De retour en salles au mois d’avril 2023

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Jeanne Dielman 23 Quai du Commerce 1080 Bruxelles © 1975 Paradise Films / Unité Trois / Capricci Tous droits réservés

Un nouveau mois, un nouveau programme de ressorties richement fourni. Au fil des quatre mercredis de ce mois d’avril 2023, vous pourriez choyer votre nostalgie de cinéphile grâce à une vingtaine de films qui feront leur grand retour sur grand écran. Comme c’est heureusement souvent le cas, il y en a pour tous les goûts. Du cinéma américain, avec des rétrospectives plus ou moins conséquentes de John Carpenter et Martin Scorsese, mais également du Lubitsch, du Fleischer et du Lang. Du cinéma francophone avec un accent mis sur Jean Grémillon et Bertrand Blier. Ainsi que des raretés du cinéma italien avec trois œuvres de Carlo Lizzani et deux incontournables du cinéma japonais. En somme, de nombreuses belles heures de cinéma de patrimoine en perspective !

Sous réserve des éventuelles découvertes magnifiques à faire – admettons-le, nous n’avons jamais eu le courage d’affronter les trois heures et demie de Jeanne Dielman 23 Quai du Commerce 1080 Bruxelles de Chantal Akerman –, on vous conseille tout particulièrement trois de nos films de chevet : les désopilants, quoique pas pour les mêmes raisons, To Be Or Not To Be de Ernst Lubitsch et Pompoko de Isao Takahata, chez Wild Bunch le 19 avril, ainsi que le mélodrame romantique par excellence Le Temps de l’innocence de Martin Scorsese !

Avant d’entamer le passage en revue de ces belles versions restaurées en six chapitres plus ou moins arbitraires, voici en vrac les films qu’on n’a pas réussi à y intégrer. Dès mercredi prochain, Eurozoom, un distributeur guère habitué aux ressorties, nous fait redécouvrir Charisma de Kiyoshi Kurosawa, De quoi nous rappeler les débuts en France du célèbre réalisateur japonais, assez bien exposé sur nos écrans, puisque pas moins de seize de ses films y ont été projetés depuis la sortie initiale fin 1999 de cette fable philosophique aux accents de western.

Deux semaines plus tard, la pièce maîtresse du cinéma minimaliste au féminin s’est octroyée une cure de jouvence, puisque Delphine Seyrig vaque à ses tâches ménagères chez Chantal Akerman dans une splendide copie restaurée en 2K. Le même jour, Swashbuckler Films nous invite à un voyage intérieur, effets spéciaux inventifs des années 1960 compris, dans Le Voyage fantastique de Richard Fleischer, refait près de vingt ans plus tard par Joe Dante sous le titre L’Aventure intérieure.

Les Bourreaux meurent aussi © 1943 Ned Scott / Arnold Pressburger Films / United Artists / Solaris Distribution
Tous droits réservés

Le premier et le dernier mercredi du mois, vous serez en mesure de vérifier comment le cinéma hollywoodien avait fait face aux pressions de l’actualité guerrière pendant la première moitié des années 1940. Des films de propagande, vous dites ? Dans un sens, certainement, puisque et To Be Or Not To Be, et Les Bourreaux meurent aussi prennent clairement position contre l’invasion nazie. En même temps, le fait qu’on parle encore de ces deux films, quatre-vingts ans après leur sortie, nous laisse supposer qu’ils ont su transcender cette vocation bêtement idéologique.

Car chacun à sa façon démontre des formes de résistance aussi coriaces que courageuses. Dans le chef-d’œuvre de Ernst Lubitsch, déjà vu et revu d’innombrables fois mais dont on ne se lassera jamais et qui est donc de retour dès le 5 avril chez Les Acacias, la troupe de théâtre menée avec une belle complémentarité conjugale par les personnages de Carole Lombard et Jack Benny fait du monde périlleux de l’occupation en Pologne une scène aux revirements rocambolesques. Tandis que le film de Fritz Lang, à l’affiche le 26 avril chez Solaris Distribution, traite la résistance tchèque avec tout le sérieux poétique qu’une collaboration avec le génie Bertolt Brecht implique. A voir dans l’idéal à la suite d’une autre ressortie récente sur une thématique proche, cette fois en Bulgarie, dans Nous étions jeunes de Binka Jeliazkova.

