Troisième et dernière partie de l’entretien avec l’acteur Thomas Brodie Sangster, réalisé en 2011 au Festival des Arcs à l’occasion de la présentation de Death of a Superhero.
Critique-Film : Comment avez-vous obtenu le rôle de Donald Clarke dans Death of a Superhero ?
Thomas Brodie Sangster : De façon assez classique. Mon agent m’a appelé pour savoir si je voulais auditionner pour ce rôle que l’on me proposait. J’ai lu le scénario et répondu que ça m’intéressait. Après deux ou trois auditions, j’ai eu le rôle.
CF : Si le cadre est réaliste, l’utilisation de l’animation apporte une touche d’irréalité. Cette double approche vous a attiré vers ce film ?
La première fois que j’ai lu le scénario, je n’arrivais pas à la visualiser mais j’étais vraiment intrigué. Mêler dans un même film des scènes de fiction avec des scènes d’animation reste rare et cette prise de risque était vraiment intéressante, un vrai risque. C’est difficile, surtout pour obtenir de la qualité. Le film n’aurait pas fonctionné si cet élément n’avait pas été réussi. L’équipe et moi-même sommes plutôt satisfaits du résultat à l’écran. La part de risque était vraiment importante mais cela fait partie du plaisir de ce métier.
CF : Vous aviez tout de même pu voir certains dessins avant de commencer le tournage ?
Je savais en gros ce que cela allait donner à l’écran. Lukas Frese, le créateur de l’animation était présent sur le tournage. Il a dessiné sur les chaussures et le sac que je portais dans le film. Son travail nous a constamment accompagné sur le tournage. Ce n’était pas seulement dans les cahiers ou dans les scènes animées, c’était partout. Cela faisait partie de l’imaginaire de Donald, cela révélait sa personnalité. Leur aspect devait avoir l’air maladroit, brut et provocateur comme si ces images venaient réellement de l’esprit d’un adolescent de 16 ans. Ce n’est pas policé, ce qui est convenait au personnage. Le réalisateur Ian Fitzgibbon m’a dit que lors des premiers essais l’animation était bien trop belle et il a demandé aux animateurs de repenser à leurs 14 ans. ‘ N’utilise pas tout ton talent, ou utilise les pour faire quelque chose de plus simple ‘. À mes yeux, ce côté maladroit reflétait justement l’esprit de Donald.
CF : Avez-vous improvisé ou êtes-vous resté fidèle au scénario ?
Le scénario était là et plutôt bon, mais si les comédiens en ressentaient le besoin, on pouvait s’en libérer, cela ne posait pas de problème. Toute bonne idée était la bienvenue, d’où qu’elle vienne. Aussi bien de moi et de mes partenaires que des techniciens. Si la proposition marchait, on l’intégrait. L’atmosphère était bonne sur le tournage, sans souci de hiérarchie, ce qui ne peut être que positif. L’un des principaux changements entre l’écriture et le résultat final est cette scène vers la fin où Donald retrouve sa petite amie. Le scénario incluait de nombreuses pages de dialogues et on a coupé, coupé, pour finalement ne garder qu’un échange de regards, ce qui suffisait amplement. C’est un drôle de processus, mais ça marchait mieux ainsi.
CF : Avez-vous une scène préférée dans le film ?
