L’acteur suédois Max von Sydow est décédé avant-hier à Paris. Il était âgé de 90 ans. Alors que l’annonce de sa disparition a couru le risque de passer inaperçue dans la frénésie médiatique autour de l’actualité épidémique, c’est tout de même l’un des plus importants acteurs européens de ces soixante dernières années qui vient de nous quitter. Un géant dans l’univers de son réalisateur attitré Ingmar Bergman, pour lequel il avait tenu des rôles souvent mémorables, voire légendaires dans une dizaine de films, il avait également su s’imposer sur la scène internationale, grâce à ses collaborations avec des cinéastes américains célèbres comme George Stevens, William Friedkin, Sydney Pollack, Woody Allen, Steven Spielberg et Martin Scorsese.
Après des apparitions plutôt anecdotiques au début des années 1950 dans des films comme Mademoiselle Julie de Alf Sjöberg – Grand Prix au Festival de Cannes en 1951 – , Max von Sydow s’était une première fois illustré devant la caméra de Ingmar Bergman dans Le Septième sceau en 1957. Son interprétation magistrale du chevalier, convoité par la mort en personne avec laquelle il se livre une partie d’échecs entrée dans l’Histoire du cinéma, n’était que la première d’une longue série, s’étendant sur une quinzaine d’années jusqu’à Le Lien en 1971. Entre-temps, von Sydow avait collaboré avec Bergman sur des films aussi majeurs que Les Fraises sauvages, Au seuil de la vie, Le Visage, La Source – Oscar du Meilleur Film étranger en 1961 – , A travers le miroir – Oscar du Meilleur Film étranger en 1962 – , Les Communiants, L’Heure du loup, La Honte et Une passion. Au cours de cette période d’une symbiose artistique parfaite, il était rare que l’acteur fasse équipe avec d’autres réalisateurs suédois, comme par exemple avec Vilgot Sjöman pour La Maîtresse et Jan Troell pour Les Feux de la vie et Les Émigrants, suivi par Le Nouveau monde.
En 1965, Max von Sydow avait répondu à l’appel d’Hollywood, en acceptant le rôle par nature controversé de Jésus dans la super-production La Plus grande histoire jamais contée de George Stevens. Il a renouvelé sans tarder l’expérience sur le continent américain à travers La Récompense de Serge Bourguignon, l’épique Hawaï de George Roy Hill, le plus intimiste et britannique Le Secret du rapport Quiller de Michael Anderson, La Lettre du Kremlin de John Huston et Baraka à Beyrouth de Gordon Hessler. Son profil international avait obtenu un coup de pouce considérable en 1973, grâce au succès planétaire de L’Exorciste de William Friedkin. Von Sydow restait cependant éclectique dans ses choix par la suite, en collaborant entre autres jusqu’au milieu des années ’80 avec des réalisateurs tels que Sydney Pollack (Les Trois jours du condor), Robert Clouse (New York ne répond plus), Alberto Lattuada (Cuore di cane), Francesco Rosi (Cadavres exquis), Valerio Zurlini (Le Désert des Tartares), Stuart Rosenberg (Le Voyage des damnés), John Boorman (L’Exorciste II L’Hérétique), Dick Richards (Il était une fois la légion), Mauro Bolognini (Black journal, ressorti au cinéma en France en novembre dernier), John Hough (La Cible étoilée), Bertrand Tavernier (La Mort en direct), Mike Hodges (Flash Gordon), John Huston (A nous la victoire), John Milius (Conan le barbare), Irvin Kershner (le James Bond officieux Jamais plus jamais dans le rôle emblématique du méchant Blofeld), David Lynch (Dune), Woody Allen (Hannah et ses sœurs) et Andreï Kontchalovski (Duo pour une soliste).
C’est avec la Palme d’or du Festival de Cannes en 1988, Pelle le conquérant de Bille August, également lauréat de l’Oscar du Meilleur Film étranger l’année suivante, que Max von Sydow allait entamer brillamment la dernière partie de son illustre carrière. Au cours du quart de siècle jusqu’à sa retraite il y a deux ans avec Kursk de Thomas Vinterberg, on a ainsi pu voir sa silhouette marquante et entendre sa voix inimitable dans des films mémorables tels que L’Éveil de Penny Marshall, Un baiser avant de mourir de James Dearden, Europa de Lars von Trier, Jusqu’au bout du monde de Wim Wenders, Les Meilleures intentions de Bille August – Palme d’or au Festival de Cannes en 1992 – , Le Bazar de l’épouvante de Fraser C. Heston, Judge Dredd de Danny Cannon, Au-delà de nos rêves de Vincent Ward, La Neige tombait sur les cèdres de Scott Hicks, Le Sang des innocents de Dario Argento, Minority Report de Steven Spielberg, Le Scaphandre et le papillon de Julian Schnabel, Rush Hour 3 de Brett Ratner, Un homme et son chien de Francis Huster, Oscar et la dame rose de Eric-Emmanuel Schmitt, Shutter Island de Martin Scorsese, Robin des bois de Ridley Scott, Extrêmement fort et incroyablement près de Stephen Daldry, Star Wars Episode VII Le Réveil de la force de J.J. Abrams et Les Premiers les derniers de Bouli Lanners, ainsi que dans trois épisodes de la série à succès « Game of Thrones ».
Max von Sydow a été nommé à deux reprises à l’Oscar, en tant que Meilleur acteur en 1989 pour Pelle le conquérant et en 2012 dans la catégorie du Meilleur acteur dans un second rôle pour Extrêmement fort et incroyablement près. Il a de même été nommé deux fois aux Golden Globes, quoique pas du tout pour les mêmes films, puisque ses citations remontent à 1967 en tant que Meilleur acteur dans un drame pour Hawaï et à 1974 comme Meilleur acteur dans un second rôle pour L’Exorciste. Ses nominations étaient également au nombre de deux aux Emmys pour son travail à la télévision, respectivement pour « Red Knight White Knight » de Geoff Murphy en 1990 et pour « Game of Thrones » en 2016. Il avait gagné le prix du Meilleur acteur pour Pelle le conquérant lors de la première cérémonie des European Film Awards en 1988. Enfin, les critiques de Los Angeles lui avaient attribué leur prix honorifique en 2017.