Figure mythique du cinéma d’horreur, Betsy Palmer est décédée à l’âge de 88 ans ce vendredi 29 mai. Elle aura marqué les esprits en interprétant la mère du croquemitaine Jason Voorhees, le tueur désincarné de la franchise Vendredi 13 initiée par Sean Cunningham.
Elle est revenue brièvement dans le deuxième film de la série malgré son peu d’enthousiasme à sa participation au précédent qu’elle n’avait accepté que pour pouvoir s’acheter une voiture ! Ses dix jours de tournage lui permettront de s’offrir celle dont elle rêvait, raison unique pour laquelle elle a accepté ce film au «scénario merdique» (selon ses propres mots) que personne ne verra, pense-t-elle alors. Ce rôle lui a pourtant permis de rentrer dans l’histoire du genre, jusqu’à devenir une référence importante dans la scène d’ouverture de Scream. Si elle refuse d’apparaître dans Freddy contre Jason (c’est Paula Shaw qui la remplace), elle témoigne de cette expérience dans le documentaire Betsy Palmer: A Scream Queen Legend, un peu surprise, pour le moins, de la notoriété qui l’accompagne, sa carrière ne se résumant pas à ce fait de gloire.
Elle s’est en effet illustrée à la télévision à partir des années 50, en participant à des dramatiques en direct et en étant une intervenante très régulière de l’émission de jeu immensément populaire « I’ve Got a Secret » de 1958 à 1967 (une sorte de «Qui est qui ?» de l’époque) ainsi que dans Le Roue de la Fortune où elle est l’animatrice qui tourne les lettres pour les révéler aux spectateurs ! Fille d’un chimiste tchèque, elle débute dans un soap quotidien avant de prendre des cours de théâtre puis de monter sur scène pour South Pacific ou de Maggie (rôle-titre), des classiques de la comédie musicale. Plus tardivement elle jouera dans Même heure l’année prochaine ou Fleur de Cactus. Elle s’épanouit au contact du public, précisant qu’il faut beaucoup de concentration pour à la fois l’ignorer tout en embrassant leur présence et leur énergie, positive comme négative.
Au cinéma l’essentiel de sa carrière se joue dans les années 50 avec des débuts remarqués dans deux longs-métrages signés John Ford. D’abord Ce n’est qu’au revoir (1955) avec Tyrone Power et Maureen O’Hara dans les rôles principaux, qui se passe dans l’académie militaire de West Point et où elle est l’épouse d’un apprenti de Power qui sera tué à la guerre. Recueillie par le couple, elle rejettera ce monde avant de devoir l’accepter quand son fils suivra l’exemple paternel. La scène de son mariage avec William Leslie lui offre certainement le plus beau plan de sa carrière, l’un de ces cadres sublimes orchestrés par ce maître du grand cinéma classique (le film existe en DVD, débrouillez-vous!). Elle apparaît ensuite dans Permission jusqu’à l’aube où elle est une infirmière à la personnalité bien trempée (l’un des très rares personnages féminins du film) qui chavire les sens de Jack Lemmon et de ses compagnons. Le film est entamé par Ford qui sera remplacé par Mervyn Le Roy en cours de film après une altercation violente avec Henry Fonda. Elle refuse de retourner les scènes où elle est présente et ainsi toutes ses apparitions dans le film auront bien été dirigées par Ford lui-même.
Dans Une Femme diabolique de Ranald MacDougall (1956), elle est la belle-soeur de Joan Crawford, une nouvelle fois inquiétante, qui la pousse au suicide. On la retrouve ensuite dans le western Du sang dans le désert d’Anthony Mann (1957) avec à nouveau Henry Fonda mais aussi Anthony Perkins en jeune disciple du pro de la gâchette ou dans le drame tiré de faits réels Dans les griffes du Gang (The True Story of Lynn Stuart) où elle est une femme au foyer qui infiltre un réseau de trafiquants de drogue (!) après la mort de son neveu accro à l’héroïne.
Dans La Colère du juste de Daniel Mann (1959), elle est l’épouse d’un producteur de télévision qui s’intéresse à la vie d’un docteur idéaliste joué par Paul Muni qui vient de sauver une jeune femme noire victime d’une agression. Il s’agit du dernier film de l’acteur oscarisé pour La Vie de Louis Pasteur de William Dieterle mais aussi de son dernier à elle avant d’être appelée pour Vendredi 13 !
Malgré sa nouvelle célébrité, elle ne tournera quasiment plus pour le cinéma, faisant une apparition dans un court-métrage d’horreur Penny Dreadful en 2005 et achevant sa filmographie en jouant une sorcière dans Bell Witch: The Movie en 2007. Le reste de sa carrière se joue ainsi hélas surtout sur le petit écran où, en plus des émissions auxquelles elle participe, elle multiplie les participations dans des séries notamment Côte Ouest où elle est la tante de Valene Ewing jouée par Joan Van Ark le temps de quelques épisodes mais aussi Columbo, La Croisière s’amuse, Hooker, Arabesque, Charles s’en charge ou Voilà. À écouter une interview audio (en anglais) sur vimeo avec Parrish Randall où elle s’exprime en détails sur son parcours télé, théâtre et cinéma avec bienveillance et humour.
Enfin, dans cet extrait ci-dessous de l’émission « I’ve Got a Secret », elle joue de la batterie (c’est vers 4’30 pour les impatients) !