Le cinéma mondial a perdu son doyen avec la disparition de l’acteur et producteur américain Kirk Douglas la semaine dernière, le jeudi 5 février, à Los Angeles. Il avait atteint l’âge biblique de 103 ans. Douglas était l’une des plus grandes vedettes hollywoodiennes des années 1950 et ’60, une valeur sure et incontournable dans des genres aussi populaires alors que les films d’aventure, les westerns, les péplums, les films de guerre, les drames conjugaux et ceux qui avaient pour cadre le milieu du cinéma. Bref, c’était un titan du Septième Art, investi d’une ambition et d’un courage hors pair, notamment lorsqu’il s’agissait de rendre son dû au scénariste ostracisé par la chasse aux sorcières anti-communiste Dalton Trumbo, scénariste de Spartacus de Stanley Kubrick dont Douglas était le producteur. Au fil d’une carrière essentiellement longue de quarante ans, il a travaillé avec les plus grands réalisateurs de son époque : Jacques Tourneur, Joseph L. Mankiewicz, Billy Wilder, William Wyler, Howard Hawks, Vincente Minnelli, Richard Fleischer, King Vidor, Stanley Kubrick, Robert Aldrich, John Huston, John Frankenheimer, Otto Preminger, Anthony Mann, Elia Kazan et Brian De Palma. Et il a en quelque sorte passé le flambeau à son fils, l’acteur et producteur Michael Douglas, à son tour un des piliers de l’industrie hollywoodienne dans les années 1980 et ’90.
L’imposante carrière de Kirk Douglas avait commencé dans l’immédiat après-guerre, au milieu des années 1940, avec des rôles secondaires dans des films comme L’Emprise du crime de Lewis Milestone, Le Deuil sied à Electre de Dudley Nichols, le classique du film noir La Griffe du passé de Jacques Tourneur, L’Homme aux abois de Byron Haskin pour sa première collaboration avec Burt Lancaster, La Ville empoisonnée de John M. Stahl et Chaînes conjugales de Joseph L. Mankiewicz. C’est en 1949 qu’il s’impose pour la première fois dans le rôle principal du boxeur prêt à tout dans Le Champion de Mark Robson. Dès lors, il devient l’un des jeunes talents les plus recherchés de sa génération, travaillant entre autres avec Michael Curtiz (La Femme aux chimères), Raoul Walsh (Le Désert de la peur), Billy Wilder (Le Gouffre aux chimères), William Wyler (Histoire de détective) et Howard Hawks (La Captive aux yeux clairs), puis dans un autre rôle marquant, celui du producteur sans scrupules dans Les Ensorcelés de Vincente Minnelli. Après une première brève traversée du désert, ponctuée de Le Jongleur de Edward Dmytryk et Un acte d’amour de Anatole Litvak, Douglas se réinvente en tant que héros mythique pour plusieurs générations de jeunes spectateurs grâce à Ulysse de Mario Camerini et la production Disney 20 000 lieues sous les mers de Richard Fleischer.
La deuxième moitié des années ’50 reste tout aussi faste pour Kirk Douglas, grâce à Le Cercle infernal de Henry Hathaway, L’Homme qui n’a pas d’étoile de King Vidor, La Rivière de nos amours de André De Toth, La Vie passionnée de Vincent Van Gogh de Vincente Minnelli, Règlement de comptes à O.K. Corral et Le Dernier train de Gun Hill de John Sturges, Les Vikings de Richard Fleischer et Liaisons secrètes de Richard Quine. En 1957, il avait fait une première fois équipe avec Stanley Kubrick sur le film de guerre magistral Les Sentiers de la gloire. Il lui confia trois ans plus tard la mise en scène de l’épique Spartacus sur la révolte d’esclaves du temps de l’empire romain. En effet, Douglas avait également enfilé la casquette de producteur exécutif sur certains de ses films dès le milieu des années ’50. Il allait superviser ainsi la production d’une trentaine de films. Toujours aussi populaire au début des années ’60, Kirk Douglas continuait d’incarner des personnages à fleur de peau devant la caméra dans des films tels que Ville sans pitié de Gottfried Reinhardt, El Perdido de Robert Aldrich, Seuls sont les indomptés de David Miller, Quinze jours ailleurs de Vincente Minnelli, Un homme doit mourir de George Seaton, Le Dernier de la liste de John Huston, Sept jours en mai de John Frankenheimer, Première victoire de Otto Preminger, Les Héros de Télémark de Anthony Mann, L’Ombre d’un géant de Melville Shavelson, Paris brûle-t-il ? de René Clément et La Route de l’ouest de Andrew V. McLaglen.
La transition vers des rôles de maturité à partir de la fin des années ’60 n’a pas vraiment réussi à l’acteur. En dépit de quelques films solides comme La Caravane de feu de Burt Kennedy, Un détective à la dynamite de David Lowell Rich, Les Frères siciliens de Martin Ritt, L’Arrangement de Elia Kazan, puis dans les années ’70 Le Reptile de Joseph L. Mankiewicz, deux tentatives de réalisation sous forme de Le Trésor de Box Canyon et La Brigade du Texas, Une fois ne suffit pas de Guy Green et Cactus Jack de Hal Needham, le seul film majeur de la filmographie de Kirk Douglas pendant cette période-là était Furie de Brian De Palma en 1978, suivi l’année d’après par le plus anecdotique Home Movies du même réalisateur. Même constat en encore moins reluisant à partir des années ’80 avec Saturn 3 de Stanley Donen, Nimitz Retour vers l’enfer de Don Taylor, Un flic aux trousses et Coup double de Jeff Kanew pour ses ultimes retrouvailles avec Burt Lancaster, ainsi que L’Embrouille est dans le sac de John Landis, son dernier film majeur sorti en 1991. Car même s’il participait par la suite encore à une dizaine de films, dont la comédie Les Héritiers affamés de Jonathan Lynn, divers problèmes de santé, tels qu’un accident d’hélicoptère dont il était de justesse sorti indemne en février 1991 et un accident vasculaire cérébral en janvier 1996, l’ont poussé vers une retraite anticipée. Ce qui ne l’a pas empêche de rester très présent sur la scène hollywoodienne, notamment à travers la publication de plusieurs récits autobiographiques et sa participation à diverses cérémonies de prix comme celle des Oscars en 2011 ou celle des Golden Globes en 2018 aux côtés de sa belle-fille Catherine Zeta-Jones, l’une de ses dernières apparitions publiques.
Kirk Douglas a été nommé à trois reprises à l’Oscar du Meilleur acteur pour Le Champion, Les Ensorcelés et La Vie passionnée de Vincent Van Gogh. Il a reçu un Oscar honorifique des mains de Steven Spielberg en 1996. Il avait gagné le Golden Globe du Meilleur acteur dans un drame et le prix des critiques de New York en 1957 pour La Vie passionnée de Vincent Van Gogh. Sinon, l’immense majorité de ses trophées étaient des prix honorifiques, par ordre chronologique le prix Cecil B. DeMille de la presse étrangère à Hollywood en 1968, aux César en 1980, la même année qu’il officiait comme président du Festival de Cannes, de l’American Film Institute en 1991, de la Screen Actors Guild en 1999 et au Festival de Berlin avec un Ours d’or d’honneur en 2001. Kirk Douglas est le père de l’acteur oscarisé Michael Douglas (« La Méthode Kominsky »).