Donnie Darko

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Donnie Darko

Etats-Unis : 2002
Titre original : Donnie Darko
Réalisateur : Richard Kelly
Scénario : Richard Kelly
Acteurs : Jake Gyllenhaal, Holmes Osborne, Maggie Gyllenhaal, Daveigh Chase, Mary McDonnell, James Duval, Patrick Swayze
Distribution : Metropolitan FilmExport
Durée : 1h44
Genre : Genre
Date de sortie : 30 janvier 2002

Globale : [rating:4/5][five-star-rating]

L’univers sombre et énigmatique les films de Richard Kelly lui valent une place à part dans le cinéma américain. On se souvient de The Box, sorti en 2009, au concept séduisant mais à la complexité handicapante. Son premier long-métrage, Donnie Darko, primé au Festival du Film Fantastique de Gérardmer en 2002, malgré son intrigue en patchwork, est plus sensible et épuré. L’œuvre se révèle d’emblée comme une petite perle du cinéma indépendant.

Synopsis:

En 1988, dans une banlieue américaine paisible, le jeune Donnie Darko vient perturber la tranquillité de son entourage. Intelligent mais atteint de « troubles émotionnels », il échappe de peu à la mort alors qu’une nuit un réacteur d’avion s’écrase sur sa chambre ; somnambule, il avait suivi un homme déguisé en lapin macabre lui annonçant la fin du monde 28 jours plus tard… De cette étrange nuit vont découler des évènements de plus en plus troublants… 

Un puzzle narratif et émotionnel

Difficile de résumer en quelques phrases linéaires une trame qui se construit comme un puzzle. La fin du monde annoncée dans un rêve de Donnie amorce un décompte apocalyptique de 28 jours, et pourtant on ne quitte jamais la sphère de l’intime. Pendant ce laps de temps, le mystère va surgir et habiter peu à peu les lieux de la communauté. Richard Kelly distille les éléments clés de l’énigme tout au long du film, et on sent constamment qu’on est à deux doigts du déclic sans parvenir à donner du sens. Il faut davantage décrypter les images par les émotions et les réflexions existentielles qu’elles suscitent que tenter d’extraire une logique, un récit rationnel.

Pour prendre un exemple, l’amour et la peur sont subtilement explorés et des personnages sont là pour contrebalancer cette profondeur par leur manichéisme. La simplicité vire à l’absurde avec la professeure de gym, qui idolâtre un certain Jim Cunningham, créateur d’un programme d’aide psychologique multipliant conférences et cassettes vidéo. En réduisant le spectre des émotions humaines à une conception outrageusement simpliste de l’amour et de la peur, ils s’attirent l’hostilité de Donnie. Si le jeune homme est en effet constamment habité par ces deux sentiments, il en incarne toute la complexité, bien loin d’un langage verbeux qui tendrait à les réduire à deux simples opposés. L’exploration que Richard Kelly en fait est très visuelle, subtile et poétique. Le fantastique et la psychologie se répondent sans cesse.

« L’inquiétante étrangeté »

Le jeu sobre et juste de Jake Gyllenhaal confère au personnage de l’adolescent marginal typique une enveloppe brumeuse de mystère. Son pas traînant et son visage las le rendent presque fantomatique, étranger à son entourage et au lycée par son incapacité à se limiter au réel. Son anormalité nous est familière, bien plus parlante que les stéréotypes de banlieue qui l’environnent. Puisqu’il est prisonnier de ses visions récurrentes, Donnie va chercher jusqu’au bout à en éclaircir les mystères, plongeant dans un dédale fantasmatique. Richard Kelly explore les parcelles fantastiques de notre univers familier, non sans rappeler « l’inquiétante étrangeté » freudienne.

Dès le début, la grille de lecture est posée, comme un avertissement lancé aux esprits rationnels. La chute d’un réacteur d’avion sur la chambre de Donnie, alors qu’il est miraculeusement absent, interroge sur les conséquences du hasard, une sorte d’effet papillon. L’art du cinéaste tient justement à ce subtil entremêlement de l’intime et du cosmique, notamment en introduisant la question du voyage dans le temps par le biais de la curiosité de l’adolescent. Là où aurait pu se jouer un « simple » drame psychologique au sein de la petite communauté proprette de banlieue, un conte fantastique fait surface, avec le lapin monstrueux comme fil conducteur, guide angoissant du personnage. Ses apparitions viennent rythmer le film et rappellent à Donnie sa solitude et à son impossibilité d’intégrer la soi-disant normalité de son entourage. L’évolution du jeune homme au fil du film l’emmène non pas vers la vie adulte mais vers ce qu’il est le seul à pouvoir accomplir, sa destinée en quelque sorte, avant l’écoulement des 28 jours.

Vous n’en sortirez pas indemnes

Si l’on devait établir des liens entre Richard Kelly et d’autres cinéastes, David Lynch arriverait probablement en tête. L’atmosphère dérangeante et surréaliste évoque l’onirisme du réalisateur américain, mais Donnie Darko touche plus à la science-fiction pétrie de réflexions existentielles, sans jamais quitter les racines du quotidien. Ce qui frappe le plus dans l’oeuvre, c’est l’empreinte laissée après le visionnage du film, une émotion trouble qui habite longtemps l’esprit – certaines images en particulier, telles cette improbable chute du réacteur d’avion dans la chambre, le regard figé et cauchemardesque du lapin dans la pénombre d’une salle de cinéma, ou le ciel irréel et chaotique à la fin du film.

Résumé

A la fois conte fantastique et parcours initiatique troublant, Donnie Darko révèle de nouveaux secrets à chaque fois que l’on s’y plonge,  comme s’il s’agissait d’un langage aux formes familières et pourtant opaque. L’univers de Richard Kelly puise dans l’intime nos angoisses enfouies et indicibles, et témoigne du pouvoir du cinéma d’explorer visuellement des réflexions existentielles. A découvrir, revoir, partager et méditer.

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