FIFAM 2023 : Focus sur Davy Chou, révélation du nouveau cinéma cambodgien

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Davy Chou © Killian Bridoux, Jean-Marie Faucillon, Michel Bridoux, Laurent Bridoux

Sélectionné à Cannes dans la catégorie Un certain regard et récemment aux César 2024 (Park Ji-Min est pré-nommée dans la section Révélation comédienne), Retour à Séoul n’en finit pas de séduire les festivals. Son auteur, Davy Chou, réalisateur et producteur incarnant la nouvelle vague du cinéma cambodgien avec Anti-Archive, était l’invité du FIFAM 2023. L’occasion de revenir sur son parcours et de comprendre davantage ses productions.

Park Ji-min dans Retour à Séoul © Films du Losange

L’invité du FIFAM

Pour cette 43e édition du Festival International du Film d’Amiens, Marie-France Aubert, directrice artistique, ainsi que toute son équipe de programmation ont sélectionné 14 films (courts-métrages et longs-métrages dans lesquels l’invité ait été impliqué) et les ont réunis autour d’une thématique : Davy Chou, Anti-Archive. Cette année, le FIFAM offre au public cinéphile l’opportunité de rencontrer le jeune cinéaste et de découvrir le cinéma cambodgien d’aujourd’hui par le biais de cette « rétrospective ».

« Être au FIFAM m’a permis de faire un travail de réflexion sur mes productions. Il est très émouvant de se rendre compte de la cohérence du travail et de la progression des films que j’ai produits. J’ai rarement eu l’occasion d’en parler avec autant de précision car quand on fait la promotion d’un film, l’échange est assez sommaire. Tout cela m’était étrange et assez théorique dans la mesure où tous ces films sont présentés sous forme de rétrospective alors que cela n’en est pas une. En présentant les films, j’ai dû prendre un peu de distance, être impartial (…). Ce festival permet au public de découvrir Anti-Archive qui est surtout connu en Asie mais pas en France. Je suis donc très honoré de parler de ces productions-réalisations à Amiens et j’en suis très reconnaissant » avoue le réalisateur franco-cambodgien lors de notre échange.

Toujours est-il bon de le rappeler, le cinéaste fut membre du jury Un certain regard aux côtés de John C. Reilly, Emilie Dequenne, Paula Beer et Alice Winocour lors de la dernière édition du festival de Cannes. L’occasion de revenir sur son échange avec Quentin Tarantino. Un moment inoubliable : « Quentin Tarantino est un cinéaste très important. Je suis très fan de son cinéma. Je me souviens l’avoir croisé à maintes reprises au festival. On s’était déjà salué mais rien de plus. Un jour, je l’ai aperçu à la salle de déjeuner. J’ai donc saisi l’opportunité. J’ai enclenché la discussion qui a duré une trentaine de minutes. J’étais comme un fanboy. On n’a parlé que cinéma. Le lendemain, à la cérémonie de clôture, je le recroise. Il s’assoit devant moi. Le hasard. Une des plus belles rencontres de ma vie. »

16 novembre 2023. L’Académie des César annonce la liste des pré-nommés dans la catégorie Révélations. Davy nous partage son sentiment concernant cette nouvelle. « Dans le paysage cinématographique, à part Isabelle Huppert, je ne connais pas d’autres actrices qui aient ce pouvoir de bifurquer d’un sentiment à un autre, qui puissent livrer une prestation avec une précision chirurgicale et qui soient aussi douées dans cette gymnastique émotionnelle. Quant à Park Ji-Min, je suis fier. Il y a de quoi. C’est pourtant son premier film ! Elle est une actrice exceptionnelle. Elle nous a bluffé pendant le tournage. Pour moi, c’était presque impossible pour une actrice non-professionnelle qui puisse donner et offrir au-delà du script. La nomination est amplement méritée. »

Les origines d’Anti-Archive

Avant de se lancer professionnellement dans la production et la réalisation, le jeune franco-cambodgien a participé à de nombreux projets pendant ses années d’études à l’école de commerce de Lyon. Du court-métrage sans prétention (Requiem for un égoïste d’Abel Janati en 2005 et Le premier film de Davy Chou en 2008, remake du cultissime The Big Shave, première production de Martin Scorsese) à la direction du Club vidéo, association cinéphile centrée essentiellement sur l’analyse filmique et la production de courts-métrages amateurs, le tout dans une ambiance potache. Davy s’est questionné sur son avenir mais ne néglige cependant pas l’idée d’être producteur.
Âgé de 25 ans, il entreprend de réaliser un documentaire sur l’âge d’or du cinéma cambodgien des années soixante (dont nous connaissons la suite) et se lance parallèlement dans la création de Vicky Films, première boîte de production, avec deux associés dont Jacky Goldberg, critique cinéma, devenu le producteur du film. Quelques années après, il fonde Anti-Archive, maison de production fondée et créée en 2015 aux côtés de Steve Chen et Kavich Neang (White Building). L’objectif : travailler collectivement et mettre en avant les nouveaux talents du cinéma cambodgien. Seulement, comment parler du cinéma d’aujourd’hui ?

White Building © Films du Losange

« L’industrie cinématographique au Cambodge est très sommaire pour ne pas dire pauvre. Si tu veux produire ou réaliser un film, c’est une histoire sans fin. Le passé, point de convergence, nous a permis de se réunir. Quand tu vis dans un pays comme le nôtre, la notion de temporalité est complètement ébranlée. Raison pour laquelle on l’a appelée Anti-Archive, cela permet de s’interroger sur la notion du passé, des souvenirs, ce qu’ils symbolisent pour chacun » explique son associé Kavich Neang dans une interview.
Ce collectif rejoint cette nouvelle vague de jeunes artistes cambodgiens tentant d’écrire le présent sans pour autant nier ce passé lourd. En tant que producteur, Davy souligne ce sentiment : la nécessité de raconter des histoires. Pour cela, il faudrait donner davantage la chance aux autres. « Il faut sentir les énergies et être en osmose. Quand il y a l’intuition, on y va. J’opte pour la philosophie de l’action. Mais comment les optimiser avant de se lancer dans un projet ? Dans ce cas, je n’hésite pas à demander à l’équipe du film (qu’il ou elle soit accessoiriste, décoratrice, acteur.rice) de se lancer dans la réalisation. Chaque personne a une sensibilité et sa propre vision du monde à partager. »

Interview de Davy Chou réalisée par Thierry Champy dans le cadre de la 43e édition du FIFAM (Festival International du Film d’Amiens) qui s’est déroulé du 10 au 18 novembre dernier.


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