Soirée d’inauguration du Festival de Dinard 2015 ce jeudi 1er octobre en présence du jury et d’un invité d’honneur, Hanif Kureishi qui se réjouit d’être là, ressentant l’impression d’être comme en vacances en Angleterre avec un temps et une nourriture meilleurs. Jean Rochefort, président élégant et chaleureux du jury, saluant tout le monde d’un «bonjour, mes amis» a fait office de maître de cérémonie pour son retour en terre familière. Né tout près, à Dinan, il s’est réjoui par avance de découvrir des films venus de la Grande-Bretagne voisine, regrettant que si peu sortent en France et que si peu de longs-métrages français fassent le chemin inverse. Seuls deux des longs-métrages en compétition et sept hors-compétition ont déjà un distributeur. «Pour moi, le cinéma anglais, c’est le rire et l’effroi, Psychose et les Monty Python» s’est-il amusé et regrettant ce manque de passerelles entre les deux pays, ajoute, faussement dépité, «Lorsque je me promène à Londres, personne ne me reconnaît». Pourtant son humour pince sans rires, «so British» de l’avis de tous ceux qui admirent son phrasé et ses saillies, ainsi que son rire si particulier lui donnent un côté perfide Albionais autant que généreux dinannais. «Je suis président pour la première fois de ma vie, il est normal que j’emmerde tout le monde». Il nous présente ensuite les dix membres du jury qui l’accompagnent (Virginie Efira est coincée gare de l’Est avec des zombies, l’excuse officielle des vedettes depuis Béatrice Dalle absente de Gérardmer en 2013), avec «des femmes extraordinaires, intellectuelles et artistes» dont l’une a eu pour mari «un acteur dont la carrière s’est écroulée avec l’arrivée du parlant», suscitant l’hilarité surprise d’Alexandra Lamy et «quelques garçons aux visages ingrats» dont Bernard Le Coq à qui il a envoyé ce télégramme «imbécile, je t’aimais» lorsqu’il s’est marié et pour qui il espère toujours une carrière mondiale. Voilà, c’est parti pour trois journées de projections au bord de la mer, bien bleue avec ses parfums enivrants aux côtés d’ un jury à la bonne humeur communicative, dans une ville que l’o, a déjà envie de découvrir.
Peter O’Toole détient un triste record : celui de l’acteur ayant obtenu le plus de citations à l’Oscar du meilleur acteur sans en avoir remporté un seul. Après sept nominations non transformées entre 1963 et 1983, de Lawrence d’Arabie à Où est passée mon idole, ce qui le plaçait à égalité avec Richard Burton, il reçoit enfin en 2003 un Oscar d’honneur pour réparer cette injustice. Il finit par dépasser le record de Burton quatre ans plus tard avec une dernière citation pour ce Venus de Roger Michell (2,5/5) mais est battu par Forest Whitaker pour Le Dernier Roi d’Écosse, un choix pas illégitime. Pourtant cette gentille comédie dramatique a de jolis moments, la relation entre le septuagénaire (très) fatigué, acteur de renom lui aussi et une jeune anglaise un peu sauvage glissant vers une étonnante sensualité, grâce à la performance de la partenaire de la légende du cinéma. Jodie Whittaker, repérée depuis en farouche infirmière dans Attack the block, est loin de démériter face à son illustre partenaire. C’est aussi grâce à elle que la réflexion sur le cruel passage du temps écrite par Hanif Kureishi ne vire pas au graveleux ou à la gêne mais reste plutôt délicate, avec de belles pointes acides sur la volatilité de la notoriété et l’âge, notamment apportées par les vétérans Leslie Phillips et le regretté Richard Griffiths lui aussi disparu depuis. Resté inédit en salles en France, sa présentation à Dinard est donc une première, même si la projection était hélas un DVD, mais la mise en scène classique de Roger Michell n’en soufre pas vraiment.
Premier film de la compétition pour nous, Couple in a hole de Tom Geens (2,5/5) est l’histoire d’un couple vivant en autarcie complète dans une forêt des Pyrénées. La femme dont il apparaît rapidement qu’elle ne parvient pas à surmonter un deuil est revenue à ses instincts primitifs, devenant comme un animal sauvage enterrée dans une petite grotte discrète, sous le regard protecteur de son mari qui trouve de maigres nourritures trouvées dans les environs proches. Lorsqu’elle est piquée par une araignée, il se lie d’amitié avec un fermier envahissant qui lui a fourni de précieux médicaments (Jérôme Kircher, attachant et apportant, un temps, une légèreté bienvenue dans ses échanges chaleureux avec l’ermite). Atmosphère étrange avec une première moitié plutôt juste, assez forte, presque silencieuse mais petit à petit le deuil devient trop explicite alors qu’il trouvait jusque là la bonne distance. Le plan final laisse une impression d’incompréhension totale par son symbolisme appuyé et son exécution maladroite tout comme les séquences qui précèdent virant parfois à l’hystérie, facteur de drames supplémentaires et inutiles. La projection fut suivie d’une séance de questions et réponses entre l’équipe et le public, le réalisateur francophone faisant l’intermédiaire entre la salle et le scène, une idée comme improvisée et spontanée qui a permis de comprendre un peu mieux les intentions de l’auteur qui ne transparaissent pas toujours à la vision de ce projet prometteur mais au final inégal porté par les prestations de Kate Hardie, que l’on a déjà admirée chez Andrea Arnold (Red Road) et qui est bouleversante dans son impossibilité à se remettre du pire et Paul Higgins en époux aimant tenté de retourner à la vraie vie.