L’acteur, réalisateur et exploitant français Jean-Pierre Mocky est décédé le 8 août à Paris. Il était âgé de 86 ans. A la fois l’enfant terrible inimitable du cinéma français et un paria assumé qui n’hésitait pas à s’attaquer à des sujets brûlants, quitte à ce que ce soit par le biais de productions marginales au budget très restreint, Jean-Pierre Mocky avait réalisé une soixantaine de films depuis la fin des années 1950. Une véritable personnalité médiatique, connue autant pour ses coups de gueule que pour son tempérament imprévisible, il avait commencé sa carrière improbable à la même époque en tant qu’acteur, jeune premier chez Cocteau, Antonioni et Georges Franju, et l’avait terminé, plus ou moins, une fois qu’il s’était séparé de ses salles de cinéma parisiennes, dans lesquelles il s’employait entre autres à garder visibles ses propres films.
Sans trop vouloir entrer dans la légende Mocky, selon laquelle ce dernier aurait fait ses premiers pas en tant que figurant devant la caméra de Marcel Carné dans Les Visiteurs du soir en 1942 et Les Enfants du paradis en 1945, son parcours professionnel a réellement commencé après-guerre en tant qu’acteur dans des rôles mineurs chez Jean Cocteau (Orphée), Jean Delannoy (Dieu a besoin des hommes), Michelangelo Antonioni (Les Vaincus), Francesco Maselli (Les Égarés), Gilles Grangier (Le Rouge est mis) et Bernard Borderie (Le Gorille vous salue bien). C’est en 1959 qu’il décrochera le rôle majeur de sa carrière d’acteur, grâce à La Tête contre les murs de Georges Franju. Or, plutôt que de bâtir sur ce succès d’estime devant la caméra, il passera la même année derrière elle, en devenant réalisateur. Dès lors, il jouera certes dans bon nombre de ses propres films, mais ne prêtera que rarement ses services à des confrères tels que Jean-Luc Godard pour Prénom Carmen, Lion d’or au Festival de Venise en 1983, et Grandeur et décadence d’un petit commerce de cinéma, Mathieu Demy pour Americano et Michel Hazanavicius pour Le Redoutable.
C’est donc en 1959 que commence le long périple de réalisateur de Jean-Pierre Mocky avec Les Dragueurs. Le succès commercial de ce premier film lui a permis d’enchaîner rapidement sur d’autres comme Snobs avec Francis Blanche, Les Vierges avec Charles Aznavour et Gérard Blain, Un drôle de paroissien, La Grande frousse, La Grande lessive et L’Étalon avec Bourvil, La Bourse et la vie avec Fernandel et Les Compagnons de la marguerite avec Claude Rich et Michel Serrault. Au bout d’une dizaine d’années d’activité de réalisateur-producteur-scénariste, Mocky adopte un ton plus sombre et encore plus irrévérencieux pour des films comme Solo, L’Albatros, Chut ! avec Michael Lonsdale, L’Ombre d’une chance, Un linceul n’a pas de poches, L’Ibis rouge avec Michel Simon, Le Témoin avec Philippe Noiret et Alberto Sordi, Le Piège à cons, Litan avec Marie-José Nat, Y a-t-il un Français dans la salle ? avec Jacques Dutronc, A mort l’arbitre avec Michel Serrault, Le Pactole avec Richard Bohringer, La Machine à découdre et Le Miraculé avec Jean Poiret et Jeanne Moreau.
Par la suite, au plus tard à partir des années ’90, après Agent trouble avec Catherine Deneuve, Les Saisons du plaisir, Une nuit à l’Assemblée nationale avec Michel Blanc, Divine enfant et Il gèle en enfer, les films de Jean-Pierre Mocky devenaient de plus en plus obscurs, profitant au fil des années d’une diffusion progressivement plus confidentielle. C’est sans doute aussi pour cette raison d’une précarité économique sur la durée qu’il avait acheté en 1994 le cinéma Le Brady, boulevard de Strasbourg à Paris, dans lequel il passait pendant seize ans ses propres films. Une pratique reprise ensuite pendant quelques années encore au Desperado, rue des Écoles, anciennement l’Action Écoles, qui s’appelle depuis sa réouverture en ce début d’été l’Écoles Cinéma Club. Le plus souvent l’acteur principal de ses derniers films produits avec des moyens très modestes, il a néanmoins su compter sur la complicité de quelques acteurs de renom, tels que Michel Serrault (Ville à vendre, Bonsoir, Grabuge et Le Bénévole), Jane Birkin (Noir comme le souvenir), Guillaume Depardieu (Alliance cherche doigt), Jackie Berroyer (La Bête de miséricorde), Jacques Villeret (Le Furet), Jean-Claude Dreyfus (Le Deal), Thierry Frémont (13 French Street), Arielle Dombasle (Crédit pour tous et A votre bon cœur mesdames), Michael Lonsdale (Le Renard jaune), Frédéric Diefenthal (Dors mon lapin), Guy Marchand (Calomnies) et Fred Testot (Monsieur Cauchemar). La Cinémathèque Française lui avait dédié une rétrospective en juillet 2014.