Gaspard va au mariage
France, 2017
Titre original : –
Réalisateur : Antony Cordier
Scénario : Antony Cordier
Acteurs : Félix Moati, Laetitia Dosch, Christa Théret, Johan Heldenbergh
Distribution : Pyramide
Durée : 1h43
Genre : Comédie
Date de sortie : 31 janvier 2018
Note : 3,5/5
Normalement, nous ne sommes guère adeptes des comédies de mariage. Dans ce sous-genre sirupeux de la comédie romantique, tout est fait pour que deux personnes se retrouvent en fin de compte devant le maire ou le curé, après maintes péripéties qui ont tout de la publicité, voire de la propagande, pour le pouvoir irrésistible de l’amour passionnel. Dans ce contexte ennuyeusement prévisible et plein de prétextes susceptibles d’épicer une recette usée jusqu’à la corde, Gaspard va au mariage aurait pu faire l’effet d’une bombe. Sauf que le troisième film de Antony Cordier n’est vraiment pas une fanfaronnade facétieuse. C’est au contraire, clair et net, notre coup de cœur de cet Arras Film Festival, grâce à sa capacité impressionnante de s’aventurer dans un univers cocasse, sans jamais en négliger, ni trahir, l’aspect profondément humain et donc universel. Sa beauté plastique indéniable, avec ses couleurs chaudes joliment automnales, ne détourne en rien notre attention des personnages, certes hauts en couleur, quoique d’une complexité désarmante, tiraillés sur un ton décidément bon enfant entre le comique et une conception sensiblement moins loufoque de l’existence.
Synopsis : Laura vagabonde à la campagne, avec comme seule destination vague une copine qui l’attend à Biarritz pour faire ensemble les marchés, quand elle se joint à un groupe d’activistes, qui s’enchaînent sur les voies en signe de protestation. C’est ainsi qu’elle rencontre Gaspard, un passager du train bloqué par les manifestants, qui doit rejoindre sa famille dans le sud pour le mariage de son père. Puisqu’il est en panne d’une compagne de voyage et d’événement familial, il propose à Laura de se faire passer pour sa copine pendant quelques jours, en échange d’un peu d’argent. Comme elle n’est nullement pressée, Laura accepte et se voit alors projetée dans le microcosme particulier d’un zoo, dont le directeur Max voudrait bien épouser la vétérinaire Peggy.
Rien à faire à Limoges ?
Les retrouvailles avec Laetitia Dosch, la révélation du récent Jeune femme, sont plutôt brèves, en tout cas si l’on était enclin à penser que l’actrice n’ait que la corde de la jeune adulte bordélique à son arc. Si le personnage qu’elle interprète presque aussi brillamment dans ce film-ci donne initialement l’impression de flotter, elle aussi, au gré des rencontres impromptues, son parcours n’a finalement que peu de points en commun avec celui de la catastrophe ambulante dans le film de Léonor Serraille. Car Gaspard va au mariage est avant tout un récit choral, au sein duquel personne ne cherche à tirer la couverture à lui – et cela d’autant moins que la nudité sans complexe, ni érotisme forcé, fait partie intégrante de l’intrigue –, à tel point que les enjeux dramatiques au niveau personnel demeurent étrangement flous. Cette absence de focalisation forcenée sur une finalité classique, à l’image de ce fameux mariage du titre et de la raison d’être toute entière du genre, que l’on perd rapidement de vue pour mieux le retrouver in extremis, mais là encore de la façon la plus anodine imaginable, nous la devons à la nonchalance sublime avec laquelle le réalisateur conte son histoire. Néanmoins, le scénario ne fait pas l’impasse sur quelques coups de théâtre savamment dosés, qui ont le plus souvent pour arrière-plan ces pauvres animaux exotiques en sursis. Mais à chaque fois, la tension éphémère qui s’en dégage retombe avec une élégance inouïe, afin de mieux mettre en valeur un univers constamment sur le fil entre le drame pragmatique et la fantaisie décalée d’une famille pas comme les autres.
Une famille foldingue
A force de vivre jour et nuit parmi les bêtes, les proches de Gaspard ont en effet adopté un comportement pour le moins étrange. Le cas le plus extravagant est bien sûr celui de la petite sœur Coline, que Christa Théret, dans sa peau d’ours, joue cependant avec une innocence instinctive, qui confère en quelque sorte à son personnage le rôle de la conscience écologique. Les autres membres de la famille savent se soustraire à nos attentes avec la même désinvolture fascinante, peu importe qu’il s’agisse du père bohémien et attachant, du frère gestionnaire qui rêve tellement de tout brader pour enfin trouver sa propre voie ou de la belle-mère désignée qui a une conception moins orthodoxe des liens du mariage que son futur époux, tous interprétés avec un naturel infaillible par respectivement Johan Heldenbergh, Guillaume Gouix et Marina Foïs. Face à ces personnages secondaires hors pair, simultanément drôles et authentiques, on aurait presque tendance à oublier notre deuxième porte d’accès à cette fratrie en quête d’harmonie, un Félix Moati dont la discrétion complémente par contre parfaitement les sautes d’humeur plus insolentes de son pendant féminin. Enfin, autant le vocabulaire formel de Antony Cordier nous réserve de nombreux moments de grâce cinématographique, autant il n’est pas non plus totalement exempt de légers faux pas : la répartition assez arbitraire de l’histoire en chapitres, ainsi que les retours en arrière, où Élodie Bouchez incarne une mère bien trop idéalisée pour le propos globalement iconoclaste du récit.
Conclusion
Pas question de se précipiter devant l’autel avec le premier venu après avoir vu ce film plein d’intelligence et d’optimisme ironique ! La vocation principale de Gaspard va au mariage n’est clairement pas de promouvoir une tradition matrimoniale surannée. Il s’emploie plutôt avec une bonne humeur communicative, joliment saupoudrée d’un sarcasme dépourvu de méchanceté, à explorer des modes de vie plus libres, malgré tout soumis à l’épreuve cruciale de la vie en communauté.