Critique : Wonder Woman 1984

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1960

Wonder Woman 1984

États-Unis: 2020
Titre original : –
Réalisation : Patty Jenkins
Scénario : Patty Jenkins, Geoff Johns, David Callaham
Acteurs : Gal Gadot, Chris Pine, Kristen Wiig
Éditeur : Warner bros.
Durée : 2h31
Genre : Fantastique
Date de sortie DVD/BR : 7 avril 2021

3,5/5

En 1984, après avoir sauvé le monde dans Wonder Woman, l’immortelle guerrière amazonienne, la princesse Diana de Themyscira, essaye de rester sous le radar, travaillant comme archéologue au Smithsonian Museum. Avec le souvenir du courageux pilote américain, le capitaine Steve Trevor, gravé dans son esprit, Diana Prince est mêlée à une sinistre conspiration aux proportions mondiales lorsqu’une pierre précieuse attire l’attention de l’entrepreneur avide de pouvoir, Maxwell Lord…

Malgré les réserves que nous avions émises sur le film au moment de sa sortie en vidéo, il semble que le Wonder Woman de Petty Jenkins ait été, en 2017, plutôt apprécié des spectateurs en général – on en veut pour preuve l’excellente note de 7,2/10 qu’il affiche sur le site de référence IMDb. Quatre ans plus tard, et pour utiliser une expression des années 80 tout à fait à propos dans ce contexte, il semble que concernant Wonder Woman 1984, ça ne soit pas la même limonade du côté des échos publics et critiques.

En effet, il semble, et c’est le moins que l’on puisse dire, que Wonder Woman 1984 divise les critiques. Sur l’agrégateur Rotten Tomatoes, le film obtient un score de 65 %, avec une moyenne de 6,3/10, calculée sur la base de 199 critiques positives et 109 négatives. Sur IMDb, le film n’affiche à ce jour qu’une note de 5,4/10, moyenne obtenue sur la base de 191.000 votants. Plus proche de nous – mais sans doute un peu moins représentatif – le site Allociné lui a calculé une moyenne « presse » de 2/5, et les critiques « spectateurs » sont à peine plus généreuses avec une moyenne de 2,3/5. Pour autant, avec 165 millions de dollars de recettes récoltées dans un contexte sanitaire difficile, Wonder Woman 1984 semble avoir satisfait Warner, qui a déjà officialisé une nouvelle suite, toujours avec Patty Jenkins aux commandes.

Qu’est-ce qui explique alors la tiédeur générale du public vis-à-vis de Wonder Woman 1984 ? Puisqu’ils n’ont probablement pas d’incidence sur le ressenti des spectateurs, évacuons d’entrée de jeu les problèmes de production qu’a pu subir le film, notamment au niveau de sa distribution contrariée par la crise sanitaire du Covid-19. A l’origine, les nouvelles aventures de Wonder Woman auraient dû se retrouver dans les salles en face-à-face avec le Black Widow chez Marvel, mais Warner et DC Comics ont préféré accélérer le processus, quitte à sacrifier l’exploitation du film dans plusieurs pays, dont la France. On suppose cela dit que cette décision est probablement une bonne chose pour Wonder Woman 1984 : il n’est jamais bon de se retrouver en concurrence directe avec Marvel.

Éprouvant d’énormes difficultés à s’imposer face à son rival de toujours, DC a pourtant tenté ici de se rapprocher des goûts du public, en proposant, dès la première bande-annonce, un univers coloré prenant place dans les années 80, très populaires ces dernières années, notamment grâce à l’engouement s’étant créé autour de la série Stranger things. De fait, on imaginait que ce Wonder Woman 1984 s’imposerait comme le pendant DC Comics d’un film tel que Thor Ragnarok, ou se rapprochant de la folie douce développée par James Gunn sur ses deux Gardiens de la galaxie.

Malheureusement, il n’en sera finalement rien ; pire encore, le fait de situer le récit en 1984 n’apporte ici absolument rien au récit. Ce choix de placer Wonder Woman 1984 au cœur des années 80 tient du prétexte inutile, et ne sera finalement l’objet que d’une toute petite poignée de gags sans réel intérêt. Quand la boite à idées faisait le choix, en 2019, de situer Captain Marvel dans les années 90, elle le faisait avec intelligence, plaçant habilement de nouveaux personnages au cœur d’une chronologie complexe et cohérente, qui se prolongerait par la suite dans d’autres films et séries estampillés Marvel (Avengers : Endgame, WandaVision…). Chez DC, c’est un gadget, une coquetterie, et le récit aurait tout aussi bien être placé en 1960 ou en 2175 que ça n’y aurait rien changé.

DC Comics a également le tort de ne pas parvenir à s’affranchir des « anciens » codes du film adapté de comics. Ainsi, on aura à nouveau droit dans Wonder Woman 1984 à une longue exposition des personnages qui deviendront les « méchants » du film – des personnages insignifiants, en proie aux vexations et aux humiliations, qui finiront par devenir des méchants pour se venger du monde qui les entoure. Attendez, heu, sérieusement les gars ? C’est vraiment dommage, d’autant que Pedro Pascal et surtout Kristen Wiig s’avèrent tous deux excellents. Habituée aux rôles comiques, Kristen Wiig prouve ici qu’elle est capable d’incarner un personnage sombre, nourri de complexes et de rancœur.

Heureusement, le film de Patty Jenkins nous propose une poignée de bonnes idées narratives en parallèle à ce recours aux clichés les plus éhontés du genre. Ainsi, le personnage de Diana / Wonder Woman sera amené à changer, à évoluer vers une plus grande noblesse. En effet, une grande partie de l’intrigue est placée sous le signe des « caprices » de la super-héroïne, de son incapacité à accepter que les choses n’aillent pas dans son sens, que cela soit dans son enfance ou à l’âge adulte. Wonder Woman 1984 lui permettra d’évoluer vers une plus grande maturité, en endossant symboliquement l’armure de ses aïeules dans la dernière ligne droite du métrage. Cette transformation se ressent également dans le jeu de l’actrice principale. Transparente dans le film d’origine, Gal Gadot s’offre ici une poignée de séquences lui permettant de prouver qu’elle est une véritable comédienne, capable lors de son premier affrontement avec Cheetah de faire naître une réelle émotion dans son jeu.

L’autre gros défaut du film a probablement à voir avec sa longueur exagérée, qui tend à accentuer ses défauts de construction. Ainsi, la lente progression de l’emprise de Max Lord sur le monde aurait probablement gagné à se voir considérablement raccourcie. Comme Trey Parker et Matt Stone l’avaient parfaitement résumé en chanson dans Team America : World Police : « Show a lot of things happening at once / Remind everyone of what’s going on / And with every shot, show a little improvement / To show it all would take too long / That’s called a montage ». Il semble en effet qu’un montage des différentes scènes de « vœux » exaucés par Max Lord après les deux premiers aurait contribué à faire gagner trois quarts d’heure au film. Un montage de ces éléments ralentissant le récit aurait sans doute également permis au film de mettre beaucoup plus en avant le personnage de Cheetah, la vraie méchante du film, qui aurait clairement mérité d’être présentée comme telle.

D’ailleurs, avant la diffusion de Wonder Woman 1984 sur TF1 le 19 mars 2023, les bandes-annonces diffusées par la chaîne se concentraient uniquement sur l’affrontement entre Wonder Woman et Cheetah, retirant complètement de l’équation le personnage incarné par Pedro Pascal… On suppose donc que nous ne sommes pas les seuls à avoir trouvé que le film comptait de flagrants déséquilibres narratifs !

Ajoutons à cela quelques petits défauts inhérents au cinéma d’action (les pneus qui crissent sur le sable, les enfants qui jouent sur la route, insensibles aux détonations / explosions / carambolages qui se font entendre à quelques mètres d’eux), et on comprendra un peu mieux le désamour du public pour la super-héroïne. Cela dit, Wonder Woman 1984 fait aussi par moments des choix esthétiques que l’on pourra qualifier d’audacieux. On pense par exemple à cette séquence un peu too much de l’avion invisible et de la traversée des feux d’artifice, avec un personnage de Chris Pine ne sachant pas ce que c’est – alors même que leur invention date de 1615. Si certains spectateurs n’hésiteront pas à la qualifier de ridicule, on pourra également trouver qu’elle ajoute au film une certaine touche de poésie… Impossible également de ne pas noter la présence, dans la séquence post-générique de fin, de Lynda Carter, interprète de Wonder Woman à la télévision entre 1975 et 1979. On espère sincèrement la voir pour de bon dans le prochain opus de la franchise.

Ainsi, malgré ses imperfections, on irait même jusqu’à considérer Wonder Woman 1984 comme plutôt supérieur à son modèle, qui se contentait d’enfiler les clichés sans autre valeur ajoutée que son solide production design et le charisme de son actrice principale. S’il est encore loin d’être parfait, et même sérieusement handicapé par certaines de ses faiblesses, le film de Patty Jenkins permet à DC Comics de nous livrer un divertissement globalement fréquentable. Ni aussi addictif ni aussi ambitieux que la majorité des productions Marvel se succédant sur le petit et le grand écran depuis quelques années, mais solide, et dénotant de suffisamment de qualités pour, peut-être, enfin permettre à la cinéaste de signer un vrai « bon » film avec le troisième épisode de Wonder Woman. On espère sincèrement qu’il s’agira d’une adaptation du comics « Hiketeia » (Greg Rucka et J. G. Jones, 2002), qui s’avère sans aucun doute un des récits les plus intenses et les plus riches tournant autour du personnage de Wonder Woman.

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