Vendredi 21 octobre, jour 8 du Festival 2016 : 3 films en avant-première, Lettres de la guerre de Ivo Ferreira, Massilia Sound System, le film de Christian Philibert et Grave de Julia Ducournau, plus un film pas vraiment en avant-première tout en l’étant quand même un peu, 600 Euros de Adnane Tragha.
Lettres de la guerre
Troisième long métrage du réalisateur portugais Ivo Ferreira, Lettres de la guerre est inspiré du livre homonyme d’António Lobo Antunes, écrivain et psychiatre portugais. Ces lettres d’amour envoyées à sa femme, António Lobo Antunes les a écrites alors que, jeune médecin, il était soldat pendant la guerre coloniale en Angola entre 1971 et 1972. D’un tel sujet, on pouvait craindre le pire : crainte totalement démentie par la beauté et la force de la réalisation. Les images (splendide noir et blanc !) que montre Lettres de la guerre sont principalement celles du quotidien de ce jeune médecin militaire, avec son évolution politique, les combats, les blessés, les actes chirurgicaux pratiqués dans des conditions sommaires, les séances de maniement d’armes, les repas, les exécutions expéditives, les chiens abattus parce qu’il y en a trop et qu’ils sont malades, les parties d’échec, la frustration sexuelle des soldats, etc.. De temps en temps, pour de courtes scènes, l’épouse aimée apparaît à l’écran. De temps en temps, les scènes que l’on voit sont dialoguées, mais, le plus souvent, on entend la lecture de lettres envoyées par António Lobo Antunes, des lettres dans lesquelles il accompagne les images en racontant ce quotidien et dans lesquelles, par ailleurs, se manifeste l’amour profond qu’il voue à sa femme et à sa fille qui va naître, puis à sa fille qui est née. Dans une de ces lettres, António Lobo Antunes va jusqu’à comparer les soldats qu’il côtoie à des insectes pour qui ne compte que la survie. Lettres de la guerre est un film d’une grande beauté formelle et qui traite à la fois de l’intime, la relation amoureuse du couple, et de l’universel, les sales guerres coloniales. La sortie de ce film, présenté à la Berlinade 2016, est prévue pour le 8 mars 2017.
600 Euros
Voici un film qui est sorti le 8 juin 2016 mais qui va bénéficier d’une nouvelle sortie au début de l’année prochaine, année 2017 marquée par une élection présidentielle et des élections législatives dans notre pays. Cette sortie se fera sous la forme d’une tournée citoyenne dans tout le pays. Ce film, Adnane Tragha l’a réalisé avec 3 francs, six sous, sans équipe technique, mais il prouve, une fois de plus, que le seul talent d’un réalisateur muni d’un Canon 550d peut permettre de faire des miracles. L’idée de départ était de confronter la vie quotidienne d’une dizaine de personnages à l’élection présidentielle de 2012. Dans 600 Euros, on rencontre Marco, un auteur-compositeur-interprète en pleine galère financière par manque de succès médiatique et qui a décidé de ne plus voter, Moussa, un libraire très engagé politiquement mais qui, étant étranger, n’a pas le droit de vote, sa petite amie Cynthia qui aimerait tant renouer avec Jacques, son père, un homme qui a perdu sa femme et qui s’est coupé de la société tout en se rapprochant des thèses du Front National, Eddy, le fils de cet homme, rejeté par lui depuis longtemps, et qui monte à Paris lorsqu’il apprend le décès de sa mère. Et puis, il y a Leila, Leila la radieuse, Leila la positive, Leila qui croit en la victoire de François Hollande, Leila qui se félicite de sa victoire, Leila qui passe beaucoup de temps avec Jacques, devenu son voisin, convaincue que parler avec cet homme, le sortir de sa solitude délétère, sont les seuls moyens de le ramener dans le monde des vivants, de lui éviter la glissade définitive vers des forces obscures. Vous l’aurez compris, 600 Euros est un film éminemment politique, mais c’est un film qui parle autrement de la politique, s’intéressant non pas à celles et ceux qui prennent les décisions mais à celles et ceux qui en subissent les conséquences et se dépatouillent pour s’en sortir. Le travail sur 600 Euros a commencé en 2012 et s’est prolongé sur près de 4 ans.
Massilia Sound System le film
Le réalisateur provençal Christian Philibert s’est fait connaître par des longs métrages de fiction dans lesquels la frontière entre fiction et documentaire était souvent assez floue : Les quatre saisons d’Espigoule, Travail d’arabe, Afrik’aïoli. Avec Massilia Sound System le film, il entre de plein pied dans le monde du documentaire. Travailler sur ce groupe emblématique de Marseille le titillait depuis longtemps : un groupe qui partage la même géographie et la même philosophie que lui, un groupe qui se bat, comme lui, contre le centralisme culturel de notre beau pays. Le retour sur scène du groupe, en 2014, pour fêter ses 30 années d’existence, lui a permis de concrétiser ce projet. Le film a été tourné sur une période d’un peu plus d’un an, avec, en particulier, le suivi de la tournée d’été de 2015. S’y succèdent scènes de concerts, scènes de la vie de tous les jours d’un groupe en tournée, témoignages de fidèles du groupe et, bien sûr, des interviews des membres du groupe : Papet J, Gari Greu, Moussu T, Janvié, Blu et DJ Kayalik. Sont également évoqués Lux B, membre du groupe originaire de … Gardanne et décédé en 2008, ainsi que les projets parallèles de membres du groupe, tels Òai Star et Moussu T e lei Jovents. Ce film devrait ravir tous les fans du groupe, toutes celles et tous ceux qui aiment le style de musique qu’ils pratiquent. Et les autres, celles et ceux pour qui se style de musique n’est pas vraiment la tasse de thé ? Il n’y a pas de raison qu’ils n’y trouvent pas également leur compte : ce qu’on entend est le plus souvent intelligent, et puis, après tout, si on met de côté le gadget des scratchs réalisés par les DJ’s sur leurs platines, Blu est un excellent guitariste et Janvié un excellent pianiste ! la date de sortie de Massilia Sound System le film n’est pas encore fixée mais elle se situera au printemps 2017.
Grave
Un gros coup de fatigue a éloigné votre serviteur de ce film de Julia Ducournau, très bien reçu lors de la Semaine de la Critique de Cannes 2016 même si, parait-il, des spectateurs on fait des malaises lors de la projection. C’est gore, ça va même jusqu’au cannibalisme et ça sortira le 15 mars 2017.