J’aime beaucoup la scène finale, sur les rochers. J’avais quelques craintes sur ce que cela pouvait donner à l’écran avec les deux amoureux sur la plage qui se tiennent la main et s’embrassent. Et heureusement ce n’est pas trop sentimental. Cela donne une jolie scène. Mais celle qui me touche le plus se situe à la toute fin lorsque Shelly est dans le train et écoute une chanson sur mon ipod. Au lieu de pleurer, elle a ce joli sourire qui signifie que tout va bien. Des choses tristes peuvent arriver mais on passe à autre chose, et la vie continue…
CF : L’humour est très présent et vient notamment d’une petite touche presque invisible : ces tee-shirts imagés que Donald porte et que l’on voit parfois difficilement, comme celui avec l’inscription ‘ One more pet scan and I’ll glow in the dark ‘ [ un scanner de plus et je brille dans la nuit ]
J’en portais un différent chaque jour, même caché sous mon uniforme du lycée. On ne le voit pas à chaque fois mais on les entraperçoit de temps en temps. En tout cas, j’en portais un dans chaque scène. C’est autant une blague entre nous qu’un élément important pour comprendre l’état d’esprit du personnage. Et pour autant, ce n’est pas souligné. Ces tee-shirts étaient vraiment originaux. Ils en ont trouvé certains dans des boutiques, mais la majorité a été créée pour l’occasion.
CF : Vous en avez conservé certains ?
Non, mais je le regrette bien…
CF : Votre rôle dans le film Hideaways d’ Agnès Merlet est assez proche. Lequel des deux avez-vous tourné en premier et est-ce que l’un a influencé l’autre ?
Les deux tournages étaient très proches. J’ai commencé par Hideaways et j’ai rapidement enchaîné avec Death of a Superhero. Je n’ai toujours pas vu Hideaways. Les deux ont été tournés en Irlande et c’est drôle, avec en partie la même équipe. Mais l’ambiance sur le tournage était très différente. Et je ne suis pas certain que les personnages soient si proches. Irlandais et malade certes, même si je ne perds pas mes cheveux dans Hideaways. Si j’ai également aimé le tourner, Death of a superhero était plus personnel. Probablement car j’en suis le personnage central et que l’on raconte l’histoire du personnage que j’interprète. J’aimerais bien voir Hideaways car je ne sais pas à quoi cela ressemble. Je ne sais pas si le film est réussi ou pas…
CF : Je peux vous répondre : c’est délicieusement naïf, sentimental et touchant. Votre personnage est complexe et cela fonctionne plutôt bien. Si le spectateur a toutes les clés, ce n’est pas le cas des personnages, ce qui enrichit l’histoire. Et pour résumer, on peut dire que c’est un peu comme Twilight, mais réussi.
J’imagine qu’on peut l’interpréter comme ça… (rires)
CF : En quoi les tournages étaient si différents ?
Je ne sais pas si je peux l’expliquer précisément. Sur les deux films, il y avait des irlandais mais Hideaways, la majorité de l’équipe était française alors que pour Death of a Superhero, elle était surtout composée d’allemands. Rien que cela crée une vraie différence, ne serait-ce que dans les méthodes de travail. Sur ce dernier film, l’équipe caméra était constituée d’allemands, et ils sont très précis sur la lumière et le point, dans une rigueur très germanique, mais toujours dans une démarche artistique. Ils étaient vraiment doués, des experts de l’Alexa, un système créé par Ari, des fabricants de caméra. Ils étaient informés des dernières évolutions technologiques et ont même contribué à la créer. C’était excitant de les voir tourner avec cette caméra, et de les voir si motivés.
Sur Hideaways, l’équipe photo était essentiellement irlandaise. Ils étaient plus détendus mais pressés à l’idée de tourner, privilégiant une certaine énergie, quelque chose de plus fluide, moins cadré, moins rigide. C’est cette variété qui rend mon travail si plaisant. Mon prochain engagement ne ressemblera probablement en rien à ceux-là. Ce sera complètement différent car chaque tournage est une nouvelle expérience.
CF : Avez-vous tourné dans les mêmes endroits ?
Non pas vraiment. Hideaways se passe à la campagne et Death of a Superhero à Dublin, c’est donc plus urbain. On n’est pas passés par Dublin pour le film d’Agnès Merlet. Ah si, en fait oui mais brièvement. On était logés dans un hôtel lors du tournage de Hideaways et pour le suivant, on s’est retrouvés logés tout près. Drôle de coïncidence.