Être cheval
France, 2016
Titre original : –
Réalisateur : Jérôme Clément-Wilz
Scénario : –
Distribution : France 4
Durée : 1h03
Genre : Documentaire
Date de sortie : –
Note : 4/5
L’un des mérites de L’Étrange Festival (et pas seulement lui…), en dépit d’une certaine lassitude ressentie auprès de quelques cinéphiles/habitués de ce raout cinéphilique à l’égard de la qualité des longs-métrages diffusés au Forum des Images, est son travail de déchiffreur, de mise en lumière de certains films que l’on n’eût l’habitude de voir ailleurs. Ainsi, il est fréquent de tomber sur quelques péloches qui, aléas de la distribution obligent, n’auront pas les honneurs d’une sortie en salle. L’Étrange Festival permet de sauver de l’oubli, pendant un temps, l’existence de certaines œuvres avant sa « disparition » dans le flux de l’offre et la demande du dvd/blu-ray. C’est le cas du documentaire réalisé par Jérôme Clément-Wilz, Être Cheval, qui, en dépit de son unique diffusion sur France 4 à une heure tardive, ne doit sa réputation qu’à l’existence de certains festivals, et donc L’Étrange Festival.
Synopsis : Où l’on suit Karen, une personne désireuse de faire du « pony-play », une variante du SM dans laquelle une personne, équipée et harnachée tel un équidé, doit se comporter, sous les ordres d’un dresseur, comme s’il eût été un cheval. Dans le dessein de devenir un « pony-play » accompli, Karen effectue un entraînement intensif aux États-Unis. A travers sa progression, c’est tout un questionnement philosophique sur l’être-humain, sa relation avec les animaux, et par extension la Nature, le genre masculin/féminin sur lesquels les différents protagonistes vont s’épancher au cours de documentaire.
Relier l’infiniment petit et l’infiniment grand
Les premiers plans sont saisissants : dans un bois, à l’aube (ou peut-être sommes-nous au crépuscule ?), sous une ondée, des personnes, enduites de terre et de glaise, rampent dans la terre et les bosquets. Phénomène de reptation dont la magnificence n’a d’égal que le caractère énigmatique de ces images qui convoquent toute une imagerie mythologique et païenne. Dans un premier temps, il est difficile de distinguer leurs visages. En effet, en plus d’être recouvertes de diverses matières non identifiées, les personnes sont, semble-t-il, harnachées comme si elles avaient été des chevaux : œillères, mors, sabots… Cette séquence liminaire nous rassure quant à la suite : ce documentaire n’aura pas, contrairement à Strip Tease (la défunte série documentaire belge), une complaisance sordide, triviale, pour la thématique filmée. Au contraire, le metteur en scène, en sus de vouer un vrai respect au sujet filmé, saura le magnifier et le transcender via des inserts poétiques sur divers éléments de la Nature – fourmis, toiles d’araignées… – dans un geste reliant l’infiniment petit et l’infiniment grand. Comme pour rappeler que la place qui occupe le genre humain est infime dans le cosmos environnant.
Un réalisateur à juste distance
Suite à cette scène, le documentariste suit les pas de Karen dans son désir d’être une « pony-play ». Son entraînement au Texas, sous les ordres d’un entraîneur de cette discipline, ne se fait pas sans heurts. Sous une chaleur accablante, Karen fait ses premiers pas : affublée de gros sabots aux mains, et aux pieds, chacun faisant 5 kilos, le mors aux dents, sans oublier les œillères caractéristique de l’équipement d’un équidé, l’on voit Karen souffrir sous le regard de son entraîneur, le laconique Mike. Les séances d’entraînement sont entrecoupées de séquences où Karen se livre de manière franche et directe face à la caméra. Non sans humour parfois et avec un certain recul vis-à-vis du « Pony-Play » et d’elle-même. Car le documentaire, en plus d’être une plongée dans cette pratique peu connue, est un portrait de Karen, ses désirs, ses peurs… Le réalisateur, Jérôme Clément-Wilz, sait trouver la distance nécessaire avec elle, sans intrusion et regard impudent à son égard.
Conclusion
Comme souvent à L’Étrange Festival, ce sont les documentaires qui sont les plus intéressants et celui-ci ne fait pas exception à la règle. Que dire de plus sinon qu’il est rediffusé, au forum des images, le jeudi 15 septembre, à 15h45. A l’instar de la première séance, cette deuxième diffusion sera suivie d’un dialogue avec l’équipe du film. Dernière opportunité de le voir avant que le film ne tombe dans les limbes de la distribution dvd/blu-ray. Dans le cas où il sortirait sous ce support…