Sous le sapin de Noël des amateurs de films de patrimoine en salles, on demande une sélection de ce que le cinéma européen d’hier et d’avant-hier a de mieux à offrir ! Ce tour continental fera de longues escales au Royaume-Uni et en Italie, mais il s’aventurera également dans des contrées cinématographiques plus lointaines, comme en Russie et en Lituanie. Seule la France est tristement absente de ce programme de fin d’année des ressorties, alors que son concurrent hollywoodien de toujours devra se contenter d’un seul titre, quoique pas des moindres.
Vous l’aurez compris, l’édition 2024 des reprises en salles se termine plutôt en beauté avec pas moins de 26 films et un programme de courts-métrages d’animation à l’affiche entre ce jour et le dernier mercredi du mois – et de l’année – dans trois semaines. Avec en guise de morceaux de résistance des rétrospectives d’envergure consacrées aux comédies britanniques des studios Ealing et aux films italiens des années 1950 et ’70. En prime, il y aura quelques films marquants de réalisateurs de renom tels que Luigi Comencini, Fernando Meirelles, Wong Kar-Wai et Michael Mann. Bref, de quoi concurrencer en toute sérénité les sorties récentes en cette période d’avant et pendant les fêtes.
Ce n’est pas pour minimiser la contribution de l’acteur anglais Alec Guinness (1914-2000) au genre de la comédie britannique du milieu du siècle dernier, mais il est quand même étonnant de voir pas moins de douze films du célèbre studio Ealing ressortir dès ce mercredi chez Tamasa sous le titre « Alec Guinness and friends : 12 comédies so british ! ». Et cela d’autant plus que la plupart de ces petites perles précieuses de l’humour décapant de nos voisins d’outre-Manche étaient d’ores et déjà ressorties, il y a dix, quinze ans, regroupées alors sous le nom de cette maison de production considérée jadis comme représentative de ce genre fort divertissant.
Avec le temps qui passe, faut-il donc craindre que la connaissance de l’Histoire du cinéma s’estompe et que seuls les noms d’acteurs servent encore de repère aux jeunes générations de cinéphiles ? Si c’est le cas, à quand la prochaine rétrospective du studio Hammer, intitulée « Christopher Lee and foes » ?
Quant à Guinness, on ne peut que saluer la volonté du distributeur d’élargir sa perception publique au delà de ses rôles emblématiques dans Le Pont de la rivière Kwaï de David Lean et La Guerre des étoiles de George Lucas. Car auparavant, il excellait dans une multitude de personnages joliment bizarres, de Noblesse oblige de Robert Hamer en 1949 jusqu’à Tueurs de dames de Alexander Mackendrick six ans plus tard, en passant entre autres par De l’or en barres de Charles Crichton et L’Homme au complet blanc, toujours de Mackendrick. Or, dans la moitié de ces pépites du cinéma britannique, Guinness n’apparaît même pas.
C’est un acteur malheureusement un peu oublié de nos jours comme Stanley Holloway qui prend la relève dans ces petits chefs-d’œuvre que sont Passeport pour Pimlico de Henry Cornelius et Tortillard pour Titfield de Charles Crichton tout comme Charles Laughton (Chaussure à son pied de David Lean) et Rex Harrison (Un mari presque fidèle de Sidney Gilliat).
Officieusement, la grande rétrospective du cinéma italien du mois de décembre 2024 commence dès aujourd’hui avec la sortie du film de Luigi Comencini, inédit sur grand écran en France, Sans rien savoir d’elle chez Les Films du Camélia. Restauré en 4K par le distributeur et la Cineteca di Bologna, ce polar autour d’une escroquerie supposée d’assurance est porté par la musique du légendaire Ennio Morricone. Néanmoins, ce n’est que l’amuse-bouche de la poursuite de la grande redécouverte du cinéma transalpin, entamée au mois de juillet 2023 par Carlotta Films en sept titres. Alors qu’à l’époque, c’étaient surtout les années ’70 qui étaient mises à l’honneur, à travers des films comme Portier de nuit de Liliana Cavani et Affreux sales et méchants de Ettore Scola, le tour est à présent à la décennie des années ’50.
