Alors que les festivals de cinéma de l’été sont déjà en cours (La Rochelle), sur le point de commencer (le FID en pleine canicule marseillaise) ou en attente d’éléments clés (Venise et son absence de président du jury), ceux de la rentrée commencent doucement à prendre forme. Il en va ainsi du Festival Lumière à Lyon dont la 14ème édition aura lieu du samedi 15 au dimanche 23 octobre prochains. En attendant d’ici quelques jours ou quelques semaines le nom de la personnalité du cinéma qui succédera à la réalisatrice néo-zélandaise Jane Campion, lauréate du prestigieux Prix Lumière l’année dernière, la vente des accréditations publiques ouvrira dès demain à 11h00.
Auparavant, le bureau de presse du festival a annoncé ces derniers jours les heureux élus des grandes rétrospectives qui ponctuent depuis le début du siècle ce rendez-vous incontournable pour tout amateur de cinéma de patrimoine qui se respecte. Les près de 200 000 festivaliers qui se pressent année après année du côté du Hangar du Premier film pourront ainsi découvrir les filmographies des réalisateurs Louis Malle, pour la France, et Sidney Lumet, pour les États-Unis.
Louis Malle (1932-1995)
Inclassable, imprévisible, indémodable aussi, c’est ainsi que l’on pourrait qualifier la carrière du réalisateur français Louis Malle. Un faux contemporain des cinéastes de la Nouvelle Vague, il a toujours su se réinventer, depuis son apprentissage auprès du commandant Cousteau sur le documentaire Le Monde du silence – Palme d’or au Festival de Cannes en 1956 – jusqu’à ses dernières grandes œuvres françaises, Au revoir les enfants et Milou en mai, et l’épilogue prématuré outre-Atlantique avec Fatale et Vanya 42ème rue. Une filmographie pas tellement en dents de scie, mais en bifurcations multiples et volontaires, comme pour mieux contredire et démonter ce qui venait d’être produit.
Des films à scandales qui ont pris du grade avec le temps, tels que Les Amants avec Jeanne Moreau, Le Feu follet avec Maurice Ronet, Le Souffle au cœur avec Léa Massari et Lacombe Lucien avec Pierre Blaise. Des films à la facture plus classique dans lesquels se manifestent pourtant la maîtrise et l’élégance de la mise en scène de Louis Malle, comme Ascenseur pour l’échafaud, toujours avec Jeanne Moreau, et Le Voleur avec Jean-Paul Belmondo. Des films en apparence plus légers, l’adaptation de Raymond Queneau Zazie dans le métro avec Philippe Noiret et le western sous forme de farce au féminin Viva Maria avec Brigitte Bardot.
Sans oublier bien sûr les parenthèses américaines et indiennes. Au cours de la première, Louis Malle avait réalisé des films aussi mémorables que La Petite avec Brooke Shields, Atlantic City avec Burt Lancaster et Susan Sarandon et Alamo Bay avec Amy Madigan et Ed Harris. La deuxième, antérieure, avait vu naître le documentaire fleuve L’Inde fantôme à la fin des années ’60. Plus tard, le réalisateur était resté sporadiquement fidèle au genre, notamment à travers ses deux documentaires américains God’s Country et A la poursuite du bonheur.
Récompensé à de multiples reprises, Louis Malle n’a pourtant jamais gagné un Oscar, contrairement à ce qu’indique le communiqué de presse de l’Institut Lumière. En effet, celui que Le Monde du silence avait remporté dans la catégorie du Meilleur documentaire en 1957 n’avait été attribué qu’au producteur Jacques-Yves Cousteau. A titre personnel, Malle avait été nommé trois fois par l’Académie du cinéma américain, pour les scénarios de Le Souffle au cœur et Au revoir les enfants, puis entre-temps comme Meilleur réalisateur pour Atlantic City. Ce dernier lui avait valu par ailleurs son premier Lion d’or au Festival de Venise en 1980, sept ans avant le deuxième pour Au revoir les enfants. Le conte d’écoliers sous l’Occupation avait été le grand gagnant de la cérémonie des César, raflant sept trophées dont ceux du Meilleur Film et du Meilleur réalisateur en 1988.
Si vous n’avez pas l’occasion de vous rendre en Rhône-Alpes au mois d’octobre, sachez que le distributeur Malavida Films orchestre la première partie d’une rétrospective sous le titre « Louis Malle Gentleman provocateur » dès le 9 novembre prochain. En partenariat avec la Gaumont, six de ses films ressortiront alors en versions restaurées 4K : Ascenseur pour l’échafaud, Les Amants, Le Feu follet, Viva Maria, Le Voleur et Le Souffle au cœur.
Sidney Lumet (1924-2011)
En copies restaurées et matériel inédit, en collaboration avec les bureaux français de Park Circus et Warner Bros., ainsi qu’une ribambelle d’autres distributeurs, le 14ème Festival Lumière rendra hommage au réalisateur new-yorkais par excellence Sidney Lumet. Venu de la télévision, Lumet avait fait mouche dès son premier long-métrage de cinéma : 12 hommes en colère avec Henry Fonda dans l’un de ses plus beaux rôles et accessoirement Ours d’or au Festival de Berlin en 1957. Dès lors, il avait lui aussi mélangé les genres, à l’image de Louis Malle, quoiqu’avec une boulimie de travail infiniment plus marquée. Ainsi, ce sont plus de quarante films qu’il a tournés, jusqu’à son dernier, le sombre thriller familial 7h58 ce samedi-là avec Philip Seymour Hoffman et Ethan Hawke, sorti en France en septembre 2007.
A en croire la mosaïque de photos jointe au communiqué de l’Institut Lumière, le festival montrera au minimum quelques-uns des films les plus célèbres de Sidney Lumet. A savoir l’adaptation de Tennessee Williams L’Homme à la peau de serpent avec Marlon Brando et Anna Magnani, Le Prêteur sur gages avec Rod Steiger, The Offence avec Sean Connery, Serpico avec Al Pacino, Le Crime de l’Orient-Express avec Albert Finney et Ingrid Bergman, Network Main basse sur la TV avec Peter Finch et Faye Dunaway, Equus avec Richard Burton, Le Verdict avec Paul Newman et Charlotte Rampling, A bout de course avec Christine Lahti et River Phoenix et Contre-enquête avec Nick Nolte et Timothy Hutton.
Sidney Lumet n’avait lui non plus gagné un Oscar compétitif, en dépit de ses cinq nominations, quatre comme Meilleur réalisateur pour 12 hommes en colère, Un après-midi de chien, Network Main basse sur la TV et Le Verdict, ainsi qu’une autre pour le scénario adapté de Le Prince de New York. Toutefois, il avait reçu un Oscar d’honneur en 2005 des mains de Al Pacino.