Mise en garde : les gros spoilers sont évités dans ce premier texte sur le pilote mais on ne les évite pas complètement tout de même… L’apocalypse n’est pas encore tout à fait là, mais ça y ressemble déjà un peu. Le premier témoin de l’arrivée des Walkers (qui ne seront pas surnommés ainsi ici) au sein des principaux membres de la distribution de cette nouvelle série dérivée de The Walking Dead est Nick Clark, un jeune drogué de 18 ans, qui se réveille dans une église abandonnée devenue un repère à junkies. Il déambule tel un zombie lui-même à la recherche d’une certaine Gloria et tombe sur le cadavre d’un homme égorgé. Lorsqu’il la trouve enfin, elle est dans une situation que l’on qualifiera au minimum d’embarrassante, en train de se nourrir copieusement dans le cou d’un congénère.
Nick prend alors la fuite (au ralenti appuyé), regardant derrière lui de crainte d’être poursuivi par la créature qui n’est déjà plus son amie et se fait renverser par une voiture. Lorsqu’il se réveille, il est dans un lit d’hôpital, interrogé par la police qui se fera gentiment prié de quitter les lieux à l’arrivée de sa mère, Madison (Kim Dickens) et de son compagnon Travis Manawa (Cliff Curtis) qui vient d’emménager chez elle ainsi que d’Alicia (Alycia Debnam-Carey), la sœur de Nick qui hésite encore : vient-il de vivre un mauvais trip ou a-t-il vraiment été le témoin de quelque chose de terrible ? Et ne s’en fout-elle pas un peu, habituée à subir les dérives de ce frère qu’elle ne connaît plus vraiment et qui n’est guère fiable, autant dans ses rapports avec ses proches que lorsqu’il tente d’expliquer l’étrange scène qu’il vient de vivre…
Pas de grand drame par ailleurs dans ce premier épisode qui se déroule en lenteur, il faut bien l’admettre, mais une étude de caractères en temps de crise. La série établit tranquillement ses bases à commencer par cette famille recomposée plombée par l’addiction d’un fils et la présence d’un nouveau père, pas complètement adopté. Madison a donc un fils (Nick) et une fille (Alicia), leur père étant décédé des années plus tôt dans un accident de voiture et un nouveau compagnon, Travis qui a une ex-femme, Liza (Elizabeth Rodriguez) et un fils, Chris (Lorenzo James Henrie), qui ne veut pas rejoindre son père qui en a la garde ce week-end là. Frère et une sœur peinent à accepter le nouveau compagnon de leur mère, c’est un début de caractérisation qui pourrait se révéler d’un soap-opera genre Brothers & Sisters mais l’on espère qu’il s’en éloignera très vite. On l’imagine bien d’ailleurs.
Les producteurs et créateurs de ce spin-off de The Walking Dead assurent que les zombies ne seront vraiment actifs que dans la deuxième saison, la première devant jouer surtout avec la découverte de «l’infection», la paranoïa des survivants et des témoins. Pourtant déjà quelques morts-vivants en état de (re)marche se font voir, la première dans les trois premières minutes (voir ici) devant un seul témoin, le junkie peu fiable et pas écouté, un autre vers la toute fin utile pour faire comprendre à certains personnages que quelque chose ne tourne pas rond et un troisième filmé par des caméras et des téléphones portables lors d’un barrage vu de loin par le couple phare de la série, Madison et Travis. Comme ils prennent la décision (sage) de s’éloigner lorsqu’ils commencent à entendre des coups de feu, ils ne découvriront ce qui s’est déroulé là où ils se trouvaient pourtant que le lendemain sur les iphones de leurs collègues et de leurs élèves.
La série suit ainsi leur point de vue à hauteur intime, les auteurs ne leur permettent pas d’anticiper ce dont ils n’ont pas connaissance. Ils ne comprennent pas comment un homme peut encore marcher et bouger après avoir été renversé à plusieurs reprises par un 4/4 ou comment un autre peut se relever après avoir reçu plusieurs balles dans le corps, certaines potentiellement mortelles. L’angle semble bien de ne voir que ce qu’eux-mêmes et/ou leurs proches voient et comprennent, évitant les explications précises, se limitant aux devinettes conjoncturelles de badauds ou de journalistes guère plus éclairés et en attendant d’éventuels mensonges d’état, même si les producteurs promettent que l’on ne verra ni militaires en action (façon 28 jours plus tard) ni hommes politiques. Ils resteront dans l’ignorance du grand tableau et ne devineront qu’au compte-gouttes la fin de leur ancien monde et la naissance d’un nouveau, bien plus sombre.
