Bilan globalement négatif pour ce huitième jour de libations cannoises avec deux habitués de la compétition. On commence par le septième long-métrage de Jacques Audiard et quatrième en compétition et on suit avec le septième long de Hou Hsiao Hsien en lice pour la Palme d’or. Chacun a sa manière aura déçu les attentes.
Synopsis : Fuyant la guerre civile au Sri Lanka, un ancien soldat, une jeune femme et une petite fille se font passer pour une famille. Réfugiés en France dans une cité sensible, se connaissant à peine, ils tentent de se construire un foyer.
Notre critique 1/5 :
En tournant un film français en langue tamoul, Jacques Audiard, l’un des meilleurs cinéastes français, dans les choix de ses sujets et dans son style de mise en scène, prenait un réel risque. Il suit une étrange famille composée ex nihilo pour se rendre en France. Un ancien tigre, un soldat qui a participé (activement) à la guerre civile au Sri-Lanka qui a marqué le pays pendant une trentaine d’années se fabrique une famille avec une jeune femme et une enfant de neuf ans choisie au hasard dans la rue (et sans mère) pour rejoindre l’Europe. Ils se retrouveront en banlieue parisienne pris au milieu d’une guerre des gangs qui ressemble tristement à une version fiction de la fameuse No Go Zone dépeinte avec acuité par ces rigolos de Fox News, le final paradisiaque ahurissant en Angleterre soulignant cette dimension. Le contexte historique et social est ainsi traité de façon navrante et si l’ambition était de signer un polar à la James Gray en ancrant son sujet dans une communauté ethnique, le résultat est éthiquement dérangeant. La tentative plutôt réussie de rendre visible les immigrés invisibles traités au mieux avec mépris, un peu d’humour (la réplique « même en tamoul, tu n’es pas drôle ») ou l’ouverture d’une scène de sexe filmée dans un glissement vers la pénombre comme dans Under the skin n’atténuent guère ce malaise. Le trip explosion de violence où un homme seul contre tous braque les dealers laisse pantois, avec emploi de machette et de cocktails molotov, le mot karcher étant dans les pensées. Le manque de réflexion dans l’écriture rend cette œuvre douteuse malgré son efficacité de film d’action avec la petite larme d’émotion qui tâche.
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Synopsis : Chine, IX siècle. Nie Yinniang revient dans sa famille après de longues années d’exil. Son éducation a été confiée à une nonne qui l’a initiée dans le plus grand secret aux arts martiaux. Véritable justicière, sa mission est d’éliminer les tyrans. A son retour, sa mère lui remet un morceau de jade, symbole du maintien de la paix entre la cour impériale et la province de Weibo, mais aussi de son mariage avorté avec son cousin Tian Ji’an. Fragilisé par les rebellions, l’Empereur a tenté de reprendre le contrôle en s’organisant en régions militaires, mais les gouverneurs essayent désormais de les soustraire à son autorité. Devenu gouverneur de la province de Weibo, Tian Ji’an décide de le défier ouvertement. Alors que Nie Yinniang a pour mission de tuer son cousin, elle lui révèle son identité en lui abandonnant le morceau jade. Elle va devoir choisir : sacrifier l’homme qu’elle aime ou rompre pour toujours avec « l’ordre des Assassins ».
Notre critique 1,5/5 :
Dans un tout autre registre, The Assassin déçoit à cause de son rythme elliptique malgré une photo sublime signée Yu Lik Wai, réalisateur lui-même (Love Will Tear Us Apart, All Tomorrow’s Parties) et chef-opérateur de Jia Zhangke. L’intrigue principale est relativement claire (dans la Chine du IXème siècle, une femme en noir envoyée pour tuer un seigneur n’effectue pas sa mission), mais les détails abscons rendent la vision de ce long-métrage épuisante. Chacune des apparitions de Shu Qi (dont on apprécie le retour après comme des années d’absence) possède une part de mystère mais le mystère, ça va un temps. Plus sérieusement, cette nouvelle œuvre d’un maître du cinéma contemplatif devrait séduire ses fidèles amateurs et laisser sur le carreau les autres, désarçonnés par une narration qui se déroule hors-champ tout comme les rares scènes de duel au sabre ou de combats pourtant filmées avec soin, montrant que Hou Hsiao-Hsien est capable d’en diriger mais ne le souhaite pas. Dommage…
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