Exposition « Henri Caruel » à la Fondation Pathé jusqu’en janvier 2022

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Premier de cordée © 1944 Pathé Films / Photographies Henri Caruel / Collection Fondation Jérôme Seydoux-Pathé
Tous droits réservés

La 3D est morte et enterrée, vous dites ? Vous n’avez sans doute pas complètement tort en affirmant cela, puisque le retour en grâce du procédé de projection en relief à la fin des années 2000 n’a finalement été que de courte durée. En attendant les deux, trois et même quatre suites de Avatar de James Cameron d’ici la fin de la décennie … Or, la perception en profondeur de l’image filmique ne date pas d’hier. Ni même des aventures très kitsch produites à la chaîne dans les années 1950, afin de rentabiliser tant soit peu les investissements des exploitants, en guerre contre le petit écran fraîchement démocratisé. Grâce à la nouvelle exposition temporaire à découvrir au sein de la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, qui s’est ouverte la semaine dernière et qui restera accessible au moins jusqu’au premier jour de l’année 2022, vos yeux incrédules pourront se plonger dans les secrets de tournage de quelques classiques du cinéma français sous l’occupation.

Malgré de nombreuses difficultés politiques et matérielles, le début des années 1940 a donné naissance à quelques classiques intemporels du patrimoine cinématographique français. Premier de cordée de Louis Daquin, Les Enfants du paradis et Les Portes de la nuit de Marcel Carné ou bien Seul dans la nuit de Christian Stengel, autant de titres phares qui évoquent une période riche en valeur nostalgique. Le point commun entre ces films est bien entendu leur maison de production Pathé, d’où leur mise en avant dans les murs de la fondation, située à proximité de la Place d’Italie à Paris. En même temps, leur histoire de création a été documentée par un seul homme, le photographe Henri Caruel. Largement inconnu du grand public, ce dernier a pourtant œuvré sans relâche sur des dizaines de films, dont certains ont donc été retenus par les commissaires de l’exposition.

Seul dans la nuit © 1945 Pathé Films / Photographies Henri Caruel / Collection Fondation Jérôme Seydoux-Pathé
Tous droits réservés

Henri Caruel (1899-1978) a dû attendre très longtemps avant que son travail ne soit reconnu à sa juste valeur. Plus de quatre mille plaques de verre, positives et négatives, n’ont en effet été retrouvées que plus de trente ans après sa mort. A la suite de cette découverte qui ferait fantasmer n’importe quel historien du cinéma, environ deux-cents images ont été intégrées dans l’exposition. La particularité plastique des clichés, pris selon le procédé de la stéréoscopie, y a donné naissance à différents dispositifs d’affichage. Car face à quelques photos d’exploitation ordinaires prises par d’autres techniciens, celles de Caruel resplendissent dans leur profondeur de champ originale.

Que ce soit dans des boîtes en faux bois dans lesquelles il faut tourner une manivelle pour visionner en relief la dizaine d’images regroupées par film ou sur trois écrans de taille moyenne au sous-sol, sur lesquels défile un montage de photos de tournage, l’effet d’immersion est tout simplement bluffant ! D’ailleurs, une petite astuce pour les cinéphiles attentifs à la réduction de leurs déchets : allez-y avec vos propres lunettes Real D™ 3D, ce qui évitera d’en prendre exprès pour quelques brèves minutes de visionnage. Après, aussi enchanteresse la sensation procurée par ces prises d’un autre temps soit-elle, elle est presque dépassée par la prise de conscience que tout ce magnifique travail créatif a failli ne pas passer à la postérité.

Les Portes de la nuit © 1946 Pathé Films / Photographies Henri Caruel / Collection Fondation Jérôme Seydoux-Pathé
Tous droits réservés

Car rien que sur l’utilisation publicitaire des images prises par Henri Caruel, à l’époque salarié de Pathé, on ne peut énoncer que des hypothèses. Certaines d’entre elles ont sans doute été présentées dans les halls des cinémas en complément des rares bandes-annonces et autres photos d’exploitation. Mais la plupart d’entre elles auraient très bien pu se perdre au fin fond d’une malle entreposée dans un endroit à l’écart du radar des chercheurs en Histoire du cinéma. Rien que pour se rendre compte de la chance d’avoir pu préserver ce trésor et de pouvoir le redécouvrir de manière peut-être un peu succincte mais fort ludique, on vous recommande chaudement cette exposition !

Elle est accompagnée de quelques projections de films restaurés sur lesquels Caruel avait travaillé. A peu près une fois par mois, le mardi, vous pourriez ainsi revoir sur grand écran des classiques comme La Fille du diable de Henri Decoin le 26 octobre, Les Enfants du paradis de Marcel Carné le 9 novembre, Seul dans la nuit de Christian Stengel le 30 novembre et Les Portes de la nuit, toujours de Carné, pour bien finir l’année, le 28 décembre. Vendredi de la semaine prochaine, le 22 octobre à 14h30, aura lieu une conférence donnée par l’historien de la photographie Denis Pellerin. Et le samedi 27 novembre, une journée spéciale consacrée à l’image en relief s’articulera au fil d’ateliers pour enfants à partir de huit ans et de la projection en 3D de L’Étrange créature du lac noir de Jack Arnold, grand classique du cinéma fantastique des années 1950.

Afin de faire perdurer le plaisir à la maison, la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé a imaginé, en guise de catalogue, un formidable coffret équipé d’une visionneuse stéréoscopique, qui permet de voir cent tirages des photos de Henri Caruel en relief. Un plaisir qui s’élève tout de même au prix de soixante-cinq euros. Sensiblement moins onéreux et à l’image de l’expérience privilégiée que nous avons pu vivre ce matin, des petits-déjeuners visites sont organisés tous les quinze jours le mercredi matin à partir du 20 octobre. Au tarif de douze euros, les visiteurs pourront d’abord déguster un petit-déjeuner aussi délicieux que calorique au salon de thé de la fondation, imaginé par le célèbre architecte italien Renzo Piano, puis assister à une visite guidée de l’exposition.

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