Thomas Schlamme, le président du très influent syndicat des réalisateurs américains a annoncé mardi dernier, le 8 janvier, les noms des cinq réalisateurs en lice pour les 71èmes Directors Guild Awards. La cérémonie aura lieu le samedi 2 février à la salle Ray Dolby du centre Hollywood et Highland.
Les statistiques sont toujours en faveur de ces cinq hommes, parmi lesquels se trouve avec une immense probabilité le futur lauréat de l’Oscar du Meilleur réalisateur. En effet, ce n’est que sept fois en 70 remises de prix que l’heureux élu de l’association professionnelle des réalisateurs n’a pas également gagné l’Oscar correspondant, la dernière fois en 2013 avec le duo Ben Affleck (Argo) / Ang Lee (L’Odyssée de Pi). Enfin, les cinq films retenus, déjà tous nommés plus tôt au Golden Globe du Meilleur réalisateur, ont de même de fortes chances de recevoir une nomination à l’Oscar du Meilleur Film, le dernier film à être ignoré de la sorte par l’Académie du cinéma américain remontant à 2012 avec Millénium Les Hommes qui n’aimaient pas les femmes de David Fincher. Les nominations pour la 91ème cérémonie des Oscars, toujours sans maître de cérémonie depuis la démission de Kevin Hart, seront annoncées le mardi 22 janvier.
Bradley Cooper pour A Star is Born
Jusqu’à présent, la saison des prix de cinéma 2018 ne se déroule pas vraiment comme prévu pour Bradley Cooper (* 1975). Son premier film en tant que réalisateur a beau être un succès planétaire, amassant par exemple plus de 200 millions de dollars rien qu’au box-office américain, ce troisième remake d’une histoire mythique de l’univers du divertissement hollywoodien n’a pour l’instant qu’un nombre conséquent de nominations et un seul Golden Globe pour la Meilleure chanson à son nom. Cooper, quant à lui, n’a été reconnu pour ses débuts derrière la caméra que par le National Board of Review, traditionnellement acquis aux productions Warner. Il devrait néanmoins sortir victorieux du vote de ses nouveaux confrères, puisqu’il est également nommé dans la catégorie du Meilleur premier film, le troisième dans ce cas de figure après Garth Davis pour Lion et Jordan Peele pour Get out les deux années précédentes. Enfin, le nom de Cooper s’inscrit sur la liste des acteurs devenus réalisateurs nommés par la Directors Guild, plutôt longue puisque elle comprenait depuis l’année dernière et la nomination de Greta Gerwig pour Lady Bird vingt noms. Bradley Cooper a appris le métier au moins indirectement auprès des réalisateurs de renom pour lesquels il a joué jusqu’à présent : Todd Phillips (Very Bad Trip et ses deux suites), Garry Marshall (Valentine’s Day), Joe Carnahan (L’Agence tous risques), Neil Burger (Limitless), Derek Cianfrance (The Place Beyond the Pines), David O. Russell (Happiness Therapy, American Bluff et Joy), Susanne Bier (Serena), Clint Eastwood (American Sniper et La Mule) et Cameron Crowe (Welcome back).
Alfonso Cuaron pour Roma, sans date de sortie cinéma en France
Voici l’immense favori et le seul à avoir déjà gagné le prix de la Directors Guild, pour Gravity en 2014. Depuis que Roma a gagné le Lion d’or au dernier Festival de Venise, Alfonso Cuaron (* 1961) engrange en effet les prix avec cette histoire très personnelle, tournée en noir et blanc dans son Mexique natal : dimanche dernier les Golden Globes du Meilleur réalisateur et du Meilleur Film étranger, ainsi qu’auparavant les prix de la Meilleure photo des critiques de Los Angeles, de New York et de la National Society of Film Critics et ceux du Meilleur réalisateur par ces deux dernières associations. Tout irait donc pour le mieux et son troisième Oscar serait déjà en ligne de mire – il avait gagné ceux du Meilleur montage et du Meilleur réalisateur pour Gravity –, si ce n’était pour la controverse Netflix autour de son huitième long-métrage, peut-être plus marquée en Europe qu’aux États-Unis, où Roma a été distribué dans quelques salles. Grâce à sa deuxième nomination, Cuaron défend une fois de plus les couleurs du Mexique, particulièrement bien représenté au cours des années 2010 à travers les films de ses deux amigos Alejandro Gonzalez Iñarritu et Guillermo Del Toro, lauréat du prix de la Directors Guild l’année passée avec La Forme de l’eau.
