Après une interview de Joe Dante à découvrir bientôt sur le site, nous retrouvons les salles obscures du Saint-ex et du Star St-Exupéry pour une nouvelle salve de cinéma fantastique (ou pas) et grâce aux interventions de notre correspondant à Vera Cruz un hommage à William Castle (Panic sur Florida Beach) et à Christopher Lee (The Wicker Man).
Révélé lors de l’édition 2014 de la Semaine de la Critique, When animals dream du danois Jonas Alexander Arnby (2,5/5) est le récit d’une lente et inexorable mutation d’une adolescente atteinte de lycanthropie. C’est très bien réalisé, joliment éclairé par Niels Thastum et les maquillages de Thomas Foldberg ont une approche «réaliste». Hélas, une fois le présupposé connu, l’on suit sans surprise les mésaventures génétiques de Sonia Suhl pourtant impressionnante dans le rôle principal. À l’image de Maggie avec Schwarzenegger, aucun reproche à faire sur l’ambiance et les ambitions mais aucune passion non plus ressentie à sa vision. Devenir loup-garou est traité comme une maladie comme une autre mais la double métaphore de l’acceptation de soi et de la différence de l’autre ne devient pas original malgré ce cadre qui l’est vraiment et un réalisateur manifestement doué.
Parfaite transition avec le nouveau long-métrage de Adrian Garcia Bogliano, repéré et apprécié l’an dernier avec Late Phases, excellent film… de loups-garous tourné en Amérique et en anglais. Changement de registre avec Scherzo Diabolico (2/5), thriller tourné au Mexique en espagnol, qui démarre plutôt bien avant de virer au grand-guignol improbable sur lequel il est difficile de trop en dire sans en tuer le «suspense». Un plan parfait, tel pourrait être le sous-titre de ce film noir où l’ambition d’un bon père de famille le pousse à commettre un acte terrible, celui de kidnapper une lycéenne alors que ses relations avec son épouse et son patron sont de plus en plus pénibles à supporter. Très bonnes prestations malgré tout de Francisco Barreiro (ex-enfant cannibale de We are what we are version mexicaine) en employé aigri qui espère bien ne pas le rester (genre Michael Caine dans Business oblige), Daniela Soto Vell en adolescente perturbée et surtout dans le rôle du patron opportuniste Jorge Molina, dont on se souvient de la prestation dans Juan of the Dead dans le rôle du meilleur ami du héros.
Autres bestioles poilues, redécouvrir Gremlins 2: La nouvelle génération (2/5) fut une étrange déception. Pas de rythme, des dialogues lourdingues, un humour parfois pénible autour des créatures, anarchistes dans le premier volet, faisant des blagues balourdes dignes d’animateurs du Club Med ici, comme si Joe Dante et son scénariste Charlie Haas (pourtant l’auteur de Panic sur Florida Beach) cherchaient plus ou moins consciemment à s’assurer qu’aucune suite ne serait possible, une forme d’assassinat en règle, comme pour protéger le premier film, toujours indémodable. Le nouveau travail du jeune couple formé par Zach Galligan et Phoebe Cates n’aide pas à les rendre sympathique, elle guide formatée d’une entreprise de communication fondée par un clone de Ted Turner mixé à Donald Trump, lui jeune cadre dynamique pour le même. Les retrouvailles fortuites entre eux et Gizmo relève de la paresse et du raccourci, comme si personne n’y croyait. Certes la disparition de la boutique et la mort de l’apothicaire chinois joué une nouvelle fois par Keye Luke relèvent d’un joli adieu à une période révolue mais il manque un sentiment de cohérence générale malgré l’impression d’assister à un délire plus mal coordonné que si raté. Enfin, Gizmo, trop présent à l’écran, n’est plus vraiment adorable. Christopher Lee est utilisé de façon décevante en savant pas très fou. La bande-annonce ci-dessous est en VO mais c’était en VO et même en 35mm comme bien précisé à l’écran avant la projo, histoire de prévenir les petits jeunes qu’il existe un phénomène étrange et pénétrant que l’on appelle le changement de bobine…
