Le réalisateur et producteur canadien Norman Jewison est décédé le 20 janvier à Malibu. Il était âgé de 97 ans. Un véritable touche-à-tout, Jewison avait été l’un des réalisateurs les plus recherchés et fiables d’Hollywood pendant une quarantaine d’années, du début des années 1960 au début de ce siècle. De ses vingt-quatre longs-métrages tournés pour le cinéma, au moins quatre ont eu le privilège de passer à la postérité : le policier Dans la chaleur de la nuit, le film de gangster L’Affaire Thomas Crown, la comédie musicale Un violon sur le toit et la comédie romantique Éclair de lune.
Comme tant de ses contemporains, Norman Jewison avait acquis ses premières expériences en tant que réalisateur à la télévision au cours des années 1950. C’est en 1962 qu’il signe son premier film, sous contrat chez Universal, avec la comédie familiale Des ennuis à la pelle avec Tony Curtis. Ses deux films suivants avaient su confirmer l’essai, aussi grâce à la popularité de leur vedette Doris Day : Le Piment de la vie également avec James Garner et Ne m’envoyez pas de fleurs, la troisième et dernière collaboration de l’actrice avec Rock Hudson.
Après une autre comédie, Gare à la peinture avec Garner et Dick Van Dyke dont la prémisse ressemble beaucoup à celle d’un film récent, Un coup de maître de Rémi Bezançon, et le déjà plus sérieux Le Kid de Cincinnati avec Steve McQueen et Ann-Margret, le réalisateur avait pu commencer à s’intéresser à des histoires qui lui tenaient plus à cœur. A commencer par la satire de la Guerre froide Les Russes arrivent les Russes arrivent avec Carl Reiner et Alan Arkin, puis surtout le policier sur fond de tensions raciales Dans la chaleur de la nuit avec Sidney Poitier et Rod Steiger – Oscar du Meilleur Film en 1968.
Dès lors, Norman Jewison pouvait choisir librement ses prochains projets. D’abord, il avait opté pour le film de gangster à la classe redoutable L’Affaire Thomas Crown avec Steve McQueen et Faye Dunaway, puis pour la comédie guère couronnée de succès Chicago Chicago avec Beau Bridges et Melina Mercouri. Au cours des années 1970, il a su renouer avec le succès, grâce au coup double musical du traditionnel Un violon sur le toit avec Topol et du plus moderne Jesus Christ Superstar.
L’ambition sociale de ses films pendant cette période a cependant connu un sort assez varié. Tandis que le conte d’anticipation Rollerball avec James Caan est depuis devenu un classique du genre et qu’Al Pacino avait trouvé l’un de ses meilleurs rôles dans le drame judiciaire Justice pour tous, la tentative de faire de Sylvester Stallone un héros du peuple dans F.I.S.T., deux ans après son triomphe planétaire dans Rocky de John G. Avildsen, avait assez lamentablement échoué.
Les années ’80 rimaient pour Norman Jewison avec des débuts et une fin laborieuse, quoique de même avec trois films au milieu qui lui avaient permis de renouer avec son lustre des décennies précédentes. Ainsi, à la comédie de lune de miel Les Meilleurs amis avec Burt Reynolds et Goldie Hawn succédait le drame racial poignant Soldier’s Story avec Howard E. Rollins Jr. et un jeune Denzel Washington. Après le thriller au couvent Agnès de dieu avec Jane Fonda et Anne Bancroft, le duo mal assorti formé par Cher et Nicolas Cage dans le charmant Éclair de lune allait assurer au réalisateur un dernier succès international. Pareil accueil enthousiaste n’a point été réservé à son film suivant, le drame de vétéran Un héros comme tant d’autres avec Bruce Willis et Emily Lloyd.
La dernière dizaine d’années de l’illustre carrière de Norman Jewison n’a été ponctuée que de cinq films : la satire financière Larry le liquidateur avec Danny DeVito et Gregory Peck, la comédie romantique Only You avec Marisa Tomei et Robert Downey Jr., la comédie fantastique Bogus avec Whoopi Goldberg et Gérard Depardieu, le drame carcéral Hurricane Carter qui avait valu à Denzel Washington l’Ours d’argent du Meilleur acteur au Festival de Berlin en l’an 2000, ainsi que Crimes contre l’humanité avec Michael Caine et Tilda Swinton, sorti en France fin août 2004.
Norman Jewison a été nommé à sept reprises à l’Oscar. Quatre fois comme producteur du Meilleur Film (Les Russes arrivent les Russes arrivent, Un violon sur le toit, Soldier’s Story et Éclair de lune) et trois fois dans la catégorie du Meilleur réalisateur (Dans la chaleur de la nuit, Un violon sur le toit et Éclair de lune). En 1999, il avait reçu le prix honorifique Irving G. Thalberg pour l’ensemble de sa carrière. En 1988, il avait gagné l’Ours d’argent du Meilleur réalisateur au Festival de Berlin pour Éclair de lune. Enfin, nommé trois fois au prix de ses confrères de la Directors Guild of America, il avait obtenu leur prix honorifique en 2011.