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Le printemps, c’est pour bientôt. Dans cette optique de remontée des températures et de retour à la vie, les distributeurs de films de patrimoine ont dû se dire que vous aurez probablement mieux à faire en ce mois de mars 2025 que de vous replonger dans l’Histoire riche et foisonnante du cinéma. Par conséquent, le programme des ressorties demeure tristement abordable au cours des quatre prochaines semaines, avec une petite douzaine de films de retour dans les salles.
Au moins, ces œuvres, fraîchement restaurées afin de mieux se mesurer au regard du public contemporain, jouent pleinement la carte de la diversité et de la découverte, puisqu’elles nous proviennent d’Allemagne, d’Italie, de Chine, des États-Unis, du Brésil et de France. De surcroît, ces films couvrent un éventail temporel assez large, du début des années 1940 jusqu’aux années ’80, largement représentées.
Enfin, si cette sélection de ressorties commerciales vous paraît insuffisante, le rendez-vous incontournable des cinéphiles nostalgiques, autrefois appelé « Toute la mémoire du monde » et désormais juste le Festival de la Cinémathèque, se déroulera pendant cinq jours, du 5 au 9 mars, dans le temple du cinéma du côté de Bercy, ainsi que dans huit salles parisiennes et de la banlieue.
Y seront conviés en tant qu’invités d’honneur les cinéastes américains John McTiernan et Susan Seidelman. Et des coups de projecteur plus ou moins exhaustifs seront consacrés au réalisateur portugais Pedro Costa, à la réalisatrice italienne Lorenza Mazzetti, à l’Institut du cinéma coréen, à l’acteur américain Henry Fonda, au réalisateur allemand Werner Schroeter, à la réalisatrice néerlandaise Marleen Gorris, au père du cinéma guadeloupéen Christian Lara, au réalisateur français Jacques Bral, ainsi qu’aux cinématographies géorgienne et flamande.
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Décadence et détente
Pour une fois, regrouper les ressorties en fonction de leur jour de sortie respectif nous paraît être une bonne idée. En effet, elles sont suffisamment réparties sur les quatre mercredis du mois et assez semblables, semaine après semaine, pour que l’exercice nous paraisse probant. A commencer par le 5 mars, après-demain donc, où deux films hors des sentiers battus revoient la lumière des projecteurs et des écrans de cinéma. Moi Christiane F. 13 ans droguée prostituée, chez Metropolitan Filmexport, est le genre de drame social glauque et désespérant qui tentait de tenir compte des fléaux de la drogue dans les années ’70 et ’80. Au moins, il s’agit du meilleur film du réalisateur allemand Uli Edel, qui avait tenté ensuite une carrière américaine (Body), avant de finir à la télévision.
Le même jour, chez Malavida Films, vous aurez enfin l’occasion de combler vos dernières lacunes au sein de la filmographie de Pier Paolo Pasolini. Tandis que le réalisateur et poète italien avait déjà fait l’objet d’amples rétrospectives lors de son centenaire en 2022, l’un de ses films les plus rares s’était dérobé jusqu’à présent à cette frénésie de redécouverte. Ce sera très bientôt chose faite, puisque l’énigmatique Porcherie avec Jean-Pierre Léaud et Pierre Clémenti se soumettra à votre approbation – ou bien à votre rejet – d’ici quelques heures …
A l’autre extrémité du mois, le 26 mars, le sacrilège va encore plus loin, par le biais de Mais ne nous délivrez pas du mal de Joël Séria, chez Solaris Distribution. Un film considéré si irrévérencieux envers l’église catholique en particulier et les bonnes mœurs en général, qu’il fut interdit de sortie en 1971. Le ton est certainement moins sulfureux et plus chaleureux dans le film de cirque Bye bye Brésil, chez Weekend Films, en hommage à son réalisateur Carlos Diegues, qui nous a quittés le 14 février dernier à l’âge de 84 ans.
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Nouvelle vague du cinéma hongkongais
Alors que d’autres distributeurs assidus de films de patrimoine – Tamasa et Les Acacias, en somme – font une petite pause bien méritée en cette fin d’hiver / début de printemps, Carlotta Films nous ravit une fois de plus avec un mini-cycle de raretés. Toujours aussi polyvalent dans son exploration des champs cinématographiques à défricher, le distributeur poursuivra la semaine prochaine, à partir du 12 mars pour être exact, son incursion dans le cinéma asiatique. Car rien que depuis un an, Carlotta avait donné une seconde, voire une première jeunesse aux films de Stanley Kwan (des Amours déchus jusqu’à Lan Yu), Joseph Kuo (La Vengeance du dragon noir), Patrick Tam (Nomad), Jeffrey Lau (La Légende de l’aigle chasseur de héros), Akira Kurosawa (de Chien enragé jusqu’à Entre le ciel et l’enfer), Lino Brocka (Bona) et Yasujiro Ozu (Gosses de Tokyo).
Après Leslie Cheung, l’acteur commun de bon nombre de ces films, le tour est à présent à Chow Yun-Fat, à l’affiche dans deux des trois films proposés prochainement. Mais c’est surtout l’occasion rêvée pour se familiariser un peu plus avec le travail de la réalisatrice Ann Hui, Lion d’or honorifique au Festival de Venise en 2020, dont le dernier film sorti sur les écrans de cinéma français était l’excellent Une vie simple en 2013. Ce sera possible grâce à Boat People, présenté hors compétition au Festival de Cannes en 1983, et son film suivant, le mélodrame sentimental Love in a Fallen City.
Quant au troisième film du cycle, Women, il s’agit du premier long-métrage de Stanley Kwan, sorti à Hong Kong en juin 1985, c’est-à-dire un an seulement avant Amours déchus, le film le plus ancien inclus dans la rétrospective consacrée au réalisateur par Carlotta en avril dernier.
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Film noir et comédie de mœurs d’Hollywood
Comme pour mieux arranger le découpage de notre chronique mensuelle, tous les films américains de retour sur grand écran se voient regroupés le même jour, le mercredi 19 mars. Ils sont au nombre de quatre. Trois d’entre eux sortent en version numérique restaurée 4K chez Park Circus France, sous le titre évocateur « Sous le vison ». Et le quatrième, Illusions perdues, accompagne officieusement la rétrospective des films de Ernst Lubitsch à la Cinémathèque Française du 12 mars au 20 avril. Cette comédie pétillante avec Merle Oberon et Melvyn Douglas était tombée dans le domaine public. Ce qui nous fait apprécier d’autant plus la ressortie en version restaurée par Swashbuckler Films de ce film que Lubitsch avait réalisé entre ses chefs-d’œuvre Rendez-vous et To Be or Not To Be !
Gloria Grahame et Rita Hayworth sont les femmes fatales face aux personnages masculins guère plus recommandables interprétés par Humphrey Bogart et Glenn Ford dans, respectivement, Le Violent, Gilda et Règlement de comptes. La réalisation de ces piliers du film noir hollywoodien des années ’40 et ’50 a été assurée par Nicholas Ray, Charles Vidor et Fritz Lang. Cela devrait déjà largement suffire à vous convaincre d’aller voir ou revoir ces films brillamment représentatifs d’une ère révolue depuis longtemps. Si jamais vous brûlez d’impatience de replonger dans leur atmosphère poisseuse en noir et blanc, sachez que Règlement de comptes figure parmi la trentaine de films restaurés sélectionnés au Festival de la Cinémathèque. Il y sera projeté, en salle Langlois, ce vendredi à 14h00.
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