James Bond, le seul, le véritable, n’est plus. L’acteur écossais Sean Connery est décédé ce jour à Nassau, aux Bahamas. Il était âgé de 90 ans. Le premier agent de sa majesté sur grand écran dans sept aventures spectaculaires de James Bond 007 contre Dr. No en 1962 jusqu’à Jamais plus jamais en 1983, Connery avait su alimenter en parallèle sa carrière d’acteur de rôles mémorables sans licence de tuer. Ainsi, on a pu le voir tout au long d’une filmographie prolifique chez des réalisateurs aux styles aussi variés que Alfred Hitchcock, Sidney Lumet, John Boorman, John Huston, Terry Gilliam, Jean-Jacques Annaud, Brian De Palma, Steven Spielberg, John McTiernan, Michael Bay et Gus Van Sant.
Le jeune Sean Connery a dû s’armer de patience avant de décrocher le rôle mythique qui allait le faire entrer dans les annales du cinéma. Dès le milieu des années 1950, il était apparu dans de nombreuses séries à la télévision, ainsi que dans des films qui ne laissaient pas forcément présager sa renommée internationale à venir. Avant d’attirer l’attention du producteur Albert R. Broccoli, il avait ainsi tenu de seconds rôles sans grande importance entre autres dans Train d’enfer de Cy Endfield, Au bord du volcan de Terence Young, Je pleure mon amour de Lewis Allen, Darby O’Gill et les farfadets de Robert Stevenson, La Plus grande aventure de Tarzan de John Guillermin, Deux des commandos de Cyril Frankel et Le Jour le plus long de Ken Annakin, Andrew Marton et Bernhard Wicki.
Puis vint l’heure insoupçonnée de la gloire par le biais de la première adaptation au cinéma du célèbre espion créé par Ian Fleming dans James Bond 007 contre Dr. No de Terence Young. Jusque là quasiment inconnu du grand public, Sean Connery devint alors une vedette mondiale du jour au lendemain. Une popularité qu’il a su maintenir sans partage pendant les quatre films suivants de l’univers : Bons baisers de Russie de Terence Young, Goldfinger de Guy Hamilton, Opération Tonnerre de Terence Young et On ne vit que deux fois de Lewis Gilbert. Passablement lassé des contraintes qui allaient de pair avec un personnage si reconnaissable, il avait ensuite cédé sa place à George Lazenby dans Au service secret de sa majesté de Peter Hunt, avant de rempiler – en échange d’un cachet très élevé – en 1971 pour Les Diamants sont éternels de Guy Hamilton. L’ultime reprise, pour la septième et dernière fois, de son rôle emblématique était de même une question d’argent, puisqu’il n’a pas pu résister au Bond officieux Jamais plus jamais de Irvin Kershner.
Or, contrairement aux acteurs qui lui ont succédé dans la peau du plus prestigieux et durable agent secret de l’Histoire du cinéma, Sean Connery s’était employé très tôt à diversifier son répertoire. Dès 1964, il était ainsi le partenaire de Tippi Hedren dans le thriller à l’érotisme glacial Pas de printemps pour Marnie de Alfred Hitchcock. Puis, il avait brillamment interprété un soldat pas du tout héroïque dans le suffocant La Colline des hommes perdus de Sidney Lumet. Il allait refaire équipe avec le réalisateur à quatre reprises, dans Le Gang Anderson, The Offence, Le Crime de l’Orient-Express et ultérieurement pour Family Business. D’autres collaborations à cette époque-là étaient un peu moins heureuses, comme celles avec Irvin Kershner (L’Homme à la tête fêlée), Edward Dmytryk (Shalako), Mikhail Kalatozov (La Tente rouge), Martin Ritt (Traître sur commande) et John Boorman (Zardoz).
