Un 7ème jour sans avant-première, mais avec une soirée consacrée à l’Inde, avec 2 films, Kumbh Mela, sur les rives du fleuve sacré, et Siddharth. Entre les deux, un buffet indien et convivial. Par contre, trois avant-premières ont été projetées durant le 8ème jour, dont l’une en présence de son réalisateur.
Aurait pu mieux faire
Renaud Lepic de Fait pas ci, fais pas ça, se transformant en travesti sous le sobriquet de Mylène, étonnant non ! C’est pourtant ce que propose Les nuits d’été, le premier long métrage de cinéma de Mario Fanfani. Nous sommes en 1959, et, sur fond de guerre d’Algérie, un couple survit. Interprété par Guillaume de Tonquédec, Michel est notaire, il rêve de prendre la présidence de la chambre des notaires et il mène une double vie : il se sent femme et il se travestit régulièrement. Hélène, sa femme, interprétée par Jeanne Balibar, rêve de pouvoir dire ce qu’elle pense dans un milieu qui ne veut pas l’y autoriser et croit qu’avec son mari, ils se disent tout. Un Bertrand Blier ou un Albert Dupontel auraient pu mener cette histoire vers les sommets. Mario Fanfani n’a pas su choisir entre regard tendre et noirceur. Cet entre-deux et un certain manque de rythme nuisent à ce film par ailleurs esthétiquement prometteur. Il sortira le 28 janvier 2015.
Athée, souhaits !
Mehran Tamadon est un iranien athée et vivant en France. Iranien est son deuxième long métrage consacré à ses rencontres, en Iran, avec ceux qui sont ses plus extrêmes opposants. Le premier, Bassidji, était sorti en salles en 2010 et était consacré à ces bassidji qui sont les défenseurs les plus radicaux de la République islamique. Iranien est le fruit du désir du réalisateur d’arriver à convaincre quatre mollahs de partager son existence pendant 48 heures et de prouver ainsi, à lui-même, à ces mollahs, aux dirigeants et au peuple d’Iran, au monde entier, qu’il n’y a aucune raison pour qu’un vivre ensemble ne soit pas possible en Iran entre des gens dont les valeurs sont totalement opposées. Trois années ont été nécessaires à Mehran Tamadon pour arriver à trouver et à convaincre quatre interlocuteurs prêts à débattre avec lui, dans sa maison familiale. Le film, projeté à Gardanne en présence du réalisateur, est à la fois passionnant et frustrant. Passionnant car ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de rencontrer des érudits iraniens et de les entendre s’exprimer sur la laïcité, la place de l’image dans une société, celle des livres, celle de la musique. S’ils apparaissent butés dans leurs convictions, ces mollahs se révèlent aussi redoutablement intelligents et souvent drôles. Et c’est là que nait la frustration chez le spectateur. Certes, pour lui, assis confortablement dans son fauteuil face à l’écran, la situation est plus facile que pour le réalisateur, seul face à quatre intellectuels qui lui sont opposés et qui sont les rois de la rhétorique. Dans la joute verbale, il y a quand même de nombreux moments où on aimerait répondre à sa place, par exemple lorsque le plus bavard de la bande des quatre prétend que le fait que l’homme ait peur de la mort est la preuve de l’existence de Dieu et qu’on aimerait que lui soit rétorqué que c’est peut-être le contraire qui est vrai, que c’est parce que, à cause des religions, il a peur de ce qu’il deviendra dans l’au-delà, après la mort, que l’homme en a si peur. Il est aussi frustrant que ce soit ce même mollah bavard qui fasse sans arrêt appel à la science pour appuyer ses thèses sans qu’il soit mis en demeure d’expliquer de quelle science il veut parler. Frustrant que les mollahs ne soient pas mis en face du caractère infantile de leurs obsessions : peur de la transgression, peur de leurs propres désirs, peur d’être incapable de les maîtriser.
Le débat qui a suivi la projection a permis au réalisateur d’expliquer que son but n’était pas de convaincre ses interlocuteurs d’abandonner leurs croyances, qu’il était seulement d’arriver à prouver qu’un vivre ensemble entre un athée comme lui et des compatriotes profondément religieux était possible en Iran et qu’il pensait qu’il avait atteint son but, ne serait-ce que parce que ces quatre mollahs étaient restés dans sa maison jusqu’au bout des 48 heures. Très optimiste, Mehran Tamadon s’est montré convaincu qu’un film similaire pourrait se faire avec des talibans en Afghanistan, voire avec des djihadistes de l’organisation de l’Etat islamique. Son film sortira le 3 décembre sur nos écrans.
Le batteur de jazz
Pour son premier film, Damien Chazelle a choisi de transposer dans le milieu de la musique les rapports prof-chef / élève qu’on trouve d’habitude dans des films sur la guerre ou sur le sport. Dans Whiplash (critique), le jeune Andrew Neyman est prêt à tout sacrifier pour devenir le meilleur batteur de jazz de sa génération. Elève du conservatoire le plus prestigieux de New-York, il se retrouve au contact de Terence Fletcher, un professeur aux méthodes tyranniques et musclées, un homme qui, pour arriver, pense-t-il, à entrainer ses élèves au delà de leurs propres limites, n’hésite pas à utiliser l’humiliation et les insultes les plus triviales. Si, ce faisant, il peut arriver à « fabriquer » de grosses pointures, ne risque-t-il pas de décourager des éléments particulièrement doués ? Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes 2014, Whiplash, qui sortira le 24 décembre, a été récompensé à la fois par le jury et par le public tant au Festival de Sundance qu’à celui de Deauville.