L’Égypte, la France, la Suède et le Royaume-Uni : ce sont les pays dont sont originaires les réalisateurs mis à l’honneur au mois de novembre par des rétrospectives plus ou moins copieuses de leurs films. Youssef Chahine, Jean-Paul Rappeneau, Ingmar Bergman – pour le troisième mois de suite d’hommage, à la hauteur de l’œuvre de ce cinéaste exceptionnel – et Carol Reed, ces noms vous seront plus familiers d’ici cinq semaines, à condition que vous arriviez à voir un nombre conséquent de leurs films fraîchement restaurés. Car l’abondance des richesses, avec carrément plus d’une ressortie par jour en moyenne, vous obligera sans doute de faire des choix. A partir du 14 novembre, ruez-vous donc sur le cycle Youssef Chahine, en essayant de regarder un maximum de ce cinéma égyptien si rare, soit à la Cinémathèque Française, soit dans les salles téméraires qui programmeront ces treize films !
Au moment où nous écrivons ces lignes, la rétrospective que la Cinémathèque Française consacre en ce moment au réalisateur français Jean-Paul Rappeneau (*1932) est pratiquement finie. Heureusement, Carlotta Films reprendra le flambeau dès mercredi prochain, le 7 novembre, avec la reprise en salles de quatre de ses films, qui s’ajoutent donc à Cyrano De Bergerac, à l’affiche depuis vendredi dernier. Grâce au rythme de travail très peu soutenu du réalisateur, vous aurez donc l’occasion de voir plus que la moitié de son corpus, de son premier film de 1966, La Vie de château avec Catherine Deneuve et Philippe Noiret – même si le site du distributeur n’est pas très clair quant à l’inclusion de cette comédie de guerre, sortie d’ores et déjà en version restaurée sous la bannière des Acacias en mai 2014 – à son dernier grand succès populaire près de vingt ans plus tard, Le Hussard sur le toit avec Juliette Binoche et Olivier Martinez. En passant par ses deux collaborations avec Yves Montand dans Le Sauvage en 1975 et Tout feu tout flamme en 1982.
« Youssef Chahine dans tous ses états », tel est le titre de l’événement cinématographique côté reprises de cet automne, puisque Tamasa Diffusion ressortira pas moins de treize films du réalisateur égyptien à partir du 14 novembre. Surtout connu en France pour ses films qui y sont sortis pendant les dix dernières années de sa vie, à partir du succès du Destin, en compétition au Festival de Cannes en 1997, Chahine (1926-2008) avait pourtant tourné régulièrement dans son pays d’origine depuis les années ’50. Cette rétrospective incontournable reviendra par conséquent largement sur les débuts de sa carrière, à travers Ciel d’enfer et Les Eaux noires avec Omar Sharif et Gare centrale, puis les années ’70 avec La Terre, Saladin, Retour de l’enfant prodigue et Alexandrie pourquoi ?, ainsi que les deux décennies suivantes : Adieu Bonaparte, Le Sixième jour, Alexandrie encore et toujours, L’Émigré, Le Destin et L’Autre. A noter que la Cinémathèque Française organisera une exposition et une rétrospective en parallèle, qui comprendra en guise de complément quatre films supplémentaires en version restaurée, Papa Amin, Adieu mon amour, L’Aube d’un jour nouveau et La Mémoire.
Carlotta Films a d’ores et déjà fêté comme il se doit le centenaire de Ingmar Bergman (1918-2007), à travers deux salves de ressorties pour un total de vingt (!) films entre fin septembre et fin octobre, sans oublier la reprise isolée de L’Œuf du serpent par Mary-X Distribution au mois de juillet. Le très discret distributeur Panoceanic Films – ça existe encore de nos jours, une entreprise sans vitrine sur le web ?! – ajoute la touche finale avec d’abord La Nuit des forains de 1953 dès le 7 novembre et ensuite trois films groupés ensemble deux semaines plus tard : Il pleut sur notre amour, L’Éternel mirage et Rêves de femmes. Aussi longtemps que les salles de répertoire les plus éclectiques veulent bien garder ces films à l’affiche, il vous sera alors possible de vous faire votre propre rétrospective Ingmar Bergman, grâce à cette ressortie concertée de près de la moitié de ses longs-métrages de cinéma. Il faudra sans doute attendre longtemps avant d’avoir à nouveau une telle occasion luxueuse de se plonger pendant des journées entières dans l’œuvre d’un cinéaste d’exception comme Ingmar Bergman.