Fog © 1980 Kim Gottlieb / Debra Hill Productions / Avco Embassy Pictures / Studiocanal / Splendor Films
Tous droits réservés

La réputation de l’homme-orchestre John Carpenter (* 1948) n’est plus à faire. En tout cas pas en France, où les rétrospectives en son honneur se suivent, mais ne se ressemblent heureusement pas trop. Alors que son dernier film d’envergure remonte au début du siècle, ses œuvres majeures du cinéma de genre des années 1970 et ’80 jouissent d’une belle popularité indémodable. Ce n’est pas plus tard que fin 2018, début 2019, que Splendor Films avait ressorti six de ses films, dont les incontournables Halloween La Nuit des masques et Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin. Nous avons fait exprès de citer ces deux-là, puisque les quatre autres seront à nouveau inclus dans la rétrospective John Carpenter du monde d’après, toujours chez Splendor Films à partir du 12 avril.

Revoilà donc les plaisirs cinématographiques hautement jouissifs que sont les films d’horreur Fog et Le Prince des ténèbres, ainsi que les œuvres d’anticipation tristement visionnaires New York 1997 et Invasion Los Angeles. Ils se sont remis sur leur 31 à l’occasion de la ressortie, bien plus rare celle-là, de Dark Star, le tout premier film du réalisateur sorti en 1974, deux ans avant Assaut et quatre avant Halloween La Nuit des masques. Avec trois bouts de ficelle, John Carpenter avait alors imaginé une aventure spatiale des plus délirantes. A voir, pourquoi pas, en double programme avec Le Voyage fantastique afin de se rendre compte à quel point les gros moyens hollywoodiens pâlissent en comparaison avec l’inventivité et l’originalité du jeune réalisateur débutant.

Le Temps de l’innocence © 1993 Phillip V. Caruso / Cappa Production / Columbia Pictures / Park Circus France
Tous droits réservés

Martin Scorsese (* 1942) est indéniablement au cœur de l’actualité cinématographique en ce moment. On avait parlé de lui pas plus tard qu’hier dans le cadre de la sélection de son nouveau film Killers of the Flower Moon au Festival de Cannes. Évidemment, sa réputation ne dépendra nullement de la réception de ce film-là, son 26ème long-métrage de fiction en 55 ans de carrière. Elle s’est solidement établie au fil du temps, aussi grâce aux deux films qui ressortiront chez Park Circus France à partir du 12 avril prochain. Après, osons l’hypothèse que ces deux histoires au style et aux enjeux diamétralement opposés n’ont pas passionné les mêmes spectateurs de la même façon.

Personnellement, nous avons toujours eu un peu de mal avec Raging Bull. La maestria technique y est sans l’ombre d’un doute, avec la photo en noir et blanc de Michael Chapman et le montage percutant de Thelma Schoonmaker. Et Robert De Niro n’a pas non plus volé son Oscar du Meilleur acteur en 1981, bien que la même année, nous ayons un faible pour Peter O’Toole dans Le Diable en boîte et John Hurt dans Elephant Man. Néanmoins, cette fable sportive sur la gloire et la chute d’un boxeur de légende ne nous a jamais passionné au même degré que les deux collaborations précédentes entre Scorsese et De Niro : Taxi Driver et New York New York.

Eh oui, nous cédons bien plus volontiers aux films plus soignés et sophistiqués du réalisateur, comme la comédie musicale avec Liza Minnelli, mais surtout à l’image du Temps de l’innocence. Dans cette adaptation d’Edith Wharton tout ou presque nous paraît parfait. De la photo splendide de Michael Ballhaus, à la partition magistrale de Elmer Bernstein, en passant par les décors et les costumes divins de Dante Ferretti et Gabriella Pescucci. Or, ce sont surtout les tourments romantiques des personnages qui confèrent ses lettres de noblesse au film, avec Winona Ryder en victime pas dupe et Joanne Woodward en narratrice tout aussi lucide. A déguster sans modération !

Remorques © 1941 Emmanuel Lowenthal / Sedis / Maîtrise Artisanale de l’Industrie Cinématographique / MK2 Films /
Carlotta Films Tous droits réservés

A quand une véritable rétrospective digne de ce nom consacrée à Jean Grémillon (1898-1959) ? Ce n’est pas non plus pour ce mois d’avril, puisque ses deux films à ressortir profitent plutôt l’un de l’autre, au lieu de démarrer un travail de redécouverte à longue haleine. Ainsi, l’arlésienne du mois, L’Étrange Monsieur Victor avait déjà fait son apparition dans cette chronique au mois de mars, avant que son distributeur Ciné Sorbonne ne le repousse au 26 avril. Dès lors, il prendra la suite de Remorques chez Carlotta une semaine plus tôt. Il s’agit d’une manœuvre commerciale assez inspirée, tant le mélodrame avec Michèle Morgan et Jean Gabin, réunis à l’écran trois ans après Quai des brumes de Marcel Carné, est resté davantage dans l’esprit des spectateurs nostalgiques que le policier avec Raimu.

