Échauffourée en Blu-ray pour OSS 117
France / Italie : 1963-1968
Réalisateurs : André Hunnebelle, Michel Boisrond
5 films adaptés de l’oeuvre de Jean Bruce
OSS 117 est incarné par : Kerwin Mathews, Frederick Stafford, John Gavin
Éditeur : Gaumont Vidéo
Genre : Espionnage
Date de sortie Blu-ray : 21 janvier 2015
Le James Bond à la française. Qui aurait pu prédire que la France, dans les années soixante, réaliserait des films d’espionnage d’une qualité égale à la série des premiers James Bond ? Voici donc les péripéties de l’agent OSS 117 (de son vrai nom Hubert Bonisseur de La Bath), qui mène en toute indépendance « sa guerre contre les truands », et ses conquêtes féminines… et nous emmène dans des missions à couper le souffle, dans tous les coins du monde…
Si vous avez manqué le début…
Avec 250 romans et 9 films dédiés à sa gloire éternelle, l’agent Hubert Bonisseur de La Bath, alias OSS 117, est une version made in France, et légèrement tournée vers le bis, du James Bond créé par Ian Fleming. Comme l’agent 007, OSS 117 a également été incarné par divers acteurs. Rien que sur les 5 films disponibles dans le coffret édité par Gaumont en 2005, et que l’éditeur a eu la très bonne idée de ressortir fin janvier sur support Blu-ray, l’agent sera incarné par trois acteurs différents : Kerwin Mathews, Frederick Stafford et John Gavin.
Les films proposés au sein du coffret à l’époque, et maintenant disponibles en haute définition dans la collection Blu-ray « découverte » de Gaumont à prix tout doux (10€ l’unité) sont OSS 117 se déchaîne (André Hunebelle, 1963), Banco à Bangkok pour OSS 117 (André Hunebelle, 1964), Furia à Bahia pour OSS 117 (André Hunebelle, 1965), Atout cœur à Tokyo pour OSS 117 (Michel Boisrond, 1966) et Pas de roses pour OSS 117 (André Hunebelle, 1968). Il s’agit en fait des films produits par Gaumont ; les droits des deux titres manquants, à savoir OSS 117 n’est pas mort (Jean Sacha, 1956) et OSS 117 prend des vacances (Pierre Kalfon, 1970), n’appartiennent sans doute pas à Gaumont.
Beaucoup de cinéphiles ne s’en rendent plus trop compte aujourd’hui, mais en son temps, OSS 117 attirait les foules au cinéma. De la même façon que les deux comédies de Michel Hazanavicius (avec Jean Dujardin), qui ont réuni environ 2,4 millions de français en 2006 et 2009, les quatre premiers films distribués par Gaumont dans les années 60 avaient réunis entre 2,1 et 2,9 millions de personnes dans les salles obscures, Pas de roses pour OSS 117 sorti en juillet 1968 marquant un net déclin dans la franchise en n’attirant que 1,2 millions de spectateurs (mais peut-être ce phénomène est-il du aux « événements » s’étant produit en France cette année là).
