L’actrice française Micheline Presle est décédée hier à Nogent-sur-Marne, proche de Paris. Elle était âgée de 101 ans. L’une des plus grandes vedettes du cinéma français dans les années 1940, au même titre que ses contemporaines Danielle Darrieux et Michèle Morgan, Micheline Presle avait davantage mené une carrière en dents de scie après une parenthèse hollywoodienne sans éclat au début des années ’50.
Après avoir joué au sommet de sa gloire dans des classiques comme Falbalas de Jacques Becker, Boule de suif de Christian-Jaque et Le Diable au corps de Claude Autant-Lara, elle avait néanmoins collaboré pendant les soixante années suivantes de son illustre carrière avec bon nombre de réalisateurs prestigieux. Tels que Jean Grémillon, Joseph Losey, Philippe De Broca, Elio Petri, Jacques Rivette, Jacques Demy, Paul Vecchiali, Samuel Fuller, Claude Chabrol, Alain Resnais, Tonie Marshall, Claude Lelouch, Jean-Pierre Mocky et Sébastien Lifshitz.
Après avoir fait ses premiers pas timides devant la caméra à partir de 1938, Micheline Presle avait tenu son premier rôle l’année suivante dans Jeunes filles en détresse de Georg Wilhelm Pabst. C’est d’ailleurs ce film-là qui lui avait donné son nom de scène, grâce à celui de son personnage Jacqueline Presle. Son premier succès populaire n’allait pas tarder, puisqu’elle avait su réconforter les spectateurs de la France récemment occupée avec son film suivant Paradis perdu de Abel Gance.
Pendant la guerre, elle a continué à jouer continuellement dans des films tels que Elles étaient douze femmes de Georges Lacombe et Fausse alerte de Jacques De Baroncelli, ainsi que trois films avec chacun de ses deux réalisateurs attitrés de l’époque Marc Allégret (Parade en sept nuits, La Belle aventure et Félicie Nanteuil) et Marcel L’Herbier (La Comédie du bonheur, Histoire de rire et La Nuit fantastique). Au cours de cette activité sous l’occupation, l’actrice avait sinon cherché à garder profil bas, refusant par exemple de se rendre à Berlin ou de participer à des productions de la Continental, le studio financé par les Allemands.
Au moment de la libération, Micheline Presle avait enchaîne trois de ses plus gros succès : Falbalas de Jacques Becker, Boule de suif de Christian-Jaque et Le Diable au corps de Claude Autant-Lara. Dans ce dernier, elle avait insisté afin de partager l’affiche avec Gérard Philipe, alors au début de sa brève carrière et son cadet de seulement trois mois.
Or, après quelques autres films plus ou moins marquants – Les Jeux sont faits de Jean Delannoy, Tous les chemins mènent à Rome de Jean Boyer et Les Derniers jours de Pompéi de Marcel L’Herbier et Paolo Moffa –, elle avait suivi son deuxième mari le réalisateur américain William Marshall à Hollywood, où elle avait signé un contrat avec la 20th Century Fox. Malgré les deux réalisateurs de renom croisés pendant cette parenthèse, à savoir Jean Negulesco pour La Belle de Paris et Fritz Lang pour Guérillas, ce fut une expérience décevante pour l’actrice.
A son retour en France au milieu des années 1950, elle avait certes collaboré entre autres avec Sacha Guitry (Si Versailles m’était conté et Napoléon), Jean Grémillon (L’Amour d’une femme), André Hunebelle (Treize à table et Les Femmes sont marrantes), Pierre Gaspard-Huit (La Mariée est trop belle et Christine), Riccardo Freda (Le Château des amants maudits), Édouard Molinaro (Une fille pour l’été et La Chasse à l’homme), Jean Delannoy (Le Baron de l’écluse et Vénus impériale), William Dieterle (Les Mystères d’Angkor), Joseph Losey (L’Enquête de l’inspecteur Morgan), Philippe De Broca (L’Amant de cinq jours), Elio Petri (L’Assassin) et Mark Robson (Pas de lauriers pour les tueurs), lors d’une nouvelle parenthèse ponctuelle du côté du cinéma anglophone.
Mais au fond, Micheline Presle a dû attendre le phénomène de société sous forme de série télé « Les Saintes chéries » pour relancer sa carrière à partir du milieu des années ’60.
Dès lors, on a pu la voir dans La Religieuse de Jacques Rivette, Le Roi de cœur de Philippe De Broca – encore lui –, Peau d’âne et L’Événement le plus important depuis que l’homme a marché sur la lune de Jacques Demy, Les Pétroleuses de Christian-Jaque, Le Diable dans la tête de Sergio Sollima, Mords pas on t’aime de Yves Allégret, En haut des marches de Paul Vecchiali, Les Voleurs de la nuit de Sam Fuller, Le Sang des autres de Claude Chabrol, Beau temps mais orageux en fin de journée de Gérard Frot-Coutaz, I Want to Go Home de Alain Resnais, Fanfan de Alexandre Jardin, Casque bleu et Fallait pas ! de Gérard Jugnot, Pas très catholique, Enfants de salaud et Vénus Beauté [institut] de Tonie Marshall, Les Misérables de Claude Lelouch, Le Journal d’un séducteur de Danièle Dubroux, Les Mille et une recettes du cuisinier amoureux de Nana Djordjaze, Grève party de Fabien Onteniente et Mauvaises fréquentations de Jean-Pierre Améris.
Alors que d’autres actrices de sa génération avaient quitté les plateaux de cinéma et de télévision depuis longtemps au tournant du siècle, Micheline Presle continuait à jouer plutôt régulièrement jusqu’en 2013. Depuis Charmant garçon de Patrick Chesnais jusqu’à Rue Mandar de Idit Cébula donc, en passant par Mauvais genres de Francis Girod, Les Âmes câlines de Thomas Bardinet, Vertiges de l’amour de Laurent Chouchan, Chouchou de Merzak Allouache, Saltimbank de Jean-Claude Biette, France boutique de Tonie Marshall, Grabuge ! de Jean-Pierre Mocky, Un homme et son chien de Francis Huster, Plein sud de Sébastien Lifshitz, HH Hitler à Hollywood de Frédéric Sojcher et Comme des frères de Hugo Gélin.
Micheline Presle a été nommée au César de la Meilleure actrice dans un second rôle en 1990 pour I Want to Go Home. En 2004, elle avait reçu un César honorifique. Elle est la mère de la réalisatrice française Tonie Marshall (Vénus Beauté [institut]), décédée en mars 2020.