines ouvrent une voie de fuite assez mesquine ou en tout cas lâche à Kjetil, en guise de seconde chance à la fois pour lui et pour Daniel, qui a pourtant tout d’un aveu d’échec. Le défi filmique consiste alors à agencer cette relation trouble, sans tomber dans le misérabilisme sentimental, ni dans les solutions miracles, qui arrangeraient tout le monde, en trahissant cependant l’ambition manifeste d’un réalisme à fleur de peau que la narration cultive humblement.

Rotation de responsabilité

Est-ce que le protagoniste de Handle with care est un mauvais père ? Une réponse claire à cette question tendancieuse ne serait nullement à la hauteur du propos de ce film, qui explore justement les zones peu glorieuses de cette paternité d’abord surtout subie. L’impatience et le mensonge comptent ainsi parmi les traits de caractère peu exemplaires avec lesquels nous confronte d’emblée l’interprétation dépourvue de complaisance de Kristoffer Joner. L’agacement de ne pas savoir faire avec ce fils récalcitrant remplace en effet pendant assez longtemps une manifestation plus accessible de son attachement soigneusement enfoui envers ce garçon, qui lui rappelle le projet commun avec sa femme, cruellement modifié par le décès de cette dernière. Tandis que son voyage en Colombie ressemble à s’y méprendre à un retour à l’envoyer cynique du paquet humain qu’il y était allé récupérer trois ans plus tôt, le récit ne lui rend pas la tâche aussi facile. En premier lieu, parce que son plan de retrouver rapidement la mère biologique de Daniel et de la mettre devant le fait accompli de son retour au pays se heurte sans cesse à l’administration et à la mentalité locales, toutes les deux moins empiriques que le détachement froid et parfois sans âme du visiteur scandinave. Et puis, grâce à l’ingérence nullement préméditée, elle, du guide Tavo et de sa famille, qui font à la fois preuve de compassion et de bon conseil dans une situation en apparence inextricable.

Conclusion

Un film comme Handle with care nous fait forcément penser aux paroles du début de la célèbre chanson de Maxime Le Forestier « Né quelque part ». Ainsi, on ne choisit certes ni ses parents, ni sa famille, mais comme le démontre sans excès le film de Arild Andresen, un terrain d’entente devrait toujours être envisageable, à condition que les générations y aillent chacune avec un minimum de bonne volonté. Ne vous attendez donc pas à des effusions de sentiments démesurés avec cette histoire fort touchante, mais au contraire à une précision du trait réaliste, qui accroît comme par magie l’impact émotionnel de cette crise familiale somme toute banale.

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