Ce sont essentiellement deux films qui ont permis au réalisateur anglais Carol Reed (1906-1976) de rester fermement ancré dans le souvenir des cinéphiles français : Huit heures de sursis avec James Mason, qui est déjà ressorti pas moins de trois fois depuis le début de la décennie, et surtout Le Troisième homme avec Orson Welles et Joseph Cotten, lui aussi très prisé par le public nostalgique, puisque sa dernière ressortie remonte à un peu plus de trois ans. Tamasa Diffusion, décidément très actif ce mois-ci, joint à ce dernier deux films moins connus du réalisateur : Première désillusion de 1948 avec Michèle Morgan et Ralph Richardson et L’Homme de Berlin de 1953 avec James Mason et Claire Bloom. De quoi se plonger de façon raisonnable dans une époque et un style de film qui n’a peut-être plus trop la cote aujourd’hui, mais qui mérite quand même qu’on s’y attarde, ne serait-ce qu’à cause de la réticence invétérée des institutions cinématographiques de la capitale de programmer des cycles dédiés au cinéma britannique !
Comme si ces quatre rétrospectives plus ou moins formelles ne suffisaient pas, il y a une bonne dizaine d’autres films qui ont l’honneur d’être à nouveau projetés sur grand écran au mois de novembre. Le mieux représenté est, comme c’est souvent le cas, le cinéma américain avec pas moins de cinq films. Ceux-ci sont repartis sur presque autant d’époques, puisqu’on remonte jusque dans les années 1930 avec l’adaptation de Ernest Hemingway dans L’Adieu aux armes avec Helen Hayes et Gary Cooper par Frank Borzage, ressortie le 14 novembre par les soins du Théâtre du Temple, avant de remonter progressivement vers les années ’50 et le classique Drôle de frimousse de Stanley Donen avec Audrey Hepburn et Fred Astaire, le même jour chez Ciné Sorbonne, ainsi que le formidable programme animé, intitulé par Carlotta Films Les Contes merveilleux par Ray Harryhausen, à l’affiche pour le plus grand bonheur d’un public jeune et moins jeune le 28 novembre, pour finir de manière un peu plus contemporaine avec la suite de l’hommage à John Carpenter par le biais de Le Prince des ténèbres, le même jour grâce à Splendor Films, et le premier film de Paul Thomas Anderson, Hard Eight avec Philip Baker Hall et John C. Reilly, resté inédit en France, le 21 novembre chez le même distributeur.
Dans la rubrique fourre-tout, la délégation française est menée par l’Ours d’or au Festival de Berlin de 1967, l’incroyablement drôle Le Départ de Jerzy Skolimowski avec Jean-Pierre Léaud que Malavida Films avait déjà ressorti il y a sept ans, mais qu’on se fera néanmoins un plaisir de revoir à partir du 21 novembre, puis complétée par l’atypique Le Graphique de Boscop de Sotha, à partir de la semaine prochaine sur les écrans grâce à l’infatigable Tamasa Diffusion, et le court documentaire de Claire Simon Récréations, le 14 novembre en double programme chez Sophie Dulac Distribution avec son récent Premières solitudes. Le plus grand classique de cette très belle sélection mensuelle, c’est Les Acacias qui le tient dès le dernier mercredi du mois avec le chef-d’œuvre de Federico Fellini La Strada et son duo d’acteurs inoubliable Giulietta Masina et Anthony Quinn. Enfin, Festen, l’un des films phares de la parenthèse esthétique du Dogme 95, a été restaurée par Mission Distribution autant que les balbutiements de la photo numérique le permettent. Verdict sur les retrouvailles avec le film de Thomas Vinterberg à partir du 14 novembre. Et puis de quatre pour la redécouverte de la filmographie de l’immense réalisateur japonais Shohei Imamura, dont Le Pornographe sort le même jour grâce à Mary-X Distribution, après La Femme insecte en mai et La Ballade de Narayama et Profond désir des dieux au cours de l’été.