Malgré ses cinq mercredis et donc ses cinq occasions de nous faire découvrir ou redécouvrir les trésors du cinéma d’antan, le mois d’août 2022 n’a hélas rien de bien exceptionnel en termes de programme de ressorties. Certes, des rétrospectives de deux cinéastes français au style hautement complémentaire sauvent tant soit peu les apparences. Mais sinon, vous aurez moins d’une dizaine de films à revoir dans votre salle de répertoire préférée.
François Truffaut et F.J. Ossang : ces deux réalisateurs ont œuvré dans des sphères cinématographiques et à des époques mutuellement exclusives. Tandis que le premier reste toujours un garant de la qualité française post-Nouvelle vague, le deuxième n’a jamais vraiment réussi à sortir de la confidentialité dans laquelle ses films, indiscutablement conçus en dehors des sentiers battus de la production cinématographique, l’ont enfermé depuis le milieu des années ’80.
Pour des films plus grand public, les distributeurs spécialisés dans le cinéma des décennies passées vous ont également préparé quelques titres franchement pas si rares signés, par ordre chronologique, Alfred Hitchcock, Akira Kurosawa, Vera Chytilova, Tony Richardson, John Carpenter, Harold Ramis, Jean-Marc Vallée et Gus Van Sant.
François Truffaut Les Années d’or
Est-ce que François Truffaut (1932-1984) a eu le temps de connaître des périodes creuses au fil de son quart de siècle brillant derrière la caméra, entre Les 400 Coups en 1959 et Vivement dimanche ! en 1983 ? Sans prétendre à être un expert truffaldien, on dirait que non. Le titre sous lequel Carlotta Films regroupera sept de ses films à partir de demain, « Les Années d’or », relève donc plus de l’argument publicitaire qu’autre chose. Car des chefs-d’œuvre, le protégé d’André Bazin en a tourné assez régulièrement parmi sa vingtaine de longs-métrages, avant sa disparition précoce en octobre 1984 à l’âge de 52 ans. Pas plus tard qu’en décembre dernier, le même distributeur nous en avait donné la preuve, grâce aux cinq aventures d’Antoine Doinel, le personnage phare de Truffaut interprété magistralement pendant vingt ans par Jean-Pierre Léaud.
Ce sont essentiellement les années ’70 qui sont mises à l’honneur par cette rétrospective partielle en copies restaurées. Entre l’adaptation cynique de Cornell Woolrich La Mariée était en noir avec Jeanne Moreau en 1968 et le plus beau film morbide de l’Histoire du cinéma La Chambre verte avec Nathalie Baye dix ans plus tard, François Truffaut avait tout loisir de réaliser les films qu’il souhaitait. Presque la moitié des films qu’il avait tournés pendant cette période manquent à l’appel. Ceux qui restent fournissent toutefois un corpus indéniablement cohérent par rapport aux sujets de prédilection du réalisateur. Avec les femmes fatales d’un côté et les enfants sauvages de l’autre, on ne pourra pas dire que Truffaut n’ait pas cherché à sonder l’âme et la société humaines dans toutes leurs contradictions.
Trilogie F.J. Ossang
Comme nous l’avons dit plus haut, le cas de F.J. Ossang (* 1956) est déjà bien plus confidentiel, voire problématique que celui de François Truffaut. Seulement cinq films en plus de trente ans, cela laisse supposer à la fois une difficulté financière de monter des projets atypiques et une exigence artistique pour les voir aboutir. Onze ans après avoir présenté une première fois les trois œuvres initiales du réalisateur en mars 2011, le distributeur Solaris les ressortira à partir du 24 août en version restaurée. De quoi renouer avec ce réalisateur à part dans le paysage filmique en France, dont le dernier film 9 doigts était sorti il y a quatre ans.
L’Affaire des divisions Morituri, Le Trésor des îles chiennes et Docteur Chance : au vu de ces titres, c’est à une relecture décalée du film de genre à laquelle nous convie F.J. Ossang. Du cinéma rock et punk sans aucun doute, à ne mettre peut-être pas devant des spectateurs en quête de divertissements gentiment formatés !
Kurosawa, Hitchcock et les autres
En dehors de ces deux cycles passionnants, il faudra s’armer de patience avant de découvrir deux films à peu près originaux le dernier mercredi et en l’occurrence le dernier jour du mois, grâce au conte de famille canadien C.R.A.Z.Y. de Jean-Marc Vallée chez l’Atelier Distribution et l’encore plus irrévérencieux Les Petites marguerites de Vera Chytilova chez le défenseur hors pair du cinéma est-européen Malavida Films. Auparavant, il faudra se contenter de quelques films déjà multidiffusés, à l’exception des deux ressorties du 17 août, chez Carlotta Films le récent Gerry de Gus Van Sant et son odyssée dans le désert subie par Casey Affleck et Matt Damon et le policier poisseux au décor semblable Police frontière de Tony Richardson avec Jack Nicholson et Harvey Keitel, à qui le distributeur Solaris a préféré rendre son titre original The Border.
Les quatre films restants du programme de ressorties sont des classiques incontestables, dont l’attrait principal serait alors de les voir ou revoir enfin sur grand écran dans toute leur splendeur restaurée. Trois d’entre eux sortiront mercredi prochain, le 10 août : Christine de John Carpenter chez Ciné Sorbonne, qui n’est plus à une (annonce de) ressortie près, le film culte de toute une génération de spectateurs Un jour sans fin de Harold Ramis et sa journée sans cesse répétée pour le personnage que Bill Murray interprète avec un stoïcisme admirable chez Les Acacias, ainsi que Rashomon chez Potemkine, le film qui avait révélé le cinéma japonais au monde occidental au début des années 1950, tout comme sa vedette Toshiro Mifune et son réalisateur Akira Kurosawa, au cœur d’une rétrospective à la Cinémathèque Française à Paris en octobre et novembre prochains.
Deux semaines plus tard, le 24 août, Ciné Sorbonne continue son hommage à l’univers hitchcockien des années ’40 avec Rebecca – Oscar du Meilleur Film en 1941.