L’acteur anglais Christopher Lee est décédé le 7 juin dernier à Londres des suites d’une insuffisance respiratoire et cardiaque. Il venait de fêter son 93ème anniversaire fin mai. Au fil d’une carrière plus qu’impressionnante, qui comprend plus de 250 rôles au cinéma et à la télévision, Christopher Lee avait constamment su se réinventer. Du haut de ses près de deux mètres, il avait ainsi enthousiasmé de nombreuses générations successives de cinéphiles, d’abord en tant que Dracula dans les productions Hammer, puis en tant que méchant chez James Bond et grâce à sa collaboration avec Tim Burton, enfin en se glissant dans la peau de vieux pas si sages dans les univers fantastiques de Star Wars et Le Seigneur des anneaux.
Christopher Lee avait fait son apparition sur les écrans britanniques après la guerre, à la fin des années 1940, lorsqu’il tenait des seconds rôles dans des films comme L’Etrange rendez-vous et La Princesse d’Eboli de Terence Young, Capitaine sans peur de Raoul Walsh, Le Corsaire rouge de Robert Siodmak, Les Quatre plumes blanches de Zoltan Korda, La Bataille du Rio de la Plata de Michael Powell et Emeric Pressburger et Amère victoire de Nicholas Ray. A partir de 1957 et Frankenstein s’est échappé de Terence Fisher, il a commencé à jouer dans des films d’horreur. Car dès l’année suivante, il interprétait le personnage de Dracula qui allait lui coller à la peau par la suite, dans Le Cauchemar de Dracula du même réalisateur, produit par le studio Hammer.
Pendant une dizaine d’années, il était fidèle à ces films de genre, comme Le Chien de Baskerville, L’Homme qui trompait la mort, La Malédiction des pharaons, Les Deux visages du docteur Jekyll, La Gorgone, Dracula Prince des ténèbres et Les Vierges de satan de Terence Fisher, Hurler de peur de Seth Holt, L’Empreinte du dragon rouge de Anthony Bushell, Les Pirates du diable et Raspoutine Le Moine fou de Don Sharp, Dracula et les femmes de Freddie Francis et Une messe pour Dracula de Peter Sasdy. En même temps, il était à l’affiche de productions internationales comme Les Mains d’Orlac de Edmond T. Gréville, Hercule contre les vampires et Le Corps et le fouet de Mario Bava, Le Jour le plus long produit par Darryl F. Zanuck, La Vierge de Nuremberg de Antonio Margheriti, Le Masque de Fu Manchu de Don Sharp, Le Crâne maléfique de Freddie Francis, Le Château de Fu Manchu, Le Sang de Fu Manchu, Les Inassouvies, Les Nuits de Dracula et Le Trône de feu de Jesus Franco et Le Cercueil vivant de Gordon Hessler. En Allemagne, il s’est fait un nom à la même époque, grâce aux policiers comme L’Orchidée rouge de Helmuth Ashley et Le Vampire et le sang des vierges de Harald Reinl.
Les années ’70 allaient voir la suite de ce mélange entre des films de genre, tels Les Cicatrices de Dracula de Roy Ward Baker, Un colt pour trois salopards de Burt Kennedy, La Chair du diable de Freddie Francis, The Wicker man de Robin Hardy, Le Manoir des fantasmes et Le Secret de la banquise de Don Sharp, Les Mercenaires de Val Guest, Une fille pour le diable de Peter Sykes, Dracula père et fils de Edouard Molinaro, et des films plus prestigieux, comme La Vie privée de Sherlock Holmes de Billy Wilder, Les Trois mousquetaires et On l’appelait Milady de Richard Lester, le James Bond L’Homme au pistolet d’or de Guy Hamilton, Les Naufragés du 747 de Jerry Jameson, Les Visiteurs d’un autre monde de John Hough, Passeur d’hommes de J. Lee Thompson et 1941 de Steven Spielberg.
Les années ’80 et ’90 correspondaient en quelque sorte à la traversée du désert pour Christopher Lee, en panne de projets aussi jouissifs que ceux qu’il avait portés parfois tout seul pendant les vingt ans précédents. On pourrait citer ses retrouvailles avec Jesus Franco pour Dark mission et La Chute des aigles, ainsi que Le Retour des mousquetaires de Richard Lester, Gremlins 2 de Joe Dante, Le Voleur d’arc-en-ciel de Alejandro Jodorowsky, voire Police Academy Mission Moscou de Alan Metter. Mais dans l’ensemble, cette fin de carrière très modeste aurait conduit directement à la retraite, si ce n’était pour l’engagement nostalgique de réalisateurs comme Tim Burton, Peter Jackson et George Lucas. Pour le premier, il a joué dans Sleepy Hollow, Charlie et la chocolaterie, Les Noces funèbres, Alice au pays des merveilles, Dark shadows et Frankenweenie. Pour le deuxième dans la trilogie du Seigneur des anneaux et dans deux films du Hobbit. Et pour le dernier dans les épisodes 2 et 3 de Star Wars, à savoir L’Attaque des clones et La Revanche des Sith. Cette renaissance tardive et amplement méritée s’est prolongée à travers Les Rivières pourpres 2 de Olivier Dahan, A la croisée des mondes La Boussole d’or de Chris Weitz, Eyes of war de Danis Tanovic, Cadavres à la pelle de John Landis, Hugo Cabret de Martin Scorsese, Le Dernier des templiers de Dominic Sena et La Locataire de Antti Jokinen.
Christopher Lee a été nommé à deux reprises au Screen Actors Guild Award en tant que membre du Meilleur ensemble pour les deux premiers films du Seigneur des anneaux. Il a reçu le prix honorifique de l’Académie du cinéma britannique en 2011. Enfin, il a été élevé au rang de chevalier et devenait donc Sir Christopher Lee en 2009.