Il n’empêche que les ressorties des films de Jean Grémillon se font fâcheusement rares. En dehors de la double ressortie dans les années 2010 de Lumière d’été, on a seulement eu droit à la rentrée 2021 à Le Ciel est à vous, tous avec Madeleine Renaud, l’actrice également associée aux deux films de ce mois-ci. Ce qui laisse tout de même encore une dizaine de titres à découvrir, peut-être moins célèbres que ces quatre-là, mais nous serions étonnés si l’une ou l’autre perle de cinéma ne se cachait pas parmi eux …

Buffet froid © 1979 Victor Rodrigue / Sara Films / France 2 Cinéma / UGC / Studiocanal / Splendor Films
Tous droits réservés

Lui, il ne doit pas encore avoir peur que son travail tombe dans l’oubli. Le dernier grand succès populaire du réalisateur français Bertrand Blier (* 1939) remonte certes à Merci la vie. Ce fut en mars 1991 tout de même ! Mais depuis, il continue stoïquement son bonhomme de chemin de cinéaste à l’univers passablement décalé. Avec récemment Convoi exceptionnel, sorti en mars 2019, aux têtes d’affiche porteurs, Gérard Depardieu et Christian Clavier, mais incapable de mettre le box-office français en émoi. Heureusement pour lui, Splendor Films entreprend une grande opération de réhabilitation de sa filmographie. La première étape de cette rétrospective irrévérencieuse, c’était en janvier dernier avec cinq films au programme, de Hitler connais pas jusqu’à Les Acteurs, en passant par Calmos, Tenue de soirée et Un deux trois soleil.

La deuxième débutera le 26 avril avec cette fois trois titres inclus, au respect de l’ordre chronologique toujours aussi vague. Vous pourriez donc faire un deuxième grand écart dans le temps à travers l’univers de Bertrand Blier, à partir de Buffet froid sorti en 1979, en passant par Notre histoire tourné cinq ans plus tard, jusqu’à Mon homme de 1996. Les deux premiers avaient par ailleurs valu à Blier ses deux premiers César du Meilleur scénario, suivis par le grand chelem de Trop belle pour toi en 1990. On y retrouve des acteurs plus ou moins familiers du monde créé par Bertrand Blier : Gérard Depardieu, son père Bernard Blier et Jean Carmet dans le premier ; Alain Delon, Nathalie Baye et Gérard Darmon dans le deuxième ; et enfin Anouk Grinberg, Gérard Lanvin et Valeria Bruni Tedeschi dans le dernier.

La Chronique des pauvres amants © 1954 Osvaldo Civirani / Cooperativa Spettatori Produttori Cinematografici /
Minerva Film / Les Films du Camélia Tous droits réservés

A-t-on gardé le meilleur pour la fin ? Le plus obscur assurément. Car qui, de nos jours, se souvient encore du réalisateur italien Carlo Lizzani (1922-2013) ? Vaguement connu comme scénariste auprès de Roberto Rossellini (Allemagne année zéro) et de Giuseppe De Santis (Riz amer), ancien directeur du Festival de Venise, Lizzani voit très rarement ses films faire partie des hommages au cinéma italien qui rythment la programmation des salles de cinéma de patrimoine les plus éclectiques. Tout juste, on a pu voir son nom apparaître au générique du film à sketches L’Amour à la ville aux côtés de ceux de Michelangelo Antonioni, Federico Fellini et Dino Risi. Cette ressortie à l’été 2020, on la devait déjà aux Films du Camélia. La société de distribution fondée par Ronald Chammah récidivera le 26 avril avec une rétrospective en trois films.

Comme ce fut déjà le cas avec le cycle Michael Roemer, en salles depuis quinze jours, ce sera l’occasion rêvée de se familiariser au moins un peu avec le travail de ce cinéaste engagé. En effet, à la fois La Chronique des pauvres amants, Storie di vita e malavita et San Babila Un crime inutile reflètent les convictions politico-sociales de Carlo Lizzani, un homme fermement engagé à gauche de l’échiquier politique. Des films qui séduisent donc autant par leur rareté que par leur regard partisan sur l’actualité italienne des années 1950 pour le premier et des années ’70 pour les deux autres.

Pompoko © 1994 Studio Ghibli / Wild Bunch Distribution Tous droits réservés

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