Même si le VIP Room continue d’attirer les foules à la nuit tombée près du Casino, et si Sean Penn a pu récupérer plus de 1 million d’euros pour Haïti lors de son gala de charité, ce 65ème festival de Cannes désormais sous la pluie attend encore d’être totalement chamboulé. Pourtant, quelques films se détachent déjà du lot et pourraient chacun dans leur catégorie être récompensés, sans trop de surprise. Retour sur ces 5 premiers jours de festival :
Sélection officielle :
– De rouilles et d’Os de Jacques Audiard : Un torrent d’émotion a bousculé le festival dès son premier jour. Le film très attendu du réalisateur le plus en vogue du cinéma Français a tenu ses promesses. Peut être plus encore que la mise en scène, c’est la puissance dramatique du récit qui fait toute la force de l’œuvre. La critique Française dans son ensemble a vanté les mérites du film, mais quelques facilités de scénario font penser qu’il sera un peu juste pour la palme. Il devrait toutefois sauf surprise figurer au palmarès.
– La chasse de Thomas Vinterberg
Sur fond de pédophilie au cœur d’un village sans histoire où il n’y a que de bons amis, le nouveau film de Thomas Vinterberg à la mise en scène glaciale fascine ou irrite. Et puisque les films controversés sont souvent ceux récompensés à Cannes, Vinterberg et ses acteurs pourraient bien repartir avec quelque chose, ne serait-ce que pour la performance exceptionnelle de Mads Mikkelsen en proie à toute la médiocrité humaine.
– Moonrise Kingdom de Wes Anderson
La comédie loufoque de Wes Anderson aura fait l’ouverture du festival. Accueilli chaleureusement par les festivaliers comme par le public lors de sa sortie en salle le même jour, le film se voit pourtant éclipsé dès le lendemain par De Rouille et d’os d’Audiard. Un divertissement plus que sympathique qui a donc peu de chance de repartir avec des récompenses sérieuses.
– Lawless de John Hillcoat : le film qui sortira en septembre sur nos écrans ne devrait pas manquer de satisfaire ses spectateurs. C’est moins le cas des festivaliers Cannois qui pour une grande majorité semblent penser que ce film n’est qu’un divertissement sans ambition artistique. Les mauvaises langues murmurent même que la présence de Lawless dans la sélection ne serait qu’un remerciement à Harvey Weinstein, le producteur de The Artist, pour service rendu au cinéma Français. Si l’on peut regretter l’académisme de la mise en scène, il faut rendre hommage aux qualités du film situé entre le Western et le film de Gangster. Lawless est un récit mythique des films du genre. Hillcoat et son scénariste jouent parfaitement avec ces codes et ont ainsi offert une parenthèse aussi régressive que revigorante au festival.
– Amour de Michael Haneke. : Depuis ce matin, toute la croisette en semble convaincu, la palme reviendra au réalisateur du Ruban Blanc, primé en 2009. Cette possibilité n’est pas à exclure, mais le film n’en demeure pas moins critiquable. Aussi déprimant qu’ennuyeux, le film démontre une nouvelle fois la sobre virtuosité de son metteur en scène mais cette histoire qui raconte la lente agonie d’une femme après un accident vasculaire cérébrale au grand désespoir de son mari s’avère décevante malgré quelques indéniables moments de grâce. Comment en effet se passionner pour une humanité aussi glaciale ? La théâtralité des dialogues et leur rareté finissent par lasser. Chapeau bas toutefois à Jean Louis Trintignant qui à 81 ans livre une prestation exceptionnelle et habitée.
– Reality de Matteo Garonne : Nous n’avons pas encore pu voir le film du réalisateur de Gomorra mais tout juste peut-on dire que la rumeur n’est pas très bonne. Cette histoire d’un homme qui devient fou car il ne parvient pas à rentrer dans une émission de télé réalité n’a pas emballé grand monde. Les redondances du récit au service d’un propos convenu ont déçus.
