Le directeur de casting américain Lynn Stalmaster est décédé le 12 février à Los Angeles. Il était âgé de 93 ans. Une véritable institution au sein de sa profession, Stalmaster avait œuvré pendant la deuxième moitié du XXème siècle pour une meilleure reconnaissance de son métier. Directeur de casting sur des centaines de films, il avait collaboré régulièrement avec des réalisateurs aussi célèbres que Robert Wise, Billy Wilder, John Sturges, Norman Jewison, Sydney Pollack, Robert Aldrich, Mark Rydell, Hal Ashby, Michael Winner, John Frankenheimer, Ted Kotcheff, Arthur Hiller et Brian De Palma.
Si Lynn Stalmaster comprenait si intimement les craintes et les attentes des milliers d’acteurs qu’il a vu défiler devant lui au cours de sa longue et illustre carrière, c’est peut-être parce qu’il avait commencé comme eux. Au début des années 1950, il avait en effet tenu des seconds rôles dans J’ai vécu l’enfer de Corée de Samuel Fuller et Les Diables de Guadalcanal de Nicholas Ray, ainsi qu’à la télévision. C’est également pour l’industrie naissante du petit écran qu’il organise ses premiers castings, suivis à partir du milieu des années ’50 par ses premiers films comme directeur de casting de productions indépendantes. Sa rencontre en 1958 avec le réalisateur Robert Wise pour Je veux vivre lui permet de se faire progressivement un nom dans le milieu du cinéma.
Alors qu’il continue de travailler abondamment pour la télévision, Lynn Stalmaster assure de même la distribution des rôles pour des films tels que La Gloire et la peur de Lewis Milestone, Procès de singe de Stanley Kramer, West Side Story de Robert Wise et Jerome Robbins – Oscar du Meilleur Film en 1962 –, La Rumeur de William Wyler, Deux sur la balançoire de Robert Wise, Un enfant attend de John Cassavetes, Irma la Douce, Embrasse-moi idiot et La Grande combine de Billy Wilder, Que le meilleur l’emporte de Franklin J. Schaffner, Une femme dans une cage et A corps perdu de Walter Grauman, La Plus grande histoire jamais contée de George Stevens, Station 3 Ultra secret, Sur la piste de la grande caravane et 7 secondes en enfer de John Sturges, Le Cher disparu de Tony Richardson, L’Ombre d’un géant et Les Tiens les miens le nôtre de Melville Shavelson, Les Russes arrivent les Russes arrivent et Dans la chaleur de la nuit – Oscar du Meilleur Film en 1968 – de Norman Jewison, Le Retour des sept de Burt Kennedy, Un si gentil petit gang de Delbert Mann, Le Lauréat de Mike Nichols et Les Chasseurs de scalps de Sydney Pollack.
C’est en 1968 que Lynn Stalmaster avait connu un signe majeur de reconnaissance pour lui en particulier et les directeurs de casting en général. Dans L’Affaire Thomas Crown de Norman Jewison, son nom apparaissait pour la première fois seul à l’écran au cours du générique, alors qu’auparavant, son travail n’était parfois même pas mentionné. Dès lors, il disposait du prestige suffisant pour travailler presque exclusivement pour des réalisateurs de cinéma. Rien que jusqu’à la fin des années ’60, il avait préparé en amont les tournages de Robert Aldrich (Faut-il tuer Sister George ? et Trop tard pour les héros), Robert Mulligan (L’Homme sauvage), Stuart Rosenberg (Folies d’avril), John Guillermin (Le Pont de Remagen), Sydney Pollack (Un château en enfer et On achève bien les chevaux), Norman Jewison (Gaily Gaily), Mark Rydell (Reivers), Hal Ashby (Le Propriétaire), Tom Gries (Le Maître des îles) et Gordon Douglas (Appelez-moi Monsieur Tibbs).
