Le mois le plus court de l’année ne brille guère par l’abondance de films faisant leur retour dans les salles de cinéma françaises. A condition de vous faire une toile deux à trois fois par semaine et de résider dans le périmètre d’exploitants assez téméraires pour tenter le pari des œuvres du patrimoine, vous pourriez même être en mesure de voir la totalité des reprises en ce mois de février 2019. C’est par contre la qualité et la rareté des films restaurés qui font la force de cette sélection mensuelle, où chaque titre peut vous faire connaître un pan différent de l’Histoire du Septième art. Le seul bémol d’envergure est l’absence totale de ressorties françaises, éclipsées par une représentation disproportionnée des productions hollywoodiennes, des années 1930 aux années ’80, et par une seule mini-rétrospective, dédiée au réalisateur grec Michael Cacoyannis.
Il vous faudra encore attendre trois semaines avant d’arriver à la pièce de résistance de ce cycle de reprises, puisque ce n’est que le 27 février que Tamasa Diffusion sortira son cycle en trois films « Michael Cacoyannis L’Âme grecque ». Aux côtés du plus artistique Théo Angelopoulos et du plus contemporain Yorgos Lanthimos, Michael Cacoyannis (1922-2011) était l’un des réalisateurs les plus célèbres et internationalement reconnus de son pays. Rien qu’avec son film légendaire Zorba le grec avec Anthony Quinn, ressorti il y a quatre ans, il a fait plus pour le folklore à visée touristique de son pays que tous les films réunis … avant le phénomène Mamma mia ! Ce sont trois de ses quatre premiers films qui s’offrent une cure de jouvence numérique à la fin du mois, son deuxième, Stella femme libre avec Melina Mercouri, ayant déjà fait l’objet d’une ressortie en 2012. Cette fois-ci, c’est l’actrice Elli Lambeti qui est mise à l’honneur, puisque elle tient le premier rôle dans Réveil du dimanche, La Fille en noir et Fin de crédit. Un autre point en commun de ces films est qu’ils ont tous été présentés en compétition au Festival de Cannes, respectivement en 1954, ’56 et ’58, et qu’ils sont tous repartis bredouille.
La politique des auteurs est sauve parmi les six films américains que vous pourrez redécouvrir sur grand écran ce mois-ci. Ce sont en effet des noms aussi mythiques que Robert Aldrich (En quatrième vitesse) et John Cassavetes (Love Streams – Ours d’or au Festival de Berlin en 1984, qui ressort à l’occasion du 30ème anniversaire de la mort du réalisateur) dès le 6 février, Ernst Lubitsch la semaine suivante avec Ange et la sublime Marlene Dietrich dans ce qui représente la fin provisoire du cycle officieux de ses sept films ressortis en France depuis un an, Anthony Mann et Les Affameurs à partir du 20 février, sa deuxième collaboration sur huit au cours des années ’50 avec James Stewart, et enfin Alfred Hitchcock et son poisseux Les Amants du Capricorne le dernier mercredi du mois, qui se sont tous donnés rendez-vous pour mieux garder éveillé votre cinéphilie nostalgique. Le cas de John Badham est déjà plus atypique, puisque ses films ont très rarement l’honneur d’une ressortie en salles, les mauvais chiffres de C’est ma vie après tout il y a six ans confirmant cette frilosité généralisée à l’égard d’un certain cinéma populaire des années ’70 et ’80. Espérons donc que Wargames et ses jeux d’ordinateur d’un autre âge trouveront leur (nouveau) public à partir du 27 février.
Seuls quatre films qui ne sont ni américains, ni réalisés par Michael Cacoyannis à l’affiche pour un second, voire un premier tour de piste ce mois-ci ! Or, il serait légitime de considérer que c’est de ce côté-ci des ressorties que vous trouverez les perles cinématographiques les plus précieuses. A commencer par un double programme le 20 février, concocté sans préméditation apparente par Carlotta Films et Malavida Films, qui brouille prodigieusement les pistes entre le documentaire et la fiction. Dans Les Funérailles des roses de Toshio Matsumoto, le vocabulaire de la Nouvelle Vague japonaise est mis au service de l’observation iconoclaste de la marge de la société nippone, à travers le portrait de quelques travestis, tandis que dans L’Arc et la flûte de Arne Sucksdorff, le réalisateur suédois part loin des paysages enneigés de La Grande aventure, ressorti mercredi dernier, pour conter une histoire d’enfants tout aussi touchante dans la jungle indienne. Enfin, une semaine plus tôt, deux films marquants de réalisateurs qui ne l’étaient pas moins font leur retour : Les Recrues de Bernardo Bertolucci, le premier long-métrage du cinéaste italien et le dernier sur la restauration duquel il a travaillé avant sa disparition en novembre dernier, ainsi que l’opéra pop Tommy, l’un des films les plus déjantés de Ken Russell, qui avait pourtant fait de la transgression son fond de commerce dans les années 1960 et ’70.