Décès du réalisateur Jonathan Demme

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Le réalisateur américain Jonathan Demme est décédé ce matin à New York d’un cancer de l’œsophage. Il était âgé de 73 ans. Connu surtout pour son thriller magistral Le Silence des agneaux – Oscar du Meilleur Film en 1992 – et le drame de maladie Philadelphia, Demme a pourtant mené pendant quarante ans une carrière des plus éclectiques. Alors qu’il était resté fidèle aux productions hollywoodiennes plus ou moins indépendantes tout au long de sa filmographie, celle-ci contient de même un nombre important de documentaires, principalement sur la musique ou des portraits d’hommes engagés.

A l’image de bon nombre de ses contemporains, Jonathan Demme commence à tourner ses premiers films au milieu des années 1970 pour le compte du producteur mythique Roger Corman. Le drame carcéral au féminin 5 femmes à abattre avec Juanita Brown et Barbara Steele, Crazy mama avec Cloris Leachman et Stuart Whitman, ainsi que Colère froide avec Peter Fonda sont en effet des films de genre bon marché, jouissifs et efficaces comme en sortaient des dizaines par an pendant les années ’70. Le réalisateur allait doucement avancer dans la cour des grands, avec par exemple l’hommage à Hitchcock Meurtres en cascade avec Roy Scheider et surtout Melvin and Howard, Oscars du Meilleur scénario original et de la Meilleure actrice dans un second rôle pour Mary Steenburgen en 1981. La relation de Jonathan Demme à l’égard du système hollywoodien allait néanmoins rapidement montrer ses limites, à travers le tournage houleux de son film suivant Swing shift, monté contre l’avis du réalisateur sur un ton comique à la demande de sa vedette Goldie Hawn. Demme allait en quelque sorte se consoler avec son premier documentaire musical remarquable Stop Making Sense avec le groupe The Talking Heads. Après deux autres comédies, Dangereuse sous tous rapports avec Melanie Griffith et Jeff Daniels et Veuve mais pas trop avec Michelle Pfeiffer et Alec Baldwin, ainsi qu’une sorte de documentaire sous forme de monologue de Spalding Gray dans Swimming to Cambodia, le réalisateur allait rencontrer enfin le succès commercial et critique avec son chef-d’œuvre au début des années 1990.

Le Silence des agneaux n’avait sur le papier guère de quoi enthousiasmer les décideurs d’Hollywood. Cinq ans après l’échec du Sixième sens de Michael Mann, il avait fallu un studio courageux et hélas déjà sur le déclin comme Orion pour soutenir ce film de genre, qui était l’une des bonnes surprises au box-office américain lors de sa sortie en février 1991. Plus d’un an plus tard, il devenait le champion atypique de la cérémonie des Oscars, où il n’était que le troisième film dans l’Histoire du cinéma – et jusqu’à présent le dernier – à remporter le grand chelem des cinq Oscars principaux : Meilleur Film, Meilleur réalisateur, Meilleure actrice Jodie Foster, Meilleur acteur Anthony Hopkins et Meilleur scénario adapté. Toujours aussi imprévisible, Jonathan Demme allait enchaîner sur un documentaire dédié à son cousin Bobby, un pasteur à Harlem, avant de revenir sur le devant de la scène avec son deuxième succès planétaire, le drame autour du sida Philadelphia, Oscars du Meilleur acteur pour Tom Hanks et de la Meilleure chanson pour Bruce Springsteen. Son dernier film du siècle n’allait point rencontrer le même succès, puisque l’adaptation de Toni Morrison Beloved avec Oprah Winfrey et Danny Glover était au contraire un échec cuisant, qui allait éloigner le réalisateur jusqu’à la fin de sa carrière de films de fiction prestigieux.

En effet, de ses cinq films de fiction tournés entre le début du 21ème siècle et la fin de sa vie, seuls Rachel se marie avec Anne Hathaway et à la limite Ricki and the Flash avec Meryl Streep étaient pour le moins solides, tandis que des remakes aussi superflus que La Vérité sur Charlie avec Thandie Newton et Mark Wahlberg et Un crime dans la tête avec Denzel Washington et Liev Schreiber n’ajoutaient rien de positif à la réputation de Jonathan Demme. Pendant ces quinze dernières années, le cœur de ce dernier battait indéniablement pour le documentaire, malheureusement confiné à des passages en festival et jamais distribué au cinéma en France. Il était alors un observateur attentif des luttes humanitaires par l’activiste haïtien Jean Dominique dans The Agronomist ou par un ancien président américain dans Jimmy Carter Man from Plains. Et il a célébré un retour presque triomphal vers la musique, en suivant des chanteurs aussi emblématiques que Neil Young, Kenny Chesney, Enzo Avitabile et pas plus tard que l’année dernière Justin Timberlake pour un ultime film-concert.

Bien que Jonathan Demme ait été principalement connu en tant que réalisateur, il a aussi joué de façon anecdotique devant la caméra, entre autres dans Série noire pour une nuit blanche de John Landis et That thing you do de Tom Hanks. Dans son activité de producteur, il a collaboré à partir du début des années ’90 à Le Flic de Miami de George Armitage, Le Diable en robe bleue de Carl Franklin, le documentaire nommé aux Oscars en 1997 Mandela de Jo Menell et Angus Gibson, Les Opportunistes de Myles Connell, Adaptation de Spike Jonze et Gimme the loot de Adam Leon.

Jonathan Demme a gagné l’Oscar du Meilleur réalisateur pour Le Silence des agneaux en 1992. Pour le même film, il a également reçu l’Ours d’argent de la Meilleure réalisation au Festival de Berlin, le Directors Guild Award, ainsi que les prix du Meilleur réalisateur du National Board of Review et des critiques de New York. Ces derniers l’avaient déjà récompensé de la même façon onze ans plus tôt pour Melvin and Howard. Enfin, en 2003, il a été nommé au prix de la Producers Guild pour Adaptation de Spike Jonze. Jonathan Demme est l’oncle du réalisateur Ted Demme (Blow), décédé d’une crise cardiaque en 2002.

https://youtu.be/9dMpX7WUIlU

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