La réalisatrice italienne Lina Wertmüller est décédée ce matin à Rome. Elle était âgée de 93 ans. Une véritable pionnière dans le cinéma italien et international, elle avait surtout excellé dans le domaine de la satire sociale mordante, voire subversive. Au cours des années 1970, ses films aux titres souvent à rallonge avaient remporté un succès critique et commercial considérable, notamment aux États-Unis où elle fut en 1977 la première et pendant longtemps la seule réalisatrice nommée à l’Oscar. En France, la redécouverte de sa filmographie se fait plutôt timidement avec entre autres la ressortie en 2017 de son film phare Vers un destin insolite sur les flots bleus de l’été avec ses acteurs attitrés Giancarlo Giannini et Mariangela Melato.
Issue d’une famille d’aristocrates suisses, Lina Wertmüller avait affiché sa nature iconoclaste dès son plus jeune âge en se faisant renvoyer de nombreux pensionnats catholiques. Après avoir été l’assistante de Federico Fellini sur Huit et demi en 1963, elle réalise la même année son premier film, le conte social I basilischi sur de jeunes désœuvrés dans le sud de l’Italie. Son nom s’impose réellement sur la scène du cinéma international neuf ans plus tard grâce à Mimi Metallo blessé dans son honneur. Cette farce sur un ouvrier sicilien, forcé de s’exiler dans le nord où il sera au cœur de toutes sortes d’aventures rocambolesques, avait également lancé la carrière de l’acteur Giancarlo Giannini, un collaborateur très régulier de Wertmüller tout au long de la décennie.
Il allait même gagner le prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes en 1973 à l’occasion de leur film suivant Film d’amour et d’anarchie. Après le toujours aussi loufoque Chacun à son poste et rien ne va, ils avaient fait de nouveau équipe pour deux des films les plus emblématiques de leurs parcours artistiques respectifs. Indubitablement un produit de son temps, la comédie d’aventure érotique Vers un destin insolite sur les flots bleus de l’été avait en toute logique remporté un grand succès dans son pays d’origine et à l’étranger. La même chose n’est nullement vraie pour son remake américain par Guy Ritchie, A la dérive avec Madonna, sorti tardivement en France en 2003. Puis vint l’heure de la consécration tous azimuts par le biais de Pasqualino ou la lutte peu exemplaire d’un prisonnier italien dans un camp d’internement nazi.
Les deux derniers films des années 1970 réalisés par Lina Wertmüller, La Fin du monde dans notre lit conjugal avec Giannini et Candice Bergen et D’amour et de sang – on vous épargnera le titre original long de quinze mots ! – avec Marcello Mastroianni et Sophia Loren, n’étaient suivis par aucun autre, susceptible de renouer avec les succès incontestables de sa décennie faste. Comme preuve, seuls Camorra avec Angela Molina et Harvey Keitel et Par une nuit de clair de lune avec Rutger Hauer et Nastassja Kinski avaient bénéficié d’une sortie cinéma en France, au milieu et à la fin des années ’80.
Lina Wertmüller a été nommée comme Meilleure réalisatrice et pour le Meilleur scénario original en 1977 grâce à Pasqualino. Elle était alors la tout première réalisatrice reconnue de la sorte par l’Académie du cinéma américain. Et elle allait rester la seule pendant un temps considérable, jusqu’à la nomination de Jane Campion pour La Leçon de piano dix-sept ans plus tard.
En 2019, elle avait reçu un Oscar d’honneur pour l’ensemble de sa carrière. Là aussi, elle fait partie d’un club assez exclusif de cinéastes italiens célébrés outre-Atlantique auquel appartiennent de même Federico Fellini et Michelangelo Antonioni, ainsi que l’actrice Sophia Loren, le compositeur Ennio Morricone et le costumier Piero Tosi.