Faire du drogué le candide, celui dont le point de vue lance l’action dans ce pilote, ajoute à la sensation de doutes sur la réalité des faits dans l’église. Certaines scènes jouant avec la connaissance des spectateurs de la série-mère et la méconnaissance des personnages permettent de nous impliquer comme complice de ce junkie qui devrait être un repoussoir. Ne citons que la vision de cet homme penché en avant tardant à répondre aux appels de sa collègue, un type en capuche caché derrière une porte, un vieillard mourant dans la chambre de Nick attaché au sien par des sangles et donc potentiellement menacé, un rendez-vous manqué entre sa sœur et son petit ami, une figure à la démarche hésitante (clochard ou autre ?) ou la peur d’un étudiant nommé Tobias (Lincoln A. Castellanos) qui ne veut pas se défaire de son couteau ou être isolé loin du lycée, convaincu que le groupe est la solution si quelque chose de grave se passe vraiment comme cela est dit sur internet ou dans les médias, le téléphone n’existe déjà plus dans The Walking Dead, il est presque surprenant de voir une civilisation encore active et florissante mais en déclin. L’action de ce pilote s’étale sur trois journées de classe, avec un nombre gravement décroissants d’élèves présents comme le souligne le proviseur (Scott Lawrence, second rôle régulier de JAG notamment). Tobias ne semble guère rassuré lorsque Madison, conseillère d’éducation dans un lycée, lui dit que «les autorités nous préviendraient si quelque chose de grave se passait». La paranoïa ne sera pas seulement intime, elle risque bien d’être généralisée.
La mise en scène du pilote et son écriture semblent sages et basiques mais servent avant tout d’introduction à la compréhension des relations entre les quatre principaux membres de la cellule familiale et leur vision de ce qui se passe à Los Angeles où se passe l’action et où est tourné ce pilote. D’après les journalistes américains qui ont visionné le deuxième épisode qui lance le tournage à Vancouver (moins onéreux), le déménagement se ressent dans le réalisme de la topographie. Parmi les indices semés, le «killshot» (en vf «dans la tête») prononcé par une camarade de Alicia suivi d’un plan sur son visage montre qu’elle sera probablement la première à prendre conscience qu’il sera préférable de viser la tête. Mais attention, contrairement aux héros de The Walking Dead, ces personnages ne sont pas (déjà) des experts en armes et combats rapprochés, leurs premières confrontations avec des morts-vivants bien frais avec des relents d’humanité pourraient bien leur être fatales (enfin, non, pas vraiment, sinon il n’y a pas de série) comme le confirme la séquence sous un tunnel le long de la rivière si souvent filmée dans les films tournés à L.A.
Une question se pose déjà : qui sera le plus réactif, le plus solide contre cette menace extrême ? À première vue, le junkie semble bien parti, au moins au volant d’un véhicule solide… Quelles seront les nouvelles dynamiques familiales ? La fin du monde tel que le connaissent les héros de ce spin-off est en marche et s’ils commencent à s’en rendre compte, sans pouvoir encore en verbaliser les tenants et aboutissants, il est encore trop tôt pour anticiper leurs nouvelles attitudes. Nick va-t-il devoir remplacer son addiction (il ne semble pas prêt à décrocher…) par une autre ?
La dynamique entre les comédiens semble plutôt convaincante, notamment grâce à Kim Dickens, si impeccable déjà dans Gone Girl où elle était en retenue dans son rôle de policière réfléchie mais aussi à Frank Dillane qui se sort honorablement du rôle potentiellement convenu de junkie ou Cliff Curtis même si la lenteur volontaire de ce pilote avait de quoi nuire à la perception de leur jeu. Ce pilote est écrit par Robert Kirkman et Dave Erickson qui ont établi les bases de ce spin-off et réalisé par Adam Davidson. Si l’on n’ignore pas quelques facilités d’écriture (la fuite de Nick de l’hôpital, les retrouvailles avec son revendeur), les symboles un peu trop appuyés (la leçon autour de Jack London et comment la nature est plus forte que l’Homme) ou une lenteur autorisée par le triomphe de la série matrice, les débuts sont prometteurs même si l’on espère une tension plus forte dès le deuxième épisode.
Et pendant ce temps là, dans les environs d’Atlanta, un certain Rick Grimes est toujours plongé dans le coma…
Petit bonus : interviewé par le Hollywood Reporter, Dave Erickson (showrunner de la série) précise que lorsque l’infirmière dit «I take my dog out when I want to» et Nick répond : «Oh, I’m the dog ?» il s’agit d’une référence à Quand Harry rencontre Sally.
La bande-annonce du deuxième épisode ci-dessous annonce un épisode plus agité, une fin du monde plus proche…
https://youtu.be/2Z3QB-DIu0c