Belgique : 2019
Titre original : Torpedo
Réalisation : Sven Huybrechts
Scénario : Johan Horemans, Sven Huybrechts
Acteurs : Koen De Bouw, Thure Riefenstein, Ella-June Henrard
Éditeur : Wild Side Vidéo
Durée : 1h42
Genre : Guerre
Date de sortie DVD/BR : 7 avril 2020
Note : 4/5
Synopsis : En pleine Seconde Guerre mondiale, une équipe de résistants sans foi ni loi est engagée pour kidnapper un sous-marin allemand. Sa mission : apporter l’uranium nécessaire au projet Manhattan belge à New York. Mais quand l’ennemi allemand se dresse sur leur route c’est l’avenir de l’humanité entière qui se joue…
Vu de notre côté de la frontière, il est bien difficile de dessiner les contours du cinéma belge : même si l’on met de côté les (nombreuses) coproductions franco-belges, le cinéma du plat pays, c’est à la fois des films tournés en français et d’autres tournés soit en flamand, soit en néerlandais. C’est là que les choses se compliquent : le terme « flamand » désigne en effet l’ensemble des dialectes néerlandais parlés en Belgique (brabançon, limbourgeois, flamand oriental / occidental), et peut même s’étendre au néerlandais tel qu’il est parlé en Flandre. Pour autant, et même si l’on serait bien incapable de différencier les films tournés en flamand de ceux tournés en néerlandais, ce que l’on connaît depuis quelques années du cinéma « belge » s’avère très intéressant, notamment dans le domaine du film de genre. De Left Bank (2008) à Gangsta (2018) en passant par Loft (2008), Soudain, le 22 mai (2010), Bullhead (2011), The beast (2014), Black (2015) ou encore Menace sur la maison blanche (2016) sont donc autant d’exemples d’un cinéma techniquement solide tourné vers le grand frisson populaire.
U-235 est donc un film de guerre en provenance de Belgique, à ne pas confondre avec l’américain U-571 (Jonathan Mostow, 2000) ni avec l’allemand U-864 (Thorsten Näter, 2011), pas plus qu’avec le français U-455 (Stéphane Bégoin, 2013). En réalité, bien sûr, la confusion est encouragée, clairement recherchée par Wild Side Vidéo, qui compte bien capitaliser sur le succès du film de 2000, et qui présente également l’avantage de clairement situer le genre du film : le film de sous-marin. Ce qui n’apparaissait pas clairement dans le titre original, Torpedo.
Néanmoins, et pour en terminer avec le titre français du film, les petits chimistes parmi vous auront remarqué que l’U-235 n’est pas le nom du sous-marin utilisé dans le film, mais au contraire une référence assez habile et inattendue à l’Uranium 235, qui s’avère au centre du film de Sven Huybrechts puisque le groupe de mercenaires suivi par le film aura pour mission de transporter plusieurs tonnes d’uranium du Congo jusqu’aux États-Unis.
U-235 joue donc la carte du film de guerre 39-45, option sous-marin, ce pour quoi on lui a alloué un budget de 3,5 millions d’euros, c’est à dire au bas mot dix fois moins que la moindre production américaine du même genre (pour mémoire, le budget de U-571 était de 62 millions de dollars). Mais ne fuyez pas pour autant – si en effet on a l’impression d’avoir tout vu dans le domaine du film de sous-marin, le film de Sven Huybrechts a néanmoins l’intelligence de prendre le temps de présenter, grosso modo durant la première moitié du film, son attachant groupe de mercenaires. Chaque personnalité, incarnée par une série d’acteurs s’imposant comme autant de « gueules » de cinéma (Koen De Bouw, Thure Riefenstein, Joren Seldeslachts, Sven De Ridder…), sera donc développée avec soin à travers quelques exploits et autres prises de guerre, qui prendra peu à peu les atours d’un récit plus classique de commando suicide dont la finalité est de « buter plein de nazis ». Au final, ces personnages hauts en couleurs, aux physiques très particuliers / très marqués de façon à tous être différenciés de la façon la plus claire et la plus rapide possible, constitueront vraiment le point fort du film, en termes d’immersion – et même d’émotion, le film réussissant même le tour de force de se montrer réellement émouvant à plusieurs reprises.
Un accent tout particulier est également mis sur l’humour, référentiel, post-moderne et gentiment « punk », et U-235 ne manquera pas, de fait, d’évoquer Inglourious Basterds (Quentin Tarantino, 2009). Pour autant, et si ce genre d’influence manifeste pourrait clairement avoir tendance à vampiriser complètement le film, on notera que ce n’est finalement pas le cas avec le film de Sven Huybrechts, qui parviendra sans peine à se trouver une véritable personnalité, grâce notamment à l’arc narratif suivant les personnages de Nadine (Ella-June Henrard) et Filip (Joren Seldeslachts), et qui nous propose de très belles scènes, passionnées et romantiques, qui créent une espèce de « respiration » bienvenue entre deux scènes plus humoristiques ou plus cruelles – parce qu’U-235 peut également se montrer d’une violence assez intense, à base de tête explosée au dessus d’une baignoire, de jambes découpées à la scie ou de petit bébé sacrifié, lui aussi au dessus d’une baignoire d’ailleurs. Mis à part le personnage de Jäger (Thure Riefenstein), les nazis sont montrés sans nuances, mais cela colle parfaitement à l’esprit franc-tireur et assez jouissif de l’ensemble. Seule ombre au tableau : certains effets spéciaux qui traduisent pour le coup de façon assez claire la nature modeste de l’entreprise, et font un peu retomber la portée de scènes qui auraient pu s’avérer mémorables.
Conclusion
Contre toute attente, U-235 n’est donc pas le petit film de guerre de série B rébarbatif et déjà vu cent fois auquel on aurait pu s’attendre, surtout à la découverte de son affiche française, aux motifs particulièrement éculés. Allant beaucoup plus chercher du côté des 12 salopards et surtout d’Inglourious Basterds que de U-571 ou Das boot, ce petit film belge s’avère une véritable surprise. A la fois drôle, cruel, et déployant occasionnellement une efficacité rentre-dedans absolument réjouissante (cette scène d’ouverture !), U-235 est un divertissement extrêmement bien tenu, qu’on prendra probablement plaisir à voir et à revoir dans les années à venir.
Attention : suite aux mesures de confinement liées à la crise sanitaire du COVID-19, Wild Side a dû s’adapter et reporter la sortie DVD & Blu-ray d’U-235, qui demeure néanmoins disponible en VOD & achat digital depuis le 7 avril.