Peter Farrelly pour Green Book Sur les routes du Sud, sortie française le 23 janvier
Il est déjà arrivé que la Directors Guild distingue conjointement des frères réalisateurs, notamment les frères Coen en 2008 pour No Country for Old Men. Les réalisateurs américains sont de même plutôt bienveillants à l’égard de tandems de réalisateurs, comme récemment pour Jonathan Dayton et Valerie Faris pour Little Miss Sunshine ou aux débuts de leur prix avec Melvin Frank et Norman Panama pour Le Grand secret et Un grain de folie. Le cas de Peter Farrelly (* 1956) est cependant singulier, puisqu’il s’agit de la première fois qu’un réalisateur connu pour la collaboration étroite avec son frère, son cadet Bobby et leurs onze comédies tournées ensemble, est nommé pour le premier film qu’il réalise seul. Green Book Sur les routes du Sud a beau être bien positionné dans la course à l’Oscar du Meilleur Film, après son triomphe au Festival de Toronto, son prix du National Board of Review et ses trois Golden Globes le week-end dernier – Meilleur Film Comédie, Meilleur scénario et Meilleur acteur dans un second rôle pour Mahershala Ali –, la place de son réalisateur dans ce parcours victorieux risque d’être secondaire, puisque ses confrères membres de l’Académie américaine pourraient raisonnablement l’ignorer, au profit de Yorgos Lanthimos pour La Favorite ou de Barry Jenkins pour Si Beale Street pouvait parler.
Spike Lee pour Blackkklansman
Quelle magnifique renaissance de la carrière de Spike Lee (* 1957) que l’accueil chaleureux que son dernier film a reçu un peu partout dans le monde ! Grand Prix au dernier Festival de Cannes, Blackkklansman devrait être le premier film du réalisateur en plus de trente ans de métier à être nommé à l’Oscar du Meilleur Film. Lee lui-même devrait de même obtenir dans quinze jours sa première nomination en tant que Meilleur réalisateur, après celles du Meilleur scénario pour Do the Right Thing en 1990 et du Meilleur documentaire pour 4 Little Girls en 1998. L’Académie du cinéma américain lui avait carrément attribué un Oscar d’honneur en 2015, alors que sa carrière ne paraissait aller nulle part à l’époque. Lee est le premier lauréat du prix honorifique des Oscars à être ultérieurement nommé par les réalisateurs américains. Ce sera donc un peu de justice tardive que le réalisateur pourra déguster prochainement, même si les chances de concrètement remporter un quelconque prix sont assez minces pour son brûlot filmique. Spike Lee n’est que le quatrième réalisateur afro-américain nommé pour un film de cinéma par la Directors Guild, après Lee Daniels (Precious), Barry Jenkins (Moonlight) et Jordan Peele (Get out). Ce dernier est par ailleurs l’un des producteurs de Blackkklansman.
Adam McKay pour Vice, sortie française le 13 février
A l’image de Peter Farrelly, Adam McKay (* 1968) s’était initialement fait un nom grâce à des comédies aussi débiles que Ricky Bobby Roi du circuit et Frangins malgré eux. Cela fait par contre déjà trois ans qu’il a opéré un virage professionnel vers des films plus sérieux à travers The Big Short Le Casse du siècle, qui lui avait valu sa première nomination aux Directors Guild Awards, ainsi que l’Oscar du Meilleur scénario adapté en 2016. Très impliqué à la télévision depuis les débuts de sa carrière dans les années 2000, McKay a obtenu une troisième nomination de ses confrères cette année pour un épisode de la série « Succession ». Quant à Vice, s’il devrait obtenir deux, voire trois nominations aux Oscars pour ses acteurs Christian Bale, Amy Adams et Sam Rockwell, ainsi que celles du Meilleur Film et du Meilleur réalisateur, ses éventuelles chances de victoire se situent surtout dans la catégorie du Meilleur acteur. Ce qui laisserait tout de même Adam McKay en bonne compagnie avec Alexander Payne, Jason Reitman et David O. Russell, en tant que réalisateurs nommés à plusieurs reprises aux Oscars ces dernières années pour des films dont le point fort était l’interprétation de la part de leurs acteurs.
Les cinq réalisateurs nommés pour le 4ème prix du Meilleur premier film :
Bo Burnham pour Eighth Grade, sans date de sortie en France
Bradley Cooper pour A Star is Born
Carlos Lopez Estrada pour Blindspotting
Matthew Heineman pour A Private War, sans date de sortie en France
Boots Riley pour Sorry to Bother You, sortie française le 30 janvier