Le cas Pinochet
Chili, France, Canada, Belgique, 2001
Titre original : El caso Pinochet
Réalisateur : Patricio Guzman
Scénario : –
Acteurs : –
Distribution : Euripide Distribution
Durée : 1h54
Genre : Documentaire
Date de sortie : 10 octobre 2001
Depuis près de trente ans, Marseille abrite un festival en grande partie consacré au documentaire, mais qui se diversifie de plus en plus. Assez peu médiatisé, même dans des revues spécialisées, le FID emploie pourtant de grands moyens, et n’a pas à rougir devant d’autres festivals de la même ampleur. Ainsi, de nombreux lieux abritent les projections, dont le assez fameux Musée des civilisations de l’Europe et de la Mediterranée, le MuCEM. Si le FID comporte une compétition officielle, aujourd’hui nous allons évoquer un long-métrage présenté dans la sélection « Ecrans parallèles ».
Le cas Pinochet, documentaire suivant « en direct » le procès de l’ancien dictateur chilien. A la fin des années 90 Pinochet laisse derrière lui un pays certes revenu à la démocratie, mais loin d’avoir pansé toutes ses plaies. Le militaire a dirigé le pays d’une main de fer après son coup d’état, le 11 septembre 1973, contre le président socialiste Salvador Allende, et s’est maintenu au pouvoir pendant près de 20 ans. Et si en 1998 il semble apprécié par une grande partie du peuple chilien, de nombreuses personnes – victimes ou parents de victimes – n’ont pas oublié la répression exercée pendant des années par le régime militaire. Des milliers d’opposants au régime ont ainsi « disparu » après avoir été arrêtés par des militaires, et les survivants ont souvent honte de raconter ce qu’il leur ait arrivé.
Le documentaire de Patricio Guzman est ainsi basé sur deux axes : d’un côté nous suivons l’évolution du procès, de l’autre nous écoutons les victimes de la politique de Pinochet. Le côté judiciaire de l’affaire est intéressante, étant donné sa complexité et ses « rebondissements ». Comme on peut s’en douter, et comme le montre explicitement le documentaire de Guzman, la condamnation du chef d’état a certes des partisans, mais aussi de nombreux opposants. Guzman n’hésite pas ainsi à s’entretenir avec des soutiens de Pinochet, qui ont des discours brillants par leur mauvaise foi, ni à filmer une visite de Margaret Thatcher chez dictateur. Ce n’est cependant pas le point le plus passionnant du film, les diverses étapes de la procédure judiciaire finissant par lasser. Guzman, qui n’apparaît jamais à l’écran, laisse entrevoir cependant sa patte au fil de ces 110 min : une femme de ménage nettoyant la cour des lords, un avocat expliquant le déroulement des procès à l’aide d’un jeu d’échec … Autant d’éléments qui font la différence entre un documentaire relevant du 7eme art et un simple produit télévisuel.
Mais là où se distingue le documentaire de Guzman, c’est dans le portrait des victimes – celles qui ont survécu tout du moins. Le cinéaste porte une grande attention aux femmes, torturées pendant des mois, qui ont le courage de raconter ce qu’elles ont subi. Si récemment Joshua Oppenheimer mettait en scène a posteriori les actes d’un bourreau (The act of killing, 2012) puis la rencontre entre tortionnaire et torturés (The look of silence), ici Guzman se « contente » de filmer les victimes face-caméra. Ces entretiens poignants sont n’ont besoin d’aucun artifice pour montrer l’horreur, le montage – et donc les non-dits – étant suffisant.
Conclusion : Le cas Pinochet est donc un documentaire parfois assez scolaire (comme pendant le procès) mais souvent poignant. Comme il l’a fait avant, et comme il continue de le faire (son dernier film, Le bouton de nacre, est sorti l’année dernière), ici Patricio Guzman parle de son pays, le Chili. Loin d’en dresser un portrait touristique, il questionne la mémoire du pays en filmant pour ne pas oublier.
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