La Roche-sur-Yon 2016 : De Palma

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De Palma

Etats-Unis, 2016
Titre original : De Palma
Réalisateurs : Noah Baumbach & Jake Paltrow
Intervenant : Brian De Palma
Distribution : –
Durée : 1h50
Genre : Documentaire de cinéma
Date de sortie : –

Note : 3,5/5

Commencer un documentaire sur l’œuvre de Brian De Palma avec l’extrait d’un film de Alfred Hitchcock, Sueurs froides en l’occurrence, cela coule de source. Aucun autre réalisateur ne s’est en effet autant laissé inspirer sur la durée par le style du maître du suspense que l’homme derrière des hommages aussi manifestes que Obsession, Pulsions et Body double. Sauf que le documentaire réalisé par Noah Baumbach et Jake Paltrow s’apparente infiniment plus à la confession intime d’un cinéaste de premier rang qu’à une analyse approfondie de ses thématiques favorites. Le dispositif adopté par De Palma se distingue tout d’abord par sa sobriété. Le réalisateur plus très jeune se confie directement à la caméra, sans relance d’un interlocuteur hors champ, ni interventions de ses anciens collaborateurs qui chanteraient les louanges de sa méthode de travail. La seule variation visuelle provient de nombreux extraits et photos de tournage, qui illustrent les propos de Brian De Palma. Ce dernier passe en revue l’ensemble de sa carrière, longue d’un demi-siècle et riche d’une trentaine de films. Pareil exercice à la fois rétrospectif et introspectif pourrait finir par ennuyer ceux et celles qui n’ont jamais su adhérer à l’œuvre foisonnante du réalisateur, d’autant plus que le timbre de la voix de Brian De Palma n’est pas des plus engageants. Pour tous les autres, ceux qui – comme nous – se passionnent depuis longtemps pour une filmographie hors pair ou ceux qui souhaitent en savoir plus sur les métiers et l’histoire du cinéma, ce documentaire est une véritable aubaine !

Synopsis : Pendant une semaine en 2010, le célèbre réalisateur américain Brian De Palma a partagé ses souvenirs d’une carrière bien remplie avec ses confrères Noah Baumbach et Jake Paltrow. De ces trente heures d’entretien est né un documentaire qui retrace en détail la vie professionnelle de Brian De Palma, depuis ses débuts avec ses amis, la génération qui émerge au début des années 1970 à laquelle appartiennent entre autres Martin Scorsese, Steven Spielberg, George Lucas, Francis Ford Coppola et Paul Schrader, en passant par ses rapports instables avec les studios de cinéma, jusqu’à ses derniers films, produits loin de Hollywood.

Pas désolé pour le dérangement

Qu’est-ce qui fait la particularité du cinéma selon Brian De Palma et lui confère par conséquent le droit de prétendre à une considération particulière de la part des cinéphiles aguerris ? Est-il un simple artisan employé abondamment par l’industrie du cinéma américain, voire un vilain copieur de figures de style sophistiquées qu’il aurait irrémédiablement rabaissées ? Ce documentaire hautement instructif ne se préoccupe guère de répondre à ces questions théoriques. Il préfère donner la parole exclusive à l’intéressé lui-même, qui est assez critique de ses propres films pour ne pas laisser s’égarer De Palma vers le terrain sans intérêt de l’hagiographie réservée aux fanatiques conquis d’avance. Brian De Palma ne mâche certes pas ses mots, lorsqu’il évoque par exemple telle ou telle anecdote de tournage ou quand il revient sur le fonctionnement parfois absurde de l’usine hollywoodienne. Mais ce qui prévaut pendant ces près de deux heures de cours magistral de luxe, c’est une compréhension profonde du métier de réalisateur, ainsi que – sans doute encore plus important dans ce contexte – la capacité de le transmettre sans langue de bois.

Seul au sein du système

Le caractère exhaustif du tour d’horizon ne permet hélas pas toujours l’approfondissement sur certains films de Brian De Palma, plus mémorables que d’autres, même si l’avis du réalisateur ne tend point à s’emballer. Il fournit au contraire de précieuses pistes de réflexion sur ce qui aurait pu rendre meilleurs ses enfants artistiques, à qui il trouve presque sans exception quelque chose à redire. L’impression globale qui résulte de ce documentaire d’une sobriété à toute épreuve est celle d’une immense lucidité, quant aux coups de chance et aux déconvenues qui ont rythmé dès le début une carrière en dents de scie. Toujours un trublion en manque d’une cause clairement définie, soumis aux sautes d’humeur pénibles des lois du box-office et jamais célébré sans réserve par la communauté dont il fait pourtant partie intégrante depuis près d’un demi-siècle, Brian De Palma est l’un de ces derniers monstres sacrés issus du cinéma hollywoodien des années ’70 en quête de reconnaissance. De Palma s’emploie à redresser ce tort impardonnable non pas en y mettant les bouchées doubles en termes de nostalgie voyante, mais en nous rappelant le nombre très élevé de films du réalisateur que nous avons adoré passionnément.

Conclusion

En plus de ses qualités intrinsèques, De Palma doit sa sélection au Festival de La Roche-sur-Yon à la volonté des programmateurs de lui permettre d’y trouver éventuellement un distributeur français. Ce type de documentaire, simultanément érudit et instructif, mérite absolument une telle exposition large et prestigieuse, ne serait-ce que pour écarter une fois pour toutes l’impression trompeuse que ces entretiens-fleuve appartiennent au genre mineur des making of et autres suppléments dispensables. Espérons donc que nous pourrons le revoir prochainement à Paris – et partout en France – et qu’il sera alors le prétexte plus que bienvenu pour une rétrospective ambitieuse de l’œuvre du réalisateur, pourquoi pas à la Cinémathèque Française ou aux Fauvettes !

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