Au cours de la parenthèse entre son dernier Bond officiel et son dernier Bond tout court, Connery apparaissait essentiellement dans deux types de films. D’un côté ceux qui confirmaient son rang d’acteur d’exception, à l’aise autant dans des aventures vigoureuses comme Le Lion et le vent de John Milius, L’Homme qui voulut être roi de John Huston, La Grande attaque du train d’or de Michael Crichton, Outland Loin de la terre de Peter Hyams et Bandits bandits de Terry Gilliam, que dans des drames romantiques comme La Rose et la flèche de Richard Lester et Cinq jours ce printemps-là de Fred Zinnemann. Et de l’autre, ceux qui tentaient de tirer un peu trop opportunément profit de sa notoriété, tels que Un pont trop loin de Richard Attenborough, Meteor de Ronald Neame et Meurtres en direct de Richard Brooks.
On aurait pu croire que la bonne étoile de Sean Connery allait décliner progressivement à partir du milieu des années ’80. Contre toute attente, c’est plutôt le contraire qui s’est produit, avec près de vingt ans de personnages qu’on classe à reculons en tant que rôles de vieillesse. Disons qu’il était un formidable mentor ou adversaire auprès de Christopher Lambert dans Highlander de Russell Mulcahy, de Christian Slater dans Le Nom de la rose de Jean-Jacques Annaud, de Kevin Costner dans Les Incorruptibles de Brian De Palma et Robin des bois Prince des voleurs de Kevin Reynolds, de Mark Harmon dans Presidio Base militaire San Francisco de Peter Hyams, de Harrison Ford dans Indiana Jones et la dernière croisade de Steven Spielberg, de Alec Baldwin dans A la poursuite d’Octobre rouge de John McTiernan, de Wesley Snipes dans Soleil levant de Philip Kaufman, de Laurence Fishburne dans Juste cause de Arne Glimcher, de Richard Gere dans Lancelot de Jerry Zucker, de Dennis Quaid dans Cœur de dragon de Rob Cohen, de Nicolas Cage dans Rock de Michael Bay et de Rob Brown dans A la rencontre de Forrester de Gus Van Sant.
Voire un mélange plus ou moins crédible entre figure paternelle et amant d’un certain âge auprès de Michelle Pfeiffer dans La Maison Russie de Fred Schepisi, Lorraine Bracco dans Medecine Man Le Sorcier de l’océan vert de John McTiernan et Catherine Zeta-Jones dans Haute voltige de Jon Amiel. Cette dernière partie faste de sa carrière avait toutefois aussi connu au moins deux échecs cuisants : Chapeau melon et bottes de cuire de Jeremiah Chechik et La Ligue des gentlemen extraordinaires de Stephen Norrington. Après la sortie de ce dernier en 2003, Sean Connery avait pris sa retraite.
Sean Connery a gagné l’Oscar du Meilleur acteur dans un second rôle en 1988 pour Les Incorruptibles. Le même film lui avait également valu le prix du National Board of Review et le Golden Globe. La presse étrangère d’Hollywood l’avait également nommé dans la catégorie du Meilleur acteur dans un second rôle deux ans plus tard pour Indiana Jones et la dernière croisade. Elle lui avait attribué son prix honorifique Cecil B. DeMille en 1996. Chez ses compatriotes des BAFTAs, Connery a été nommé à quatre reprises, comme Meilleur acteur pour Le Nom de la rose et A la poursuite d’Octobre rouge et comme Meilleur acteur dans un second rôle pour Les Incorruptibles et Indiana Jones et la dernière croisade. Il avait gagné le BAFTA du Meilleur acteur en 1988 pour Le Nom de la rose et le prix honorifique de l’Académie du cinéma britannique en 1998. Outre-Atlantique, le American Film Institute l’avait honoré avec son Life Achievement Award en 2006.
Il a été marié en premières noces avec l’actrice australienne Diane Cilento (Tom Jones Entre l’alcôve et la potence). Ensemble, ils ont eu un fils, l’acteur Jason Connery (Shanghaï Kid).