Critique : Guibord s’en va-t-en guerre

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Guibord s’en va-t-en guerre

Canada, 2015
Titre original : –
Réalisateur : Phillipe Falardeau
Scénario : Philippe Falardeau
Acteurs : Patrick Huard, Irdens Exantus, Suzanne Clément
Distribution : Happiness Distribution
Durée : 1h44
Genre : Satire politique
Date de sortie : 27 juillet 2016

Note : 3/5

La politique et ses exécutants, des politiciens sans envergure morale, ni charisme médiatique, ont mauvaise réputation par les temps qui courent. A moins qu’il ne s’agisse d’un souci majeur de la conception même de l’appareil démocratique, qui se base en quelque sorte sur le mécontentement permanent des électeurs avec leurs élus, afin d’assurer à terme une alternance cyclique qui ne mettra jamais sérieusement en question le statu quo. Or, comment pourrait-il en être autrement, lorsque le pouvoir incite à la corruption du porte-monnaie, voire de l’âme ? Les seuls politiciens en qui on peut encore tant soit peu avoir confiance, ce sont ceux qui exercent leurs responsabilités modestes à un niveau de proximité, ces vaillants conseillers municipaux, par exemple, qui n’ont aucun pouvoir concret mais grâce à qui notre petit train-train quotidien de quartier avance imperturbablement. En revanche, leur activité ne se prête guère à la fiction filmique, tant ils œuvrent dans la banalité la plus totale. Le nouveau film du réalisateur canadien Philippe Falardeau explore l’épisode joyeusement turbulent dans la carrière d’un député, certes, mais d’un député qui, par son indépendance et son style de gouvernance consensuel, n’a strictement aucun poids au-delà de son comté très faiblement peuplé. Cela risque de changer au fil de Guibord s’en va-t-en guerre, une satire politique basée – selon l’annonce placée en exergue – sur des faits véridiques qui n’ont pas encore eu lieu, mais qui ne sauraient tarder à arriver. Tout un programme !

Synopsis : Le jeune Haïtien Souverain Pascal débarque au fin fond du Canada, afin d’y entamer son stage auprès du député au parlement du Québec-Nord Steve Guibord. La routine des rendez-vous à but représentatif est vite perturbée par une brouille entre la population autochtone et les camionneurs qui doivent extraire le bois des nombreuses forêts dans la région. Mais Guibord se voit encore plus pousser des ailes, avec l’aide de son fidèle stagiaire très débrouillard pour user de l’influence des médias et des réseaux sociaux, quand la décision sur la participation du Canada à une guerre ne dépend que de son seul vote d’indépendant.

Les Dessous pétillants

Comme l’indique si ironiquement le nom de la boutique de lingerie fine au-dessus de laquelle se trouve la permanence minuscule de Steve Guibord, ce film cherche à exposer les dessous plus ou moins dérisoires, mais parfois diablement amusants, d’un système politique en roue libre. L’action monte ainsi crescendo, de l’arrivée inopportune du stagiaire étranger pas vraiment sollicité jusqu’à l’espoir éphémère de l’accession à une fonction publique à proprement parler. Entre-temps, le récit traverse avec un certain stoïcisme les hauts et les bas de plus en plus absurdes de cette quête de notoriété improbable. Car au fond, le député est à peine plus qu’un politicien caricatural, c’est-à-dire un pantin sans volonté personnelle, qui se laisse porter par l’élan de l’opportunisme jusqu’à ce qu’un collègue encore plus machiavélique que lui lui vole la vedette. Sa campagne de consultation populaire, histoire de ne surtout pas prendre de façon autonome une décision qui risque d’être lourde de conséquences, n’est en fait qu’un prétexte pour dévoiler l’ineptie du personnage, et par son biais de la classe politique toute entière. Les sentiments authentiques sont particulièrement rares dans cette histoire, où tout le monde a son agenda personnel et donc par définition égoïste à faire avancer, quitte à se perdre dans les méandres d’une course folle à la mise en valeur nombriliste, qui s’écroule in extremis comme un château de cartes.

Hostie et tabernacle !

Il nous arrive de nous moquer des sous-titres qui accompagnent parfois les sorties de films canadiens, comme si le dialecte québécois était si différent du français de métropole qu’il faut le traiter telle une langue étrangère. Dans le cas présent, nous aurions toutefois apprécié leur présence, car sans eux, les petits détails des répliques savoureuses avaient hélas parfois tendance à nous échapper. Car Philippe Falardeau est un réalisateur qui joue autant sur l’humour des situations que sur celui des mots. Comme dans la plupart de ses films précédents, il est question ici de l’introduction d’un élément étranger dans la société canadienne. Contée depuis le point de vue du stagiaire venu d’une autre hémisphère, l’intrigue s’emploie donc à décortiquer les travers de la culture québécoise, prise au piège entre le hockey sur glace, son lien ambigu avec une nature omniprésente et des phobies personnelles si peu pratiques dans un pays tellement immense que le seul moyen de locomotion viable est l’avion. Contrairement à l’observateur semblable dans Primary colors de Mike Nichols, Souverain s’investit corps et âme dans l’avancement de son patron, poussé sans cesse par une forme de naïveté qui fait, elle aussi, preuve d’une ironie considérable. Rien, ni personne n’est par conséquent à prendre au sérieux dans cette douce farce, qui ne s’adonne pas pour autant à un ton méchamment mordant.

Conclusion

Philippe Falardeau témoigne une fois de plus de sa fibre humaniste dans cette comédie politique aux revirements agréablement burlesques. Guibord s’en va-t-en guerre n’a clairement pas le même impact émotionnel que son film précédent, l’excellent The Good lie malheureusement toujours inédit en France, mais il confirme avec une verve d’esprit redoutable tout le mal que l’on peut penser d’un système démocratique à bout de souffle en général, et de ses acteurs obnubilés par leur propre importance en particulier.

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