A partir de mercredi prochain, le 11 décembre, le meilleur de cette période phare du cinéma italien sera donc de retour sur grand écran. L’occasion idéale pour voir ou revoir les films de Luigi Comencini (Pain amour et fantaisie), Michelangelo Antonioni (Femmes entre elles), Pietro Germi (Il ferroviere et Meurtre à l’italienne), Luchino Visconti (Nuits blanches) et Mauro Bolognini (Les Garçons). En complément, deux œuvres majeures des années ’70 viendront enrichir ce cycle passionnant à travers Au nom du pape roi de Luigi Magni et L’Arbre aux sabots de Ermanno Olmi – Palme d’or au Festival de Cannes en 1978 et César du Meilleur Film étranger l’année suivante. Vive l’Italie, donc, ainsi que ses vedettes d’antan, de Vittorio De Sica et Gina Lollobrigida à Nino Manfredi, en passant par Marcello Mastroianni et Claudia Cardinale !
D’une certaine manière, le reste des ressorties de ce mois de décembre brasse encore plus large, puisqu’il nous est impossible de trouver un thème fédérateur à ces cinq films et un programme de courts-métrages d’animation. Ce dernier est la seule ressortie de ce jour pas encore évoquée jusqu’ici. Il s’agit du Conte des contes chez Malavida ou la moitié des courts-métrages d’animation réalisés par le maître russe Yuri Norstein, essentiellement dans les années ’70 et salués alors à travers le monde, notamment dans le cas des deux derniers des contes enchanteurs retenus, Le Petit hérisson dans la brume et Le Conte des contes. Également destiné à un jeune public est l’inédit lituanien Domas le rêveur chez ED Distribution, qui constitue dès le 25 décembre la contre-programmation parfaite pour des fêtes hors des sentiers cinématographiques battus.
Puis trois films marquants plus proches du tournant du siècle viendront ponctuer les trois mercredis suivants du mois. A commencer par La Cité de dieu de Fernando Mireilles et Katia Lundi, chez Wild Bunch à partir du 11 décembre, qui avait participé activement au renouveau du cinéma brésilien et à sa popularité internationale au début des années 2000, grâce notamment à ses quatre nominations aux Oscars en 2004 dont celle du Meilleur réalisateur. Plus de vingt ans, deux séries et un film (La Cité des hommes de Paulo Morelli) plus tard, que reste-t-il d’original à redécouvrir dans cette plongée clinquante dans les favelas de Rio De Janeiro ?
La même interrogation nous paraît pertinente, une semaine plus tard chez The Jokers, face à 2046 de Wong Kar-Wai. Vingt-deux ans avant l’année de l’histoire de ce conte futuriste et vingt ans après sa production en 2004, l’occasion de revisiter ce film envoûtant quasiment à mi-chemin ne se refuse pas. Enfin, le seul et unique représentant du cinéma hollywoodien ce mois-ci, c’est Le Dernier des Mohicans de Michael Mann, chez Splendor à Noël. Cette épopée historique portée par Daniel Day-Lewis, Oscar du Meilleur son en 1993, reste à ce jour le seul des douze longs-métrages réalisés par Mann récompensé par l’Académie du cinéma américain.
Légèrement plus jeune, car initialement distribué en France fin 1999, Beyrouth fantôme de Ghassan Salhab – chez Shellac à partir du 11 décembre – vous permettra de mieux comprendre les forces néfastes qui sont actuellement à l’œuvre au Liban. Et si vous avez de la chance et du temps, vous pourrez même découvrir les films suivants du réalisateur libanais, comme Terra incognita, sélectionné à Un certain regard au Festival de Cannes en 2002, et La Vallée dans le cadre d’une rétrospective de même disponible en vidéo.