En attendant l’annonce des nominations aux 94èmes Oscars qui aura lieu dans moins de vingt-quatre heures, voici en guise d’apéritif et de rattrapage celles des Directors Guild Awards. Les choix préliminaires de l’influent syndicat des réalisateurs américains ont été annoncés le jeudi 27 janvier dernier par sa présidente Lesli Linka Glatter. Après une édition 2021 sous format virtuel et privé, la 74ème cérémonie devrait se tenir à peu près à l’ancienne, à l’hôtel Beverly Hilton de Beverly Hills le samedi 12 mars.
En dehors de la catégorie reine du Meilleur Film de cinéma, du côté du documentaire, de la télévision ou de la publicité, on trouve cette année des noms aussi connus que ceux de Kathryn Bigelow (publicité iPhone 13), Barry Jenkins (« The Underground Railroad »), Barry Levinson (« Dopesick »), Raoul Peck (Exterminez toutes ces brutes), ainsi que Robert Pulcini et Shari Springer Berman (« Succession »).
Même si la fiabilité du Directors Guild Award par rapport au gagnant de l’Oscar du Meilleur réalisateur a connu de petites défaillances ces dernières années – la dernière fois en 2020, lorsque le champion des Oscars Bong Joon-ho pour Parasite y avait été battu auparavant par Sam Mendes pour 1917 –, il ne reste pas moins vrai qu’il est quasiment impossible pour un film de gagner l’Oscar du Meilleur Film, sans avoir été au moins nommé au préalable par les réalisateurs américains. Le seul film à avoir réussi ce drôle d’exploit reste a priori Miss Daisy et son chauffeur de Bruce Beresford en 1990.
Paul Thomas Anderson pour Licorice Pizza
Il est l’un des réalisateurs les plus respectés, voire vénérés de sa génération. Pourtant, en termes de prix réellement gagnés, Paul Thomas Anderson (* 1970) attend toujours le moment de la consécration. Est-ce que l’un de ses films les plus personnels lui permettra enfin de franchir le cap ? Rien n’est hélas moins sûr, puisque le profil plutôt intimiste de Licorice Pizza et le sort commercial qui va avec ne le prédestinent guère à un raz-de-marée de trophées prestigieux. Même si son neuvième long-métrage a déjà valu à Paul Thomas Anderson le prix du Meilleur réalisateur du National Board of Review et celui du Meilleur scénario des critiques de New York. En fin de compte, c’est probablement dans cette catégorie-là que ce conte d’adolescence décrochera avec un peu de chance son lot de consolation lors de la soirée des Oscars, le dimanche 27 mars prochain.
Déjà nommé par ses confrères américains en 2008 pour There Will Be Blood, Paul Thomas Anderson réussit à faire mouche avec pratiquement chacun de ses films. Venu du monde du clip vidéo et du court-métrage, auquel il est par ailleurs resté fidèle jusqu’à ce jour, le réalisateur a signé responsable au fil des ans de films aussi marquants que Boogie Nights, Inherent Vice et Phantom Thread. Côté festivals, il a gagné à Berlin l’Ours d’or pour Magnolia en 2000 et l’Ours d’argent du Meilleur réalisateur pour There Will Be Blood en 2008, à Cannes le Prix de la mise en scène pour Punch Drunk Love Ivre d’amour en 2002 et à Venise le Lion d’argent du Meilleur réalisateur pour The Master en 2012.
Kenneth Branagh pour Belfast, sortie française le 2 mars
On poursuit dans le registre des films éminemment autobiographiques avec Belfast. Alors qu’on peut regretter la direction fortement commerciale que la carrière de Kenneth Branagh (* 1960) a pris ces dernières années, ce conte d’enfant paraît comme un formidable retour aux sources pour le réalisateur nord-irlandais. Il a peut-être même de quoi prétendre à l’Oscar du Meilleur Film, si le fait d’avoir gagné le prix du public au dernier Festival de Toronto peut servir d’indicateur assez solide. En somme, il s’agit du champion des cœurs de cette saison des prix, à contrecourant des films qui avaient permis à Branagh de se faire un nom dès la fin des années 1980.
Célébré à l’époque comme le digne successeur de Laurence Olivier, l’acteur-réalisateur a finalement épousé la courbe de la carrière de ce maître des adaptations shakespeariennes de plus près qu’il n’aurait pu le souhaiter. Car Olivier avait, lui aussi, abandonné, de gré ou de force, l’univers de Henry V et de Hamlet sur ses vieux jours, apparaissant dès lors dans des emplois plus ou moins caricaturaux.
Kenneth Branagh n’est pas encore là, mais des films comme Le Crime de l’Orient-Express et Mort sur le Nil, à l’affiche en France dès ce mercredi, ne laissent augurer rien de bon. Pas plus que ses prestations récentes devant la caméra chez Christopher Nolan dans Dunkerque et Tenet. Croisons donc les doigts pour que Belfast soit le film du deuxième souffle d’une filmographie indéniablement en perte de vitesse artistique au moins depuis le début du siècle.
Nommé à cinq reprises aux Oscars dans – fait historique – cinq catégories différentes, dont la dernière fois en 2012 en tant que Meilleur acteur dans un second rôle dans My Week with Marilyn de Simon Curtis, Kenneth Branagh est nommé pour la première fois par ses confrères d’outre-Atlantique.
