Critique : Diversion

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Diversion

Etats-Unis, 2014
Titre original : Focus
Réalisateur : Glenn Ficarra & John Requa
Scénario : Glenn Ficarra & John Requa
Acteurs : Will Smith, Margot Robbie, Adrian Martinez, Gerald McRaney
Distribution : Warner Bros.
Durée : 1h45
Genre : Gangster
Date de sortie : 25 mars 2015

Note : 2,5/5

Les meilleurs films de gangster nous épargnent tout le baratin moralisateur sur l’apologie du crime. Ils donnent simplement envie de s’identifier à ses héros de l’ombre, plus futés et plus sophistiqués que leurs adversaires du bon côté de la loi. En même temps, ces épopées du crime guère avares en excès participent à l’une des vocations primordiales du cinéma : l’occasion pour le spectateur de voir ses fantasmes les moins avouables devenir une sorte de réalité, sans devoir craindre une réprimande sévère pour pareil écart de conduite. Hélas, l’effort consenti par Diversion pour atteindre cette forme d’élégance supérieure s’avère insuffisant. A un ou deux moments de tension intense près, le film dénote désagréablement par son rythme laborieux. La structure scénaristique en deux parties distinctes contribue de surcroît à une sensation de répétition, plus ennuyeuse que réellement enrichissante. Enfin le croisement des courbes de carrière respectives de Will Smith, l’étoile sur le déclin, et de Margot Robbie, la nouvelle coqueluche de Hollywood, ne produit aucune étincelle.

Synopsis : Nicky mange seul dans l’un des restaurants les plus en vogue de la ville. Son attention est attirée par une jeune femme, Jess, qui se fait embêter par un autre homme au bar. Elle ne tarde pas à venir à sa table et l’implore de se faire passer pour son copain pendant la soirée. Puisque le courant passe entre les deux, ils se retrouvent tendrement enlacés dans la chambre de Jess. Déboule alors le mari cocu, qui menace Nicky de le tuer. Pas dupe de la supercherie, la cible de cette arnaque d’amateur accepte de donner à Jess quelques conseils utiles pour peaufiner sa combine. L’élève suit alors son maître jusqu’à la Nouvelle-Orléans, où Nicky profite de la période du Superbowl pour monter une nouvelle affaire juteuse. Il accepte de prendre Jess comme stagiaire, séduit autant par son talent d’escroc né que par ses charmes féminins.

Pas facile d’être un imposteur

Ce n’est pas tant la référence éhontée aux classiques du genre, comme L’Arnaque de George Roy Hill ou L’Affaire Thomas Crown de Norman Jewison, qui nous gène dans le troisième film des réalisateurs Glenn Ficarra et John Requa, mais le manque de souplesse et l’attitude disgracieuse avec lesquels ils y procèdent. A partir du contrat conclu entre le film et son public, qui stipule depuis toujours que dans ce genre d’histoire, on aime bien se faire peur, tout en sachant que le protagoniste est assez habile pour se tirer in extremis même de la situation la plus hasardeuse, la marge de manœuvre pour l’innovation narrative est de toute façon d’emblée plutôt réduite. Ce qui n’a pas empêché un réalisateur comme Steven Soderbergh d’imaginer carrément trois films flamboyants autour du personnage plus très jeune de Danny Ocean. Tandis que l’on peut aisément considérer Ocean’s Eleven et ses suites comme des divertissements de luxe, Diverson fait forcément pâle figure à côté avec son héros mou comme de la pâte de guimauve, qui ne sait pas se décider entre son cœur et son portefeuille. La réalisation ne lui rend pas la tâche plus facile, puisqu’elle s’engage de plus en plus sur le chemin épineux des faux-semblants et des retournements invraisemblables, qui ne peut aboutir qu’à un spectacle creux et abracadabrant.

BD Wong amusé / Will Smith indisposé

La seule séquence dans tout le film, au cours de laquelle le frisson de l’infraction de la loi risque d’être transmis au spectateur, est celle des paris de plus en plus mirobolants sur la tribune VIP du stade de la Nouvelle-Orléans. Le duel que s’y livrent Nicky et un milliardaire chinois loufoque, interprété avec entrain par le bien trop rare BD Wong, distille simultanément une excitation et un malaise que le reste du film peine cruellement à reproduire ailleurs. La tension retombe en effet, dès que le personnage principal procède à l’explication détaillée du stratagème, qui prive ce dernier non seulement de sa magie dramatique, mais aussi de son éclat filmique. A l’image de ce désaveu complet d’une part de hasard dans les activités illégales de Nicky, tout ce qui suit n’est qu’une assez piètre tentative de manipulation du spectateur, qui ne se laisse plus berner au plus tard quand Will Smith se lance dans des grimaces ridicules vers la fin du film. Le charme de l’acteur principal n’opère presque pas dans ce rôle soi-disant taillé sur mesure, mais trop largement tributaire d’un scénario décousu et anémique en termes de force de conviction espiègle pour nous faire avaler l’esbroufe de sa prémisse.

Conclusion

Parmi les comédies de gangster, il existe autant de réussites brillantes que d’échecs cuisants. Diversion n’est ni l’un, ni l’autre, puisque il se situe sur le champ pas non plus enviable d’une médiocrité qui nous laisse en fin de compte indifférents. Là où le constat devient déjà plus alarmant, c’est dans la reconnaissance d’une perte de vitesse durable dans la carrière de Will Smith, l’une des dernières vedettes auparavant infaillibles de l’industrie hollywoodienne. L’acteur a intérêt à se ressaisir illico presto, s’il ne veut pas laisser la voie libre à une production américaine dont les vaches à lait exclusives seraient alors des films à suites et aux univers fantastiques interchangeables. En tout cas, ce n’est pas avec des films aussi peu engageants que celui-ci qu’il va assurer longtemps ses cachets onéreux.

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