Les films
Chapeautée par un maestro du divertissement populaire français en la personne d’André Hunebelle (Le bossu, la saga Fantômas…), la saga OSS 117 débute chez Gaumont avec OSS 117 se déchaîne par un film d’espionnage très sérieux, en noir et blanc, au ton très adulte et à l’ambiance fortement influencée par le Film Noir américain. Filatures, enquête et action [avec un fort accent PACA] se succèdent sans temps morts et sur fond de musique jazz, les scènes sous-marines sont d’un bon niveau (jamais vraiment cheap), bref, c’est du tout bon. Tourné en couleurs et dans une ambiance nettement plus « swinging 60’s », plus proche de James Bond, Banco à Bangkok pour OSS 117 marque une nette rupture avec le film précédent, et trouve le « ton » qui marquerait le reste de la saga. Un ton sérieux et « bigger than life », très influencé par le sérial, qui prend souvent des airs assez surannés et kitsch avec le recul, mais qui s’avère toujours d’une beauté visuelle certaine. Le travail d’Hunebelle en Cinemascope, aidé par des directeurs photo de talent, était en effet souvent de toute beauté : le cinéaste français avait vraiment un sens du cadre indéniable, et comprend tout à fait l’utilisation du format large. On notera aussi la présence de Robert Hossein dans cet opus, incarnant un vilain diabolique. La quintessence de ce style chéri des amoureux de serial suranné et du genre « Eurospy » (à ce propos, avez-vous lu notre chronique du formidable Opération Goldman ?) et tendrement moqué quarante ans plus tard par Hazanavicius et Dujardin, sera atteinte avec le sublime Furia à Bahia pour OSS 117. Hunnebelle signe là probablement le meilleur film de la série, en tous cas le plus représentatif (et charmant) du style des coproductions internationales de l’époque. Décors exotiques, extérieurs naturels, ambiance unique, présence de la toujours formidable Mylène Demongeot (la « French coquette » comme l’appellent les ricains)… Tout est réuni pour faire de ce film un petit classique, tenant en tous points la comparaison avec certains James Bond de l’âge d’or, et écrasant sans conteste, par sa classe et son rythme, au hasard, tous ceux avec Roger Moore.
Frederick Stafford repassera une nouvelle fois le costard impeccable d’Hubert Bonisseur de La Bath sous la direction de Michel Boisrond dans Atout cœur à Tokyo pour OSS 117. Co-scénarisé par Terence Young (quand on vous disait que des passerelles reliaient le monde des deux espions), le film reprend le flambeau du précédent, et dégage un charme fou. Probablement doté d’un budget confortable, cet opus nous emmène à Tokyo, tout comme le ferait James Bond lui-même l’année suivante dans On ne vit que deux fois. Tout le folklore japonais est donc présent, du sumo à la geisha en passant par les samouraïs (!!!!), le rythme, l’humour et les surprises sont au rendez-vous, et, last but not least, le méchant se sert de petits avions meurtriers, trouvaille géniale et pour tout dire hilarante. Dernier film de la saga édité par Gaumont, Pas de roses pour OSS 117 reprend le crédo des aventures tournés dans des décors exotiques avec des costumes de toute beauté, et fait de nouveau appel à Robert Hossein, secondé ici par l’épatant Curd Jügens (futur Stromberg dans L’espion qui m’aimait). Un poil plus mal foutu et artificiel que les deux opus précédents, le film dégage aujourd’hui un charme un peu bisseux et comporte néanmoins quelques scènes vraiment mémorables (la bagarre tout nu sur un air d’opéra, qui évoque, avec le recul, une version déviante de la scène d’opéra de Quantum of Solace !), qui en font un chant du cygne de la franchise encore tout à fait recommandable.
Les Blu-ray
[4,5/5]
Pour cette nouvelle vague de Blu-ray « découverte » proposés au tarif de 10€ pièce, la saga OSS 117 s’offre un lifting dont rêveraient beaucoup d’actrices cinquantenaires. Comme toujours avec Gaumont, les cinq films ont bénéficié d’une restauration impeccable : proposés dans leurs formats d’origine et en 1080p, les masters affichent une forme et une propreté quasi-irréprochable. Le rendu de la photo argentique affiche un grain préservé avec soin (quoi que la douceur de certains plans nous fait supposer une utilisation parcimonieuse du réducteur de bruit), le noir et blanc du premier film s’offre des contrastes du tonnerre, les couleurs explosent littéralement sur les films suivants, le piqué est accru et la compression ne souffre d’aucun souci particulier. Côté son, la restauration a également fait des merveilles, tous les films nous étant proposés en DTS-HD Master Audio 2.0 mono d’origine, d’une clarté remarquable.
Dans la section suppléments, Gaumont recycle les riches bonus déjà présents sur les éditions DVD antérieures, en définition standard. Soit déjà plus de deux heures trente de suppléments répartis sur les cinq galettes, revenant en long en large et en travers sur les films (entretiens avec Michel Boisrond, Kerwin Mathews, sujet sur André Hunebelle…), le contexte « historique » (avec les actualités Pathé de l’époque), et même sur la série de livres à l’origine des films, signés Jean et Josette Bruce. Du beau boulot !