Si vous suivez sinon religieusement, au moins avec une certaine régularité l’actualité de notre site, tout beau, tout neuf depuis une semaine, vous saurez que nous avons trouvé notre bonheur de confiné cinéphile ailleurs que sur LaCinetek. Pourtant, cela ne nous empêche pas de vous conseiller, aussi chaudement que tardivement, le dernier cycle thématique en dix films qui y est encore disponible pendant sept jours, jusqu’à samedi prochain. La qualité de la sélection est une fois de plus irréprochable sur la Cinémathèque des réalisateurs, fondée par Pascale Ferran, Cédric Klapisch et Laurent Cantet, même si en ces temps de désœuvrement imposé, c’est davantage du côté de la quantité que les cinéphages risquent de rester sur leur faim.
Qu’à cela ne tienne, pour la modique somme de moins de trois euros par mois, en bien calculant votre date de prise d’abonnement, vous pourriez bénéficier d’une période à cheval entre deux cycles de films à regarder à volonté. Celui de ce mois-ci s’annonce également déjà alléchant, avec son programme révolutionnaire, spécialement conçu pour vous permettre de récupérer avec vigueur de l’état de torpeur identitaire aggravé dans lequel les variations sur la figure du double vous auront propulsés depuis la mi-avril. Afin de regarder dans les meilleures conditions techniques les dix films sélectionnés, dont sept en copies restaurées en haute définition, le site de LaCinetek permet a priori le visionnage hors ligne, une véritable aubaine pour les internautes éprouvés par les aléas du débit de leur connexion.
En plus de la sélection mensuelle et des listes des films de chevet des réalisateurs internationaux les plus reconnus, LaCinetek organise un ciné-club au cours duquel ses invités analysent une œuvre cinématographique choisie au préalable. Ce mois-ci, les mercredi 6 et jeudi 7 mai, le quatrième rendez-vous sera animé, via Zoom, par les réalisateurs Michel Hazanavicius et Cédric Klapisch autour du classique du cinéma italien Nous nous sommes tant aimés de Ettore Scola, César du Meilleur Film étranger en 1977 et qui avait fait partie du cycle « Amitiés » de LaCinetek en septembre dernier.
Attention, si les bientôt sept semaines de confinement en France ont eu un impact néfaste sur votre santé mentale, on aurait tendance à vous déconseiller de plonger les yeux et l’esprit grands ouverts dans les dix films de ce cycle, qui voient défiler ce que les maîtres du cinéma d’hier ont osé imaginer de plus tordu ! Jugez-en plutôt par vous-mêmes à partir des noms qui anoblissent cette liste fort prestigieuse : David Lynch, Luis Buñuel et David Cronenberg en tant que trublions iconoclastes et pervers en chef, assistés de main de maître par la crème de la crème du cinéma art & essai, Apichatpong Weerasethakul, Krzysztof Kieslowski et l’omniprésent Ingmar Bergman.
Dans aucun de ces films, la question du moi n’est traitée sous un jour platement psychologique. Chacun d’entre eux déconstruit avec panache et une inventivité folle les frontières communément admises de l’identité. Entre l’horreur sanguinolente de Chromosome 3 de David Cronenberg et la nostalgie sous sa forme la plus artificielle dans Fedora de Billy Wilder, le champ des possibles est en effet illimité. Cependant, on serait plus empressés de retrouver Katharine Hepburn en homme dans Sylvia Scarlett de George Cukor, de nous laisser guider à travers les méandres magiques d’une transformation animalière dans Tropical Malady de Apichatpong Weerasethakul ou bien de perdre carrément la boule dans l’univers toujours aussi déroutant de David Lynch grâce à Lost Highway que de subir une deuxième fois la bizarrerie assumée de Dancing, pour le meilleur et surtout pour le pire le film découverte de la sélection, à ne pas montrer à Monsieur et Madame Tout-le-monde.
La sélection « Double je » du mois d’avril 2020
Cet obscur objet du désir (France / 1977) de Luis Buñuel, avec Fernando Rey et Carole Bouquet
Chromosome 3 (Canada / 1979) de David Cronenberg, avec Oliver Reed et Samantha Eggar
Dancing (France / 2003) de Patrick-Mario Bernard, Xavier Brillat et Pierre Trividic, avec Jean-Yves Jouannais et Patrick-Mario Bernard
La Double vie de Véronique (France / 1991) de Krzysztof Kieslowski, avec Irène Jacob et Halina Gryglaszewska, Prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes en 1991
Fedora (Allemagne / 1978) de Billy Wilder, avec William Holden et Marthe Keller
Identification d’une femme (Italie / 1982) de Michelangelo Antonioni, avec Tomas Milian et Christine Boisson, Prix du 35ème anniversaire au Festival de Cannes en 1982
Lost Highway (États-Unis / 1997) de David Lynch, avec Bill Pullman et Patricia Arquette
Persona (Suède / 1966) de Ingmar Bergman, avec Bibi Andersson et Liv Ullmann
Sylvia Scarlett (États-Unis / 1935) de George Cukor, avec Katharine Hepburn et Cary Grant
Tropical Malady (Thaïlande / 2004) de Apichatpong Weerasethakul, avec Banlop Lomnoi et Sakda Kaewbuadee, Prix du jury au Festival de Cannes en 2004