Un certain Regard :
– Antiviral : Premier film du fiston Cronenberg, Antiviral aura attiré les foules sur la croisette. Si beaucoup étaient curieux de voir si le talent était héréditaire. Visiblement non, beaucoup étant déçus par cette histoire glauque et froide, créant le fossé entre le cinéaste et ses spectateurs. Toutefois, il ne faut pas oublier que pour un premier film, l’essai est bien tenté, ne reste qu’à le transformer.
– Laurence Anyways : Nouveau film de très jeune réalisateur Xavier Dolan, adulé ou détesté, Laurence Anyways offre 2h40 de ralentis pour porter une histoire forte sur le changement de sexe et la quête d’identité. Forcément attendu, le film divise les avis mais reste un sérieux concurrent dans la course au palmarès, ce qui ne manquera pas de flatter de nouveau l’égo de son réalisateur si tel est le cas…
– Elefante Blanco : Dans ce film sud américain, on retrouve Jérémie Rénier, le dernier Cloclo en date, dans le rôle d’un prêtre au milieu d’un bidonville violent et sale comme il se doit. Filmé sans complaisance, le film est un peu confus mais très fort, porté par une musique sublime et une photographie travaillée, même si le message du réalisateur reste un peu flou. Sans avoir fait sensation, pas sur que le film marque non plus la sélection…
– Les chevaux de Dieu : Basé sur l’histoire vraie de deux frères morts en martyrs dans les attentats de 2003 à Marrakech, le film raconte comment les islamistes radicaux recrutent dans les bidonvilles les garçons plein de haine et un peu perdus pour les façonner à leur manière et en faire des terroriste. Une incursion simple et efficace dans ce monde particulier et des plans aériens somptueux donnent au film la prétention de concourir vers une récompense.
Quinzaine des réalisateurs :
– Adieu Berthe : On se demandait si les comédies avaient leur place à Cannes, et bien la réponse est oui ! Adieu Berthe est une bouffée de bonne humeur, pleine d’humour noir et de situations cocasses, portée par des répliques cultes et des acteurs hilarants dont une Valérie Lemercier en pleine forme qui se voit offrir l’un des meilleurs rôles de sa carrière. Secrètement, on espère que les frères Podalydès seront récompensés, même s’il y a peu de chances.
La semaine de la critique :
– Au Gallop : Ce petit film Français est resté longtemps en gestation faute de financement avant que le CNC ne lui donne le coup de pouce nécessaire. C’est l’histoire romanesque d’un écrivain divorcé qui vit seul avec sa fille, dont le père meurt et dont la mère perd la tête et qui tombe amoureux d’une femme mariée. Le tout aurait pu fonctionner si la mise en scène n’était pas aussi peu imaginative et surtout si le personnage principal n’était pas aussi antipathique. Le liberté de ton se veut l’héritière de la nouvelle vague, mais on ne fait qu’assister aux atermoiements amoureux de bobos parisiens qui n’ont que l’apparence de l’intelligence. Le texte est assez creux mais n’empêche pas d’admirer la talent des trois comédiennes, la sublime Valentina Cervi, l’éternelle Marthe Keller en état de grâce et la jeune Alice Lencquestin qui habite parfaitement son personnage.
– Student : Un film Kazakh qui ne sortira sans doute jamais sur nos écrans, ce dont on ne plaindra pas. Présenté comme une énième adaptation du roman de Dostoieveski, « Crime et châtiment », l’histoire a le mérite de nous renseigner un peu sur l’état de la société Kazakh mais est à la fois trop ennuyeuse et désincarnée pour qu’on s’y intéresse.
Pour résumer, ce 65ème festival a créé la surprise en invitant des films peu conventionnels dans sa sélection. Certains se sont déjà fait hué (Like someone in love), d’autres laissent perplexes quant à leur place ici (Lawless) et quelques uns ont reçu de vraies ovations (Monnrise Kingdom, De Rouille et d’Os et Amour). Rien n’est encore moins sur pour l’instant que le palmarès final, et beaucoup de nouvelles surprises nous attendent pour les derniers jours avec, on l’espère, le retour du soleil, et beaucoup de stars sur le tapis rouge.