Que se passe-t-il après la fin de L’Exorciste ? Comment vit celui qui a «guéri» d’avoir été possédé par le démon ou l’un de ses lieutenants au nom enchanteur ? Pour la jolie blonde Ava (Louise Krause, une révélation), direction les Possédés Anonymes, sponsorisé par l’église. Ava’s Possessions de Jordan Galland (3/5) commence sur le final attendu d’un film d’exorcisme, expédié avec les codes du genre, avant de glisser vers la comédie, voire la parodie, avant de glisser ensuite vers le thriller paranormal mais presque. Les ruptures de style et de ton rendent le projet inégal mais c’est un film de minuit de qualité. Louisa Krause est attachante dans les scènes où l’humour domine, lorsqu’elle doit affronter ses retrouvailles avec ses proches dont sa mère qui porte un bandeau sur l’oeil ou dans d’autres plus tendues par des réminiscences douloureuses ou une enquête dangereuse. Le film lui permet de montrer une palette de registre large, on attend de la revoir très vite. Renouveler le cinéma d’exorcisme est ardu, Galland s’en sort plutôt honorablement…
Pendant ce temps-là à Vera Cruz… David Huriot voit aussi des films de Strasbourg…
Critique de Panic sur Florida Beach de Joe Dante à découvrir ici, et ci-dessous, roulement de tambour après cette image de Matinee…
The Wicker Man de Robin Hardy (Grande-Bretagne, 1973) (4,5/5)
Dans le cadre du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg 2015, hommage fut rendu à Christopher Lee, acteur culte de la Hammer et du cinéma fantastique en général, qui nous a quitté le 7 juin 2015 à l’âge de 93 ans. Et quoi de mieux pour rendre honneur à une carrière de 225 films que de projeter le rôle dont il était le plus fier. Lee incarne ici Lord Summerisle, patriarche de l’île éponyme, endroit où se livrent des cultes païens et même des sacrifices rituels. C’est là que se rend le sergent Neil Howie, informé par lettre de la disparition d’une jeune fille, Rowan. Chaste et puritain, réagissant violemment aux « vices » des habitants du village et soupçonnant la population de cultiver le mystère et les soupçons, il mène son enquête, dans l’espoir que Rowan soit toujours en vie.
L’expression « film culte » sied parfaitement à ce joyau qu’est The Wicker Man. Écrit par Anthony Shaffer et concluant pour le scénariste une trilogie de la manipulation (après Le Limier de Joseph L. Mankiewicz et Frenzy d’Alfred Hitchcock), le film est amputé de plusieurs scènes puis victime d’une mauvaise sortie qui l’empêche de rencontrer son public en 1973. De plus, Rod Stewart, compagnon de Britt Ekland, rachètera les copies du film, au prétexte que cette dernière y apparaît nue… Aujourd’hui, alors que le métrage est encore méconnu en France, il bénéficie d’une aura culte, tant par son sujet et son étrangeté dans le cinéma d’horreur que pour la magnifique musique folk psychédélique de Paul Giovanni.
Unique en son genre et n’ayant aucun descendant direct, The Wicker Man est une des oeuvres les plus étranges et singuliers jamais faits, commençant presque comme un joli film champêtre, chansons populaires (et grivoises) et atmosphère psychédélique à l’appui, il bascule peu à peu dans le mystère pour culminer dans un final grandiose et d’une horreur pure, tout en cultivant (de part l’attitude des habitants de Summerisle) un décalage certain et inhabituel dans le cinéma d’épouvante, faisant naître peu à peu le malaise chez son spectateur.
Portée par l’interprétation tout aussi ambiguë de Christopher Lee dans le rôle le plus atypique de sa carrière, il s’agit d’une véritable perle méconnue du cinéma britannique des années 1970, gagnant au fil des années un culte de plus en plus grandissant, perpétué par un final absolument mythique, dix minutes de folie et d’effroi que vous n’oublierez probablement jamais.