Tandis que les cinéphiles nostalgiques les plus chanceux pourront découvrir en ce mois de mai la sélection Cannes Classics du côté de la Croisette, les autres devront se contenter d’un programme de ressorties aussi éclectique que parcimonieux. Certes, quinze films de retour en salles au cours des quatre mercredis du mois, cela n’a rien de honteux. Mais quand on sait que le rythme des sorties de productions récentes ne montre aucun signe d’essoufflement, en dépit de la parenthèse cannoise, et que l’immense majorité des films anciens fraîchement restaurés appartiennent à la rétrospective Mocky, il y a quand même de quoi anticiper avec encore un peu plus d’impatience l’été et son emploi du temps traditionnellement surchargé à ce niveau-là.
En attendant, vous aurez quand même l’occasion de revoir des films signés Lina Wertmüller, Damiano Damiani et Shohei Imamura, de vous émerveiller devant les vedettes d’antan comme Marlene Dietrich, Jean Gabin et Gene Tierney, voire de redécouvrir le maître tchèque du cinéma d’animation Jiri Trnka.
Il nous a quittés il y a près de trois ans, en août 2019. Pourtant, est-ce que Jean-Pierre Mocky, l’enfant terrible par excellence du cinéma français, nous a manqué depuis ? Nous aurons amplement l’occasion de nous le demander dès demain, puisque Les Acacias ressortira huit de ses films, ainsi que celui qui l’avait lancé en tant qu’acteur à la fin des années 1950, La Tête contre les murs de Georges Franju. Cerise sur le gâteau : il ne s’agit que de la première partie de cette rétrospective qu’on espère, sinon intégrale, au moins à peu près représentative, bien qu’il y ait à prendre et à laisser parmi les plus de soixante longs-métrages réalisés par Mocky.
Les huit films à l’affiche dès cette semaine font d’ores et déjà un beau tour de l’univers Mocky. Leur ordre n’est nullement chronologique, mais plutôt thématique, avec toujours cette irrévérence narquoise si chère au réalisateur en toile de fond. Guère avare en termes de dénonciation des petits travers et des grosses perversions de la société française dès les années ’60, Jean-Pierre Mocky y met des acteurs de renom au service de sa vision décalée du monde.
On y croisera donc Charles Aznavour et Anouk Aimée dans Les Dragueurs, Bourvil et Francis Blanche dans Un drôle de paroissien, les deux mêmes et Jean-Louis Barrault dans La Cité de l’indicible peur, Alberto Sordi et Philippe Noiret dans Le Témoin, Michel Serrault et Eddy Mitchell dans A mort l’arbitre et Catherine Deneuve et Richard Bohringer dans Agent trouble. Sans oublier le maître iconoclaste en personne, également devant la caméra, dans Solo et Litan.
Aucune information pour l’instant, quant à la poursuite de cette aventure de remise en avant de l’œuvre de Jean-Pierre Mocky. Comme souvent dans ce cas de figure, elle dépendra de la réussite du premier volet. Donc, courez-y, par exemple dans l’une des plus belles salles de cinéma à Paris, le Max Linder !
Car une fois que la rétrospective Mocky aura quitté l’affiche, il ne restera hélas plus grand-chose à se mettre devant les yeux pour les amateurs de films anciens. Tout juste une sortie par semaine, voire deux au maximum. Ce mercredi-ci demeure foncièrement français, grâce à la ressortie de Martin Roumagnac de Georges Lacombe chez Solaris, le film resté avant tout mythique grâce à son couple vedette Marlene Dietrich et Jean Gabin. Ceux-ci avaient passé les années ’40 ensemble, sans pour autant se croiser à l’écran ailleurs que dans ce drame romantique sorti juste après la guerre en 1946.
Le cinéma italien est représenté en force ce mois-ci dans les salles de répertoire. Façon de parler, puisque ce ne sont finalement que deux films produits par nos voisins transalpins qui feront leur retour sur nos écrans. Pour Les Basilischi de Lina Wertmüller, chez Carlotta Films à partir du 25 mai, il s’agit même d’un inédit, la filmographie de la réalisatrice italienne décédée en décembre dernier n’ayant pas été distribuée si abondamment que cela en France. Une semaine plus tôt chez Les Acacias, Les Femmes des autres de Damiano Damiani participera de même à la redécouverte du travail du réalisateur, à la suite des ressorties récentes de El Chuncho et de Confession d’un commissaire de police au procureur de la république et en parallèle de la rétrospective qui lui sera consacrée à la Cinémathèque Française à partir du 11 mai.
Un bel éclectisme est toujours à noter parmi les trois films restants. Le genre du mélodrame hollywoodien dans toute sa splendeur est à admirer par voie de Gene Tierney dans Péché mortel de John M. Stahl dès le 18 mai chez Park Circus. Une semaine plus tôt, le ton est sensiblement plus sombre dans La Vengeance est à moi de Shohei Imamura, le thriller qui a inspiré Bong Joon-ho dans sa réalisation de Memories of Murder. A l’occasion de cette ressortie, deux autres films marquants du réalisateur japonais, déjà de nouveau en salles en 2018 et 2020, feront leur retour : La Ballade de Narayama et Pluie noire. Enfin, une semaine plus tard, Splendor Films ravira les fans de l’animation de marionnettes à travers six courts-métrages de Jiri Trnka, regroupés sous le titre Les Vieilles légendes tchèques.