Françaises, Français, soulevez-vous ! La fête nationale du 14 juillet, comme tout le monde le sait en souvenir de la prise de la Bastille en 1789, n’aura certes lieu que dans huit semaines. Et par les temps de déconfinement progressif qui courent, il est peu probable qu’elle ait lieu cette année avec les grands défilés traditionnels. Sans même parler du fait que l’interdiction de rassemblement toujours en vigueur rendrait tout soulèvement populaire, ne serait-ce que sous la forme typiquement française de la grève, carrément impossible. Néanmoins, les sélectionneurs toujours aussi avisés de LaCinetek vous convient encore jusqu’au 9 juin inclus à célébrer en dix films diverses têtes brûlées, qui avaient tenté de se révolter à leurs risques et périls. La formule de la sélection du mois reste inchangée, puisque contre la modique somme de moins de trois euros – ou bien de trente euros pour un abonnement annuel – vous pourriez déguster sans compter ces films-là sur le site de LaCinetek.
Comme la plupart des services de vidéo en ligne, à la demande ou par souscription, la Cinémathèque des réalisateurs se porte exceptionnellement bien en cette période de salles de cinéma fermées. Selon un entretien avec son délégué général Jean-Baptiste Viaud, paru la semaine dernière sur le site du magazine professionnel Le Film français, la plateforme aurait même multiplié par quatre son activité. Parmi les plus de 1 400 titres disponibles à la demande, ce seraient les comédies populaires comme L’Homme de Rio de Philippe De Broca, ainsi que Les Demoiselles de Rochefort et Peau d’âne de Jacques Demy, qui auraient été les plus sollicitées. Dans le contexte difficile pour les festivals, LaCinetek devrait en plus s’associer à celui de La Rochelle pour une édition virtuelle au début de l’été.
La révolte contre telle ou telle injustice débouche rarement sur de la rigolade. Il vous faudra donc vous ruer sur Le Péril jeune, le deuxième long-métrage de Cédric Klapisch, l’un des fondateurs de la plateforme dédiée au cinéma de patrimoine aux côtés de Pascale Ferran et de Laurent Cantet, pour un divertissement à peu près léger. Car même dans ce récit de bacheliers, la nostalgie pèse sur le tempérament déchaîné au sein de cette bande de potes au seuil de l’âge adulte. Quoiqu’il en soit, ces personnages interprétés par de futures valeurs sûres du cinéma français peuvent s’estimer heureux de ne pas devoir se heurter à la même discipline draconienne que ceux dans le britannique Scum de Alan Clarke.
Les autres films français de la sélection commémorent des événements charniers de l’Histoire nationale. Pour La Marseillaise de Jean Renoir et L’Anglaise et le duc de Eric Rohmer, il s’agit de la Révolution, respectivement dans le sillage du Front populaire des années 1930 et dans celui des expérimentations esthétiques et techniques avec le numérique au début de ce siècle. Le mois bouillonnant de contestation par excellence, mai ’68, n’est par contre que partiellement représenté, à travers le film collectif L’An 01, et pas vraiment dans le documentaire Le Joli mai de Chris Marker et Pierre Lhomme, une anticipation au mieux indirecte des bouleversements à venir, enregistrée au début de l’été en 1962. Enfin, Jacques Demy n’a jamais brillé par ses idées révolutionnaires. En dépit des meilleures intentions musicales et sociales à l’œuvre dans Une chambre en ville, l’un des derniers films du réalisateur vaut à la limite le détour pour le craquant Richard Berry et en tant qu’hommage au regretté Michel Piccoli.
Quant aux films étrangers, la révolution rime en Italie avec la corruption dans le magistral Main basse sur la ville de Francesco Rosi. En Union soviétique, elle est conjuguée au fil de la reconstitution tout aussi virtuose par Sergueï M. Eisenstein de l’assaut de la ville d’Odessa dans Le Cuirassé Potemkine. Et le cinéma américain est représenté par une rareté iconoclaste, Le Sel de la terre de Herbert J. Biberman, d’autant plus impressionnante que ce drame social sur des ouvriers mexicains en grève a été produit au plus fort de la période sombre du MacCarthysme.
La sélection « Révoltes & révolutions » du mois de mai 2020
L’An 01 (France / 1973) de Jacques Doillon, Alain Resnais et Jean Rouch, avec Gérard Depardieu et Romain Bouteille
L’Anglaise et le duc (France / 2001) de Eric Rohmer, avec Jean-Claude Dreyfus et Lucy Russell
Le Cuirassé Potemkine (Union soviétique / 1925) de Sergueï M. Eisenstein, avec Alexandre Antonov et Vladimir Barsky
Le Joli mai (France / 1963) de Chris Marker et Pierre Lhomme
Main basse sur la ville (Italie / 1963) de Francesco Rosi, avec Rod Steiger et Salvo Randone, Lion d’or au Festival de Venise en 1963
La Marseillaise (France / 1938) de Jean Renoir, avec Pierre Renoir et Lise Delamare
Le Péril jeune (France / 1994) de Cédric Klapisch, avec Romain Duris et Vincent Elbaz
Scum (Royaume-Uni / 1979) de Alan Clarke, avec Ray Winstone et Mick Ford
Le Sel de la terre (États-Unis / 1954) de Herbert J. Biberman, avec Will Geer et David Wolfe
Une chambre en ville (France / 1982) de Jacques Demy, avec Dominique Sanda et Richard Berry