Festival de Cannes 2015 : Youth

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Italie, 2015
Titre original : La Giovinezza
Réalisateur : Paolo Sorrentino
Scénario : Paolo Sorrentino
Acteurs : Michael Caine, Harvey Keitel, Rachel Weisz
Distribution : Pathé Distribution
Durée : 2h06
Genre : Fantaisie dramatique
Date de sortie :  septembre 2015

Note : 4,5/5

Avec La Grande Bellezza, Paolo Sorrentino passait à une nouvelle étape dans son cinéma. Déjà à l’aise pour créer un univers très personnel, il affinait alors son style, s’abandonnant à un délire pop et grotesque et saisissant ainsi de fait un monde hors norme obsédé par les apparences de toute sorte. Youth (la jeunesse) nous redonne déjà de ses nouvelles, seulement deux ans après ce film déjà dément qui lui a permis de remporter un Oscar mérité.

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Synopsis : Fred et Mick, deux vieux amis approchant les quatre-vingts ans, profitent de leurs vacances dans un bel hôtel au pied des Alpes. Fred, compositeur et chef d’orchestre désormais à la retraite, n’a aucune intention de revenir à la carrière musicale qu’il a abandonnée depuis longtemps, tandis que Mick, réalisateur, travaille toujours, s’empressant de terminer le scénario de son dernier film. Les deux amis savent que le temps leur est compté et décident de faire face à leur avenir ensemble.

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Un maelstrom de trouvailles visuelles

L’histoire racontée au fond n’est pas très originale (quelle histoire l’est désormais ?) mais la façon dont Sorrentino crée des images mémorables et souvent uniques transcende ce matériau de départ. Il nous emporte avec son maelstrom de trouvailles visuelles imaginées en toute liberté, sans jamais avoir la crainte d’en faire trop, ce qui arrive parfois. Le cadre est un château à l’écart, un piège où passent des créatures imaginaires et où la mort semble omniprésente attendant de saisir les derniers instants de ces deux vieux artistes, un chef d’orchestre retraité à qui l’on demande de diriger à nouveau une composition qu’il semble renier (Michael Caine, de stature impériale) et un cinéaste qui lutte pour finaliser sa prochaine réalisation (Harvey Keitel, plus fragile que d’habitude). Amis depuis soixante ans, ils sont des soutiens sans faille l’un pour l’autre. Très construit dramatiquement, Youth fait preuve d’un sens de l’abstrait d’autant plus efficace qu’il ne se départit pas de sa ligne mélodique narrative et de son impossible quête de jeunesse éternelle. Le final aux faux airs de Providence d’Alain Resnais souligne la dimension artificielle d’un film qui n’en est pourtant pas moins émouvant, riche en moments de grâce et de magie. Dès l’ouverture, il est clair que la musique sera un élément central de la mise en scène (ah, ce « You got the love ») accompagnant cette idée que Paolo Sorrentino se reflète autant dans le portrait de l’un que de l’autre, jusqu’à ce dernier plan où il assume ce double rôle. La musique originale de David Lang s’inscrit aux côtés de celle composée par Alexandre Desplat pour The Tale of Tales de Matteo Garrone parmi les plus marquantes de cette édition 2015 du Festival de Cannes, ajoutant du sens et du décalage de ce sens.

 LA GIOVINEZZA

Une fontaine de jouvence pour trois légendes

La mise en scène est très appuyée mais n’est pourtant pas vaine, le propos sur le temps qui passe sans s’arrêter et la difficulté d’assumer ses désirs et ses envies de création étant captées avec une certaine profondeur à peine cachée par les couleurs, les cadres, les dialogues fantaisistes et les idées délirantes. Paolo Sorrentino offre une fontaine de jouvence à Michael Caine, Harvey Keitel et Jane Fonda irrésistibles et touchants. Le réalisateur les utilise dans leur dimension mythologique, dans leur place dans l’Histoire du Cinéma mais n’oublie pas d’en faire autre chose que des icônes. Leurs personnages ont de multiples facettes et leur permettent de briller de plein feu. La jeunesse éternelle passe à travers leurs angoisses, leurs liens profonds parfois pas loin de se briser mais finalement trop solides malgré les piques. Paul Dano et Rachel Weisz composent eux aussi des figures humaines qui tentent de cacher la dimension vaine de leurs métiers et de leur existence, dépendant pour l’un du regard des spectateurs obsédés par un rôle dont il a honte et des auteurs qu’il ne peut pas contrôler et pour l’autre d’être la fille et assistante d’un musicien qui peine à afficher ses émotions. Applaudissons au passage la chance de l’actrice de se retrouver dans deux des films les plus graphiquement brillants de ce Festival, l’autre étant The Lobster de Yorgos Lanthimos, dans des rôles de soutien discrets mais essentiels.

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Conclusion

Souvent malchanceux à Cannes, avec seulement un Prix du Jury en cinq éditions (pour Il Divo), Paolo Sorrentino peut espérer un résultat plus gratifiant cette année avec cette grande bouffe d’images, démesurée et pourtant fragile. Un grand moment d’émotion sous la parure clinquante d’un collier de belles perles de cinéma que le réalisateur enfile avec légèreté et pour citer l’un de ses dialogues spirituels, si « la légèreté est une tentation irrésistible, […] la légèreté est une perversion », Paolo Sorrentino est un tentateur et un pervers fabuleux. Les frères Coen et leurs complices seront-ils eux aussi séduits ? Croisons les doigts…

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