Les années ’70 étaient en quelque sorte la dernière période faste des films au casting par Lynn Stalmaster, avant que ce dernier ne revienne progressivement à la télévision. Parmi les acteurs qui lui doivent beaucoup pendant cette décennie, on peut citer ceux de L’Homme de la loi, Le Flingueur et Scorpio de Michael Winner, Pas d’orchidées pour Miss Blandish de Robert Aldrich, Le Mans de Lee H. Katzin, Un violon sur le toit et Rollerball de Norman Jewison, Harold et Maude, La Dernière corvée, En route pour la gloire, Retour et Bienvenue Mister Chance de Hal Ashby, Les Cow-boys, Permission d’aimer et Deux farfelus à New York de Mark Rydell, Les Indésirables de Stuart Rosenberg, Jeremiah Johnson de Sydney Pollack, Junior Bonner et Le Convoi de Sam Peckinpah, La Colère de dieu de Ralph Nelson, Délivrance de John Boorman, Les Flics ne dorment pas la nuit, Mandingo et Ashanti de Richard Fleischer, Juge et hors-la-loi de John Huston, Jonathan Livingston goéland de Hall Bartlett, The Iceman Cometh, Black Sunday et Prophecy Le Monstre de John Frankenheimer, Woody et les robots de Woody Allen, Un colt pour une corde, L’Apprentissage de Duddy Kravitz – Ours d’or au Festival de Berlin en 1974 – et Touche pas à mon gazon de Ted Kotcheff, Conrack de Martin Ritt, The Wild Party de James Ivory, Le Bus en folie de James Frawley, Transamerica Express et Morsures de Arthur Hiller, Nickelodeon de Peter Bogdanovich, Audrey Rose de Robert Wise, De l’autre côté de minuit de Charles Jarrott, New York New York de Martin Scorsese, Betsy de Daniel Petrie, Furie de Brian De Palma, Le Merdier de Ted Post, Matilda de Daniel Mann, Drôle d’embrouille de Colin Higgins, Superman de Richard Donner, Tueurs de flics de Harold Becker et Elle de Blake Edwards.
Plus présent du côté de la télévision au fil des années ’80, Lynn Stalmaster avait néanmoins retrouvé pendant cette période ses réalisateurs attitrés Harold Becker (Flics-frac), Hal Ashby (Cœurs d’occasion), Brian De Palma (Blow out et Outrages), Sydney Pollack (Absence de malice et Tootsie), Arthur Hiller (Making Love, The Lonely Guy, Une chance pas croyable et Pas nous pas nous), Ted Kotcheff (Split Image, Rambo, Retour vers l’enfer, Scoop, Winter People et Week-end chez Bernie), Mark Rydell (La Rivière), John Frankenheimer (Dead Bang) et Franklin J. Schaffner (Welcome Home). Ainsi que quelques nouveaux venus comme Richard Lester (Superman II), Sidney Poitier (Faut s’faire la malle et Hanky Panky La Folie aux trousses), Frank Perry (Maman très chère), Garry Marshall (Docteurs in love), Douglas Trumbull (Brainstorm), Philip Kaufman (L’Étoffe des héros), Howard Zieff (Faut pas en faire un drame), Paul Newman (L’Affrontement), Jeannot Szwarc (Supergirl et Santa Claus), Alan Rudolph (Songwriter), Richard Marquand (A double tranchant), Roger Donaldson (Marie), Adrian Lyne (9 semaines ½), Mike Newell (La Force du silence), Tom Mankiewicz (Dragnet), Michael Anderson (La Boutique de l’orfèvre) et Michael Crichton (Preuve à l’appui).
A partir des années ’90 et l’âge de la retraite pour Lynn Stalmaster, les films au casting supervisé par ses soins devenaient sensiblement plus rares. Il y en a eu quand même, comme par exemple Filofax et Une folle équipée de Arthur Hiller, Havana de Sydney Pollack, Le Bûcher des vanités de Brian De Palma, Le Docteur de Randa Haines, Frankie & Johnny de Garry Marshall, For the Boys Hier aujourd’hui et pour toujours et Intersection de Mark Rydell, Folks de Ted Kotcheff, Télémaniacs de Peter Hyams, L’Avocat du diable de Sidney Lumet, Blue Sky de Tony Richardson et Battlefield Earth Terre champ de bataille de Roger Christian.
Lynn Stalmaster a reçu en novembre 2016 des mains de l’acteur Jeff Bridges un Oscar d’honneur pour l’ensemble de sa carrière. Il était le premier directeur de casting et à ce jour le seul à recevoir la plus haute distinction du cinéma hollywoodien. Parmi les professionnels du cinéma qui lui rendaient hommage ce soir-là figurait son confrère David Rubin, l’actuel président de l’Académie du cinéma américain.