Faces

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Etats-Unis : 1968
Titre original : Faces
Réalisateur : John Cassavetes
Scénario : John Cassavetes
Acteurs : John Marley, Gena Rowlands, Lynn Carlin, Fred Draper, Seymour Cassel
Distribution : Orly Films
Durée : 2h10
Genre : Drame
Date de sortie BR : 26 novembre 2013

Globale : [rating:3][five-star-rating]

Quatrième long-métrage derrière la caméra de John Cassavetes, Faces n’est pas son plus accessible mais mérite le coup d’oeil pour ce qu’il représente dans son parcours et dans le cinéma américain, aujourd’hui encore.

Synopsis : Richard Frost et son ami Freddie passent une partie de la soirée en compagnie de Jeannie, une prostituée. Richard se dispute ensuite avec sa femme Maria et retourne chez Jeannie avec qui il finit la nuit. Maria et ses amies passent une soirée orgiaque en compagnie de Chet, un petit gigolo. Maria veut mourir… l’histoire d’un couple qui ne survivra pas à une longue journée…

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Un film qui se regarde

Quatrième long-métrage de John Cassavetes, Faces n’est pas son film le plus facile d’accès, loin de là, mais peut-être le plus stimulant intellectuellement. Il est autant l’histoire passionnelle d’un couple qui se sépare sous nos yeux que le regard du cinéaste sur l’histoire qu’il raconte. La première scène montre un distributeur de films qui se prépare à regarder un film qui s’appelle Faces. Le comédien interprétant ce distributeur et l’homme du couple est le même, l’acteur John Marley, immense de médiocrité morale. Regarde-t-il sa propre histoire, va-t-il projeter ce film dans sa propre vie matrimoniale ou est-ce le contraire, voire un peu des deux ? Est-ce le clin d’oeil d’un auteur qui nous rappelle ce dicton shakespearien que le monde est une scène ? L’auteur ne répond pas vraiment à cette interrogation et ce prologue prend alors une dimension artificielle qui suscite un trouble pas toujours convaincant, et lance une multitude de pistes de réflexion. C’est peut-être dans ce calcul ‘ métacinématographique ‘ que John Cassavetes peine à convaincre totalement.
À la première vision, le film est obscur, voire un peu confus, Cassavetes ne répondant pas aux codes narratifs usuels. Ce n’est que tardivement que l’on a tous les éléments de l’histoire, que l’on sait que l’on observe un couple qui se quitte sans s’épargner. Le temps que cette vérité s’éclaircisse, on se sera un peu ennuyé. Maladresse de (relatif) débutant qui se dépêtre de quelques 150 heures de rushes comme il peut et nous trouble en nous faisant pénétrer dans une scène dont nous n’avons pas le début.

Faces est le film le plus contrôlé de son auteur, peut-être trop et curieusement, la sensation de laissez-aller des comédiens qui n’improvisent que dans un cadre finalement très rigide, est envahissante et lasse parfois. Ils font des didascalies, des commentaires sur ce qu’ils font, entre deux gags comme inventés sur le champ, dans la scène, et on pense à autre chose. L’esprit du spectateur est invité à vagabonder, ce qui n’est pas vraiment bon signe.

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Tristes figures

Malgré cette dimension superficielle de film qui se regarde le nombril (si le cinéma peut être comparé à un corps humain), Faces reste pourtant ancré dans son époque sociale où le divorce n’est pas chose aisée, mais aussi culturelle avec des petites moqueries sur La Dolce Vita de Fellini ou le trop déprimant Bergman mais aussi et surtout sur ceux qui les méprisent.

John Cassavetes nous montre des personnages pas toujours aimables qui s’imbibent d’alcool pour faire face à leur vide existentiel et aucun d’entre eux ne sera vraiment sobre, à aucun moment. Si leurs corps et leurs paroles sont libérés, leurs vies sont bien tristes.

Certains questionnements resteront sans réponse et plusieurs séquences durent jusqu’à l’écœurement comme ce dîner à trois qui montre Freddie, amer à cause de son incapacité à séduire Jeannie qui lui préfère Richard, qui n’en demande pas tant, au moins dans un premier temps. Fred Draper, dans la peau du fat Freddie fait une excellente prestation, bien vile mais si humaine. Les comédiens sont dans l’ensemble excellents, et même s’ils finissent parfois par en faire beaucoup trop, on ressent et on partage leurs détresses lorsqu’elles parviennent à exister. Contrairement aux apparences à l’écran, le film n’est pas du tout improvisé, mais repose sur un texte très écrit.

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Noir c’est noir

Les amateurs du cinéaste Ulrich Seidl seront surpris de découvrir une scène similaire à son Paradis : Amour. On y retrouve une même scène orgiaque écoeurante. Ici, Seymour Cassel doit affronter les assauts et désirs de femmes en quête de sensations fortes et d’assouvissements de leurs désirs, là bas au Kenya ce seront des autrichiennes en mal de sensations fortes qui malmèneront un gigolo local. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de femmes au foyer désespérées qui cherchent à vivre une dernière secousse viscérale avec une tension sexuelle, vulgaire, sale, assez pathétique avec un homme traité comme un objet. Le tout dans une angoisse existentielle qui annoncera le geste de cette femme qui tentera de mettre fin à ses jours. Cette scène de suicide intense et prenante touche par son impact émotionnel fort, comme cet échange final autour d’un escalier. Cela vient bien tard mais donne envie d’accorder une deuxième chance à un film qui ne cherche pas du tout à être aimable.

Faces fut cité trois fois aux oscars, pour son scénario et ses seconds rôles, Lynn Carlin (Maria Frost) et Seymour Cassel (Chet), mais le film a surtout révélé, tardivement, le sexagénaire John Marley en époux adultère. Il fut le père de Jane Fonda dans Cat Ballou (1965) et sera ensuite celui d’Ali MacGraw dans Love Story (1970), qui lui vaut une citation à l’Oscar du second rôle. Il s’est ensuite réveillé aux côtés d’une tête de cheval dans Le Parrain (1972).

Résumé

Faces est probablement le film le plus glauque de son auteur et l’un des plus déprimants sur la rupture amoureuse ou maritale. Malgré une audace créative, il est comme un brouillon imparfait de la liberté formelle des oeuvres qui suivront, plus sensorielles et moins strictement intellectuelles. Un film à voir surtout pour la dimension historique qu’il tient dans la révolution entreprise par le cinéma d’auteur américain des années 60-70 et qui souligne, malgré ces fortes réserves, le talent d’un artiste qui parviendra à faire oublier sa caméra dans le reste de sa carrière, ce qui n’est hélas pas suffisamment le cas ici et ce, au détriment de ses personnages.

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