Critique : Wilson

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1898

Wilson

Espagne, 2017
Titre original :
Réalisateur : Craig Johnson
Scénario : Daniel Clowes
Acteurs : Woody Harrelson, Laura Dern, Judy Greer
Distribution : Park Circus
Durée : 1h35
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie : 16 août 2017

Note : 3,5/5

Les personnages de « misfits » réveillent de temps à autres – et souvent pour le meilleur – un cinéma américain parfois un peu endormi. Wilson, héros éponyme de la dernière comédie dramatique de Craig-Johnson, est de ces marginaux qui amènent un vent de fraîcheur toujours bienvenu.

Synopsis : Célibataire, paumé, esseulé, Wilson n’a guère que son chien comme compagnon de route. Mais quand il tente de retrouver son ex-femme Pippi, disparue depuis 17 ans, celle-ci lui apprend qu’une fille est née de leur union après leur divorce et a été adoptée. Dans cette existence à l’arrêt, cette nouvelle pousse Wilson vers un but, enfin : reconstituer sa famille coûte que coûte.

Un innocent d’un autre temps

Adapté de sa bande-dessinée par l’auteur Daniel Clowes lui-même, ce film est généreusement porté par un Woody Harrelson dont l’impressionnante palette de jeu n’est plus à démontrer. Touchant de naïveté et de gaucherie, son personnage évolue dans une Amérique qui a filé tout droit vers les banlieues résidentielles et les réseaux sociaux en l’abandonnant sur le trottoir accidenté de son centre-ville désert. Wilson aborde tout le monde sans se soucier des speech codes (règles du langage développées sur les campus américains des années 1980-90), se livre aux inconnus et leur impose son opinion sans souci du politically correct et de self-esteem. De toutes les places vides du wagon, il prend toujours celle à côté d’un voyageur. Et s’il n’hésite pas à questionner celui-ci sur sa vie, il ne se prive pas de ronfler en l’entendant évoquer son incompréhensible métier digital au titre tout en sigles abscons. C’est que Wilson est profondément curieux des autres, mais tout ce qui relève de l’être social le dépasse. C’est une sorte de « pur » ou d’ « innocent », le syndrome psychique en moins.

Car la maladie de Wilson est autrement plus profonde : il n’est pas « de son temps ». C’est là sa fraîcheur. Loin de l’air conditionné qu’offre l’époque, sa fraîcheur est celle d’un homme banal tenu pour déraisonnable dans un monde devenu absurdement rationnel. Alors que le cinéma outre-atlantique est encombré de héros emboîtés parfaitement comme autant de pièces de Lego conformes dans la fabrique plastique de l’époque, Wilson, lui, est de ceux qui ne rentrent pas dans le moule rigide du rêve américain.

Une autre perspective de l’Amérique

Ce personnage touchant ne jure pas simplement avec le paysage (ce qui a déjà le mérite d’offrir de belles scènes comiques), il le remet en perspective. Dans cette Amérique entièrement quadrillée, aux villes toute en damier et aux rues rectilignes, la première vertu de ce « désaxé » et peut-être justement de recadrer notre regard. L’air de rien, par petites touches et sans jamais trop appuyer le trait, une scène ou une simple réplique viennent ébranler nos attentes de spectateur et nos habitudes de pensée. C’est tout l’art de ce personnage lumineux et de ce film sans prétention où miroitent pourtant tant de discrètes réverbérations sur la nature des individus et sur le devenir leurs rapports dans un monde d’où l’ingénuité semble s’être retirée lentement.

Pas de héros ici, on l’aura compris. Et le pauvre Wilson n’est guère récupéré par son ex-femme, autre « misfit » aussi perdue que lui, et dont la vulnérabilité trouve une touchante incarnation dans le visage et la silhouette fragile de Laura Dern. Son personnage réussit le prodige d’accumuler dans son passif la drogue et la prostitution sans jamais pour autant sombrer dans le pathos. Parce que rien n’est jamais entièrement noir, parce que nos existences oscillent en permanence entre le tragique et le grotesque, ce film a la vertu de montrer la vie dans toute son ambivalence. Les êtres les plus prosaïques ne sont jamais exempts d’instants de grâce, et la grisaille du quotidien réserve toujours quelques éclaircies inattendues.

Conclusion

Ce film soufflera un vent frais opportun sur l’été qui nous attend. On appréciera de se couper du monde pour le voir avec un regard nouveau, c’est-à-dire lointain, au moins le temps de la projection. Woody Harrelson et Laura Dern, comme ces mythiques « misfits » qu’étaient déjà Clark Gable et Marilyn Monroe, nous toucherons et nous ferons rire, nous emporterons dans leurs rêves en peu fous et toujours un peu déçus, et nous laisserons quitter la salle obscure avec des yeux un peu humides sans doute, un brin dessillés peut-être.

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