Jane Campion pour The Power of the Dog, sans date de sortie cinéma en France
La réalisatrice néo-zélandaise Jane Campion (* 1954) était entrée dans l’Histoire du cinéma en décrochant la première Palme d’or à Cannes pour un film réalisé par une femme grâce à La Leçon de piano. Dans la foulée, elle avait été la deuxième réalisatrice nommée à l’Oscar du Meilleur réalisateur. C’était en 1993 et ’94. Près de trente ans plus tard, Campion est à nouveau au centre de toutes les attentions, puisqu’elle peut légitimement envisager de devenir la troisième réalisatrice oscarisée, après Kathryn Bigelow pour Démineurs en 2010 et Chloé Zhao pour Nomadland l’année dernière.
Pourtant, entre La Leçon de piano et The Power of the Dog, Jane Campion n’a point chômé. Pour preuve, sa carrière des plus respectables en termes de cinéma, avec des films tels que Portrait de femme, In the Cut et Bright Star, ainsi que la série « Top of the Lake » diffusée en France sur arte. Jusqu’à présent, sa réalisation mi-intimiste, mi-épique de The Power of the Dog lui a valu les prix des critiques de Los Angeles et de New York, tout comme l’année dernière le Lion d’argent de la Meilleure mise en scène au Festival de Venise.
Pour son film, la route vers les Oscars pourrait bien s’arrêter au niveau des nominations, ne serait-ce qu’à cause de sa distribution directement en ligne par Netflix. A ce sujet, Jane Campion est la seule représentante des plateformes cette année, au détriment de ses confrères Joel Coen (Macbeth), Adam McKay (Don’t Look Up Déni cosmique) et Aaron Sorkin (Being the Ricardos).
Steven Spielberg pour West Side Story
Il fait figure de vétéran dans ce groupe de cinq cinéastes pourtant pas si jeunes. Cela risque de ne pas suffire pour lui assurer que son nom sera présent sur la liste des nommés aux Oscars demain. Après, une légende du cinéma américain comme Steven Spielberg (* 1946) s’en remettra sans problème. Comme il avait réussi à le faire après ses quatre autres nominations au Directors Guild Awards, elles non plus suivies d’une nomination à l’Oscar. Car Spielberg et le syndicat, c’est une histoire qui remonte à très loin, presque jusqu’au début de son illustre carrière.
Nommé à onze reprises avant West Side Story, entre Les Dents de la mer en 1976 et Lincoln en 2013, il avait même gagné la plaque dorée à trois reprises : pour La Couleur pourpre, La Liste de Schindler et Il faut sauver le soldat Ryan. Sans oublier le prix honorifique du syndicat qu’il avait obtenu en l’an 2000.
La trajectoire au box-office de West Side Story fait malgré tout de lui le maillon faible des nommés aux Directors Guild Awards de cette année. Alors que l’adaptation originale de la comédie musicale par Robert Wise et Jerome Robbins avait été tout à fait dans l’air du temps au début des années 1960, raflant au passage dix Oscars en 1962 dont ceux du Meilleur Film et du Meilleur réalisateur, le soi-disant remake élaboré par le vieux roi d’Hollywood s’est essoufflé très vite dans toutes les salles où il a été projeté dans le monde. D’où notre pronostic qu’il devrait plutôt se ranger du côté de L’Empire du soleil et d’Amistad que de celui de la plupart des films victorieux précités.
Denis Villeneuve pour Dune
Petit à petit, le cinéma de genre se fraie son chemin auprès des hautes instances du cinéma américain. Le réalisateur canadien Denis Villeneuve (* 1967) en avait lui-même profité une première fois il y a cinq ans, grâce à sa première nomination aux Directors Guild Awards pour Premier contact. Or, le potentiel de son adaptation de Frank Herbert en termes de prix nous rappelle davantage le beau parcours de Mad Max Fury Road de George Miller, lauréat de six Oscars techniques en 2016. Après que sa sortie avait été reportée maintes fois à cause de la pandémie du coronavirus et qu’il avait couru le risque de sortir directement en ligne, Dune version Villeneuve ne pourra pas rêver mieux.
Après des débuts plutôt timides sur la scène internationale à la fin des années ’90, Denis Villeneuve avait commencé à trouver son public en France et dans le monde à partir de Incendies en 2010. Dès lors, il avait su impressionner à la fois les critiques et les spectateurs à travers des films aussi divers que Prisoners avec Hugh Jackman, Enemy avec Jake Gyllenhaal, Sicario avec Emily Blunt et Blade Runner 2049 avec Ryan Gosling. L’engouement public pour Dune a rendu possible la mise en chantier du deuxième chapitre de la saga futuriste sur laquelle le réalisateur travaille en ce moment.
Les six réalisateurs nommés pour le 7ème prix du Meilleur premier film :
Maggie Gyllenhhal pour The Lost Daughter, sans date de sortie cinéma en France
Rebecca Hall pour Clair-obscur, sans date de sortie cinéma en France
Tatiana Huezo pour Noche de fuego, sans date de sortie en France
Lin-Manuel Miranda pour Tick tick … boom !, sans date de sortie cinéma en France
Michael Sarnoski pour Pig
Emma Seligman pour Shiva Baby, sans date de sortie en France