Décès du réalisateur Joel Schumacher

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Génération perdue © 1987 Jane O’Neal / Warner Bros. France Tous droits réservés

Le réalisateur américain Joel Schumacher est décédé hier à New York d’un cancer. Il était âgé de 80 ans. Écrire que Schumacher avait eu une carrière en dents de scie, ce serait sans doute faire preuve de trop de bienveillance. Bon nombre de ses films peuvent en effet être considérés comme des échecs artistiques, sinon commerciaux. Ainsi, pour quiconque a assidûment fréquenté les salles obscures dans les années 1990 et 2000, le prochain navet signé Joel Schumacher n’était jamais très loin. Pourtant, il arrivait également au réalisateur de tourner, à intervalles très irréguliers, des films tout à fait remarquables. Parmi ceux qu’on a vus, Chute libre et Tigerland nous paraissent ainsi les sommets brillants d’un corpus de films en attente d’être redécouvert.

Woody et les robots © 1973 Rollins – Joffe Productions / United Artists Tous droits réservés

Cela ne saute a priori pas aux yeux au fil des réalisations hétéroclites de Joel Schumacher, mais ce dernier avait commencé son travail pour le cinéma en tant que costumier. Dans les années ’70, il avait œuvré de la sorte sur une demi-douzaine de films, réalisés par de futurs confrères aussi prestigieux que Frank Perry (Play it as it lays), Paul Mazursky (Les Choses de l’amour), Herbert Ross (Les Invitations dangereuses), Woody Allen (Woody et les robots et Intérieurs) et Melvin Frank (Le Prisonnier de la Seconde Avenue). A la même époque, il avait également réalisé ses deux premiers téléfilms.

Chute libre © 1993 Christine Loss / Regency Enterprises / Alcor Films / Canal + / Warner Bros. France Tous droits réservés

C’est au début des années ’80 que Joel Schumacher met en scène son premier film de cinéma, la comédie fantastique La Femme qui rétrécit avec Lily Tomlin, toujours disponible en ce moment et pour la semaine à venir sur le replay d’OCS. Après une autre comédie, D.C. Cab avec Mr. T, il réussit son premier succès public en 1985 grâce à St Elmo’s Fire avec tous les jeunes acteurs en vogue à l’époque, dont Emilio Estevez, Rob Lowe et Demi Moore. Jusqu’à la fin de la décennie, il avait donné un coup de pouce supplémentaire à des comédiens débutants tels que Jason Patric, Corey Haim, Kiefer Sutherland et Corey Feldman dans Génération perdue. Et il avait apporté sa modeste pierre au genre des comédies de mariage à travers Cousins, le remake américain du classique français Cousin cousine de Jean-Charles Tachella, avec Ted Danson et Isabella Rossellini.

Le Client © 1994 Demmie Todd / Regency Enterprises / Alcor Films / Warner Bros. France Tous droits réservés

Les années ’90 allaient être la décennie faste de la filmographie de Joel Schumacher. Elles ont commencé avec deux films ayant tant bien que mal cimenté la réputation de Julia Roberts en tant que nouvelle reine d’Hollywood, après son rôle mythique dans Pretty Woman de Garry Marshall : L’Expérience interdite et Le Choix d’aimer. Puis, le conte urbain au propos assez réactionnaire Chute libre avec Michael Douglas et Robert Duvall, présenté en compétition au Festival de Cannes en 1993, lui avait valu son premier succès critique. Avant que Schumacher n’enchaîne, presque coup sur coup, deux films bien dans l’air du temps des adaptations des romans judiciaires à succès de John Grisham : Le Client avec Susan Sarandon et Tommy Lee Jones et Le Droit de tuer ? avec Matthew McConaughey dans son premier rôle majeur et Sandra Bullock.

Batman Forever © 1995 Ralph Nelson / Warner Bros. France Tous droits réservés

Tandis que la plupart des films cités jusqu’à présent avaient su attirer un public plutôt nombreux, le diptyque autour de Batman que Joel Schumacher avait réalisé respectivement en 1995 et 1997 allait coïncider à la fois avec le sommet publique et le déclin artistique de sa filmographie. Pris en sandwich entre le style inimitable de Tim Burton et la mise à jour pour le nouveau siècle effectuée par Christopher Nolan à partir de 2005, Batman Forever avec Val Kilmer et Batman & Robin avec George Clooney perdent forcément au change, si on les compare aux épopées fulgurantes qui les entourent. D’un point de vue commercial, ils avaient toutefois su tirer leur épingle du jeu, grâce aux 184 millions de dollars en fin de carrière sur le marché américain pour le premier et aux déjà plus modestes 107 millions de dollars pour le deuxième.

Le Droit de tuer ? © 1996 Christine Loss / Regency Enterprises / Warner Bros. France Tous droits réservés

Par la suite, Joel Schumacher s’était contenté de budgets sensiblement plus modestes, avec le controversé 8 mm avec Nicolas Cage et la comédie maladroite contre l’homophobie Personne n’est parfait(e) avec Robert De Niro et Philip Seymour Hoffman. Son premier film des années 2000 était également son dernier coup de génie, à notre humble avis, puisque Colin Farrell livre l’une de ses interprétations les plus abouties dans le film de guerre ou plus précisément de camp d’entraînement avant le départ sur le front Tigerland.

Batman & Robin © 1997 Christine Loss / Warner Bros. France Tous droits réservés

Les derniers films du réalisateur avaient certes su attirer du beau monde devant la caméra. Car qui ne rêverait pas de faire tourner un jour Anthony Hopkins et Chris Rock (Bad Company), Colin Farrell encore (Phone Game), Cate Blanchett (Veronica Guerin), Jim Carrey (Le Nombre 23), Henry Cavill et Michael Fassbender (Blood Creek) ou bien Nicolas Cage et Nicole Kidman (Effraction), voire d’assurer l’adaptation au cinéma d’une comédie musicale au succès planétaire (Le Fantôme de l’opéra) ? Or, aucun de ces films n’avait su renouer de quelque manière que ce soit avec les succès publics et artistiques que Joel Schumacher avait quand même accompli auparavant par-ci, par-là.

Phone Game © 2002 Christine Loss / Fox 2000 Pictures / 20th Century Fox France Tous droits réservés

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