Critique : Working Woman

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Working Woman

Israël : 2018
Titre original : Isha Ovedet
Réalisation : Michal Aviad
Scénario : Michal Aviad, Michal Vinik, Sharon Azulay Eyal
Interprètes : Liron Ben-Shlush, Menashe Noy, Oshri Cohen
Distribution : KMBO
Durée : 1h33
Genre : Drame
Date de sortie : 17 avril 2019

3.5/5

Avant tout spécialisée dans les documentaires, il arrive à Michal Aviad de réaliser un film de fiction : il y a 6 ans, il y avait eu Invisible, avec la regrettée Ronit Elkabetz, aujourd’hui, c’est Working Woman. Deux films de fiction aux sujets relativement proches et pour lesquels la réalisatrice, en bonne documentariste, a fait beaucoup de recherches, tout en montrant une très bonne maîtrise dans ma mise en scène et dans la direction d’acteur.

Synopsis : Orna travaille dur afin de subvenir aux besoins de sa famille. Brillante, elle est rapidement promue par son patron, un grand chef d’entreprise. Les sollicitations de ce dernier deviennent de plus en plus intrusives et déplacées. Orna prend sur elle et garde le silence pour ne pas inquiéter son mari. Jusqu’au jour où elle ne peut plus supporter la situation. Elle décide alors de changer les choses pour sa famille, pour elle et pour sa dignité.

Quand un employeur se croit tout permis !

Mariée et maman de trois jeunes enfants, c’est avec beaucoup d’enthousiasme que Orna fait part à son mari de sa joie d’être engagée comme assistante de Benny Almog, son ancien commandant dans l’armée, reconverti comme promoteur et sur le point de mettre à la vente un vaste programme immobilier en front de mer, à proximité de Tel Aviv. Un travail qui tombe à pic car, financièrement, les affaires vont plutôt mal, le restaurant que Ofer, son mari, vient d’ouvrir, n’arrivant pas, pour l’instant à nourrir la famille. Quand bien même l’immobilier est un domaine nouveau pour elle, Orna se montre très rapidement à l’aise dans son travail : elle est très sérieuse, pleine d’idées et, en plus, elle parle correctement le français, un atout très utile dans la mesure où, en France, de nombreux juifs trouvent que la situation empire pour eux et envisagent d’aller s’établir au soleil, en bord de mer et à proximité d’une synagogue. A la condition, toutefois, pour certains, qu’il y ait dans le quartier une épicerie fine avec des croissants frais tous les matins !

De toute évidence, Benny semble enchanté de ce qu’elle apporte à son entreprise : tout semble donc aller pour le mieux pour cette « Working Woman », même s’il s’avère parfois difficile pour Orna de concilier sa vie professionnelle et sa vie de mère de famille, même si Ofer n’apprécie pas trop que sa femme ait une vie en dehors de leur couple et de leurs enfants. Jusqu’au jour où Benny va commencer à se montrer empressant auprès d’elle. Orna a besoin de ce travail, elle ne ressent pas le besoin de parler de cet écart à Ofer et elle espère que le fait de rappeler à Benny qu’ils sont mariés tous les deux va suffir à calmer ses pulsions. Cela ne vas pas suffir et il va lui falloir trouver autre chose !

Une tension sourde

Lors de sa recherche de fonds pour la réalisation de son film, Michal Aviad a souvent eu à faire face à des commentaires tels que « Il ne se passe rien » ou « Où est le drame ? ».  « N’est-ce pas édifiant qu’un tel drame dans la vie d’une femme soit considéré comme un événement si peu dramatique au cinéma? » se demandait la réalisatrice. En fait, la réalisatrice et ses deux coscénaristes ont choisi de rester le plus longtemps dans une sorte de zône grise représentée par toute la période entre la première sollicitation de Benny et la dernière, celle qui va amener Orna à ne plus rester dans une sorte de passivité. Une zône grise durant laquelle le comportement de Benny n’arrête pas de se modifier, passant de la gentillesse à des remarques sur la coiffure et l’habillement de Orna, de la « pommade » passée à Orna quant à la qualité de son travail, suivie d’une promotion, à des jeux plus que louches avec la lumière : des comportements que beaucoup de « Working Women » connaissent malheureusement dans le cadre professionnel. On ose espèrer que les spectateurs se montreront plus lucides que les éventuels bailleurs de fonds rencontrés par Michal Aviad et sauront ressentir la tension sourde diffusée tout au long de cette zône grise par les comportements de Benny et d’Orna.

Des choix judicieux

Dans la façon de filmer de Michal Aviad, on remarque 3 constantes : l’utilisation presque exclusive de plans séquence, le plus souvent assez longs ; le fait de filmer le plus souvent Orna de dos lors de ses déplacements ; le fait de parsemer son film de scènes au cours desquelles 2 événements se déroulent, celle en premier plan étant nette, celle en arrière plan étant floue. Ces choix permettent de donner autant d’importance aux gestes qu’aux mots, ce qui correspond bien au déroulement d’un harcèlement, et de privilégier le point de vue de Orna dans ce qui est montré.

Impressionnée par la prestation de Liron Ben-Shlush dans Chelli dont elle avait écrit le scénario et dans lequel elle jouait le rôle principal, puis par les essais réalisés pour le film, Michal Aviad tenait tellement à avoir cette comédienne pour interpréter le rôle d’Orna qu’elle a reporté de 5 mois le tournage du film. Un choix courageux qui s’est avéré gagnant tant le jeu de  Liron Ben-Shlush apparait sans faille que ce soit en tant que mère de famille, que « Working Woman » dynamique, ambitieuse et pleine d’idées ou qu’en femme inquiète faisant l’objet de harcèlement de la part de son patron. Sans qu’il ait de rôle principal dans ces 2 films, on avait déjà rencontré Menashe Noy, l’interprète de Benny, dans Le policier et dans Le procès de Viviane Amsalem. Quant à Oshri Cohen, l’interprète de Ofer, le mari d’Orna, il avait le premier rôle dans Beaufort et un rôle important dans Lebanon. Tous les deux se montrent excellents dans Working Woman.

Conclusion

C’est (malheureusement !) un sujet universel que Michal Aviad a choisi de traiter dans son deuxième long métrage de fiction : le harcèlement que subissent de nombreuses femmes dans le cadre de leur travail, que ce soit de la part de leurs employeurs, de leurs supérieurs hiérarchiques ou de simples collègues. Aidée par une très bonne distribution, elle le fait avec beaucoup de tact, en s’écartant du spectaculaire et du graveleux. Si le choix de ce sujet l’autorise à ne jamais aborder de façon frontale la situation politique en Israël, le fait que ce travail se déroule dans les affaires immobilières lui permet de montrer comment son pays et les agents immobiliers vendent aux plus riches, souvent en provenance de l’étranger, les derniers espaces naturels en bord de mer.

 
https://www.youtube.com/watch?v=s3AR6Soobms

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