Le réalisateur américain William Friedkin est décédé hier à Los Angeles d’une insuffisance cardiaque. Il était âgé de 87 ans. L’un des piliers du Nouvel Hollywood au début des années 1970 grâce aux classiques French Connection et L’Exorciste, Friedkin avait finalement connu une carrière en dents de scie, avec autant de succès que d’échecs. Au fil de sa fortune commerciale et artistique fort variable, il a néanmoins signé responsable de films aussi importants que Les Garçons de la bande, Sorcerer, Cruising La Chasse, Police fédérale Los Angeles, Bug et Killer Joe.
Comme bon nombre de ses contemporains, William Friedkin avait fait ses premiers pas de réalisateur à la télévision dès le début des années ’60. En 1967, il avait mis en scène son premier film de cinéma, la parodie Good Times avec Sonny et Cher, suivie de l’adaptation d’une pièce de théâtre de Harold Pinter The Birthday Party avec Robert Shaw et de The Night They Raided Minsky’s avec Jason Robards et Britt Ekland. La décennie de la consécration pour Friedkin avait commencé en 1970 avec Les Garçons de la bande, l’un des premiers films américains à donner une image vaguement valorisante de la communauté homosexuelle.
Or, c’étaient les deux films suivants qui allaient assurer au réalisateur une place dans les annales du cinéma : le policier French Connection avec Gene Hackman et Roy Scheider et le film d’horreur L’Exorciste avec Ellen Burstyn et Linda Blair. Après ce double coup de maître, les portes des studios hollywoodiens étaient grandes ouvertes au jeune prodige, alors âgé de moins de quarante ans.
Difficile à dire rétrospectivement à quel niveau le décrochage a eu lieu. Toujours est-il que le prochain film de William Friedkin n’allait sortir que quatre ans après le phénomène au box-office mondial L’Exorciste. Plombé par un tournage cauchemardesque et mal aimé à sa sortie, Sorcerer avec Roy Scheider et Bruno Cremer dans ce remake du Salaire de la peur de Henri-Georges Clouzot avait connu une réception publique plus favorable lors de sa ressortie en version longue dans les années 2010. La fortune du réalisateur n’allait guère changer avec ses films suivants, Têtes vides cherchent coffres pleins avec Peter Falk et Cruising La Chasse avec Al Pacino, pour lequel Friedkin avait été sévèrement critiqué à cause de sa description assez malsaine du milieu gay.
Parmi les plus de vingt ans de vaches maigres et de films mineurs qui attendaient dès lors William Friedkin, seul le policier Police fédérale Los Angeles avec William L. Petersen et Willem Dafoe a su garder tant soit peu intacte la réputation du réalisateur. Ce qui n’était décidément pas le cas de Le Coup du siècle avec Chevy Chase et Sigourney Weaver, Le Sang du châtiment avec Michael Biehn, La Nurse avec Jenny Seagrove, Blue Chips avec Nick Nolte et Mary McDonnell et Jade avec David Caruso et Linda Fiorentino. Pour rester un minimum actif pendant cette période assez difficile, le réalisateur avait de même réalisé des clips musicaux et des films pour la télévision dont le plus mémorable reste le remake des « Douze hommes en colère » avec Jack Lemmon et George C. Scott, Emmy du Meilleur acteur dans un second rôle dans un téléfilm en 1998.
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De mauvaises langues diraient que c’est son mariage en 1991 avec la productrice Sherry Lansing, bientôt nommée présidente du studio Paramount, qui allait permettre à William Friedkin de donner un second souffle à sa carrière en berne. Quoiqu’il en soit, il a réussi à tourner encore quatre films dans les années 2000. D’abord deux pamphlets à l’état d’esprit martial avec Tommy Lee Jones L’Enfer du devoir et Traqué, puis ses deux dernières œuvres majeures, le magistralement oppressant Bug avec Ashley Judd et Michael Shannon et Killer Joe avec Matthew McConaughey alors en pleine renaissance de carrière, tous deux adaptés de pièces de théâtre de Tracy Letts. Sa dernière réalisation, The Caine Mutiny Court-Martial avec Kiefer Sutherland et Jason Clarke, a été sélectionnée au prochain Festival de Venise.
William Friedkin a été nommé à deux reprises à l’Oscar du Meilleur réalisateur pour French Connection et L’Exorciste. Il l’avait gagné pour le premier en 1972. Il était le lauréat le plus ancien de cet Oscar-là encore en vie, un honneur symbolique qui revient désormais à Francis Ford Coppola, victorieux pour Le Parrain Deuxième partie en 1975 et actuellement âgé de 84 ans. En termes de prix honorifiques, William Friedkin avait reçu le Léopard d’honneur au Festival de Locarno en 2009 et Lion d’or d’honneur au Festival de Venise en 2013.
Il a été marié entre autres aux actrices Jeanne Moreau à la fin des années ’70 et Lesley-Anne Down pendant la première moitié des années ’80, ainsi qu’à la productrice Sherry Lansing depuis début juillet 1991.
La Cinémathèque Française lui avait consacré une rétrospective en avril 2006. Ces dernières années, William Friedkin avait été un invité régulier de toutes sortes de festivals de cinéma de répertoire, jamais avare en anecdotes qui sont également à retrouver dans son autobiographie « Friedkin Connection Les Mémoires d’un cinéaste de légende » parue en France en 2014 chez La Martinière et trois ans plus tard au format